C'est le Mois de la littératie financière. Et tout le monde s'en fout.

Publié le 01/11/2016 à 10:57

C'est le Mois de la littératie financière. Et tout le monde s'en fout.

Publié le 01/11/2016 à 10:57

Vous l’avez senti ce matin en mettant le nez dehors? Non, vous n’avez pas reniflé cette petite odeur de presbytère mal aéré? Je vous donne un indice: littérrr… litté-rrra… Allez! Lit-té-ra… tiiiiiiie… Vous ne devinez toujours pas?

Aujourd’hui débute le Mois de la littératie financière. C’est toujours le lendemain de l’Halloween! Facile, non? Je vous l’avais dit l’année dernière. L’autre année d’avant aussi. Et en 2013! Le temps file, on en est déjà à la sixième édition. Et ça ne rentre pourtant pas dans nos têtes.

Il faut dire qu’il n’y pas de quoi marquer les esprits. L’Agence de la consommation en matière financière du Canada(ACFC) est le chef d’orchestre de cette initiative au pays. Et mon nez me dit qu’elle doit composer avec un budget plutôt maigrichon pour promouvoir l’événement.

L’organisme fédéral produit en général de l’excellente information sur les sujets de consommation et de crédit. Son site Internet renferme des ressources, des calculatrices et des rapports de recherche qui en font une des meilleures références. Il pourrait offrir une expérience de navigation plus au goût du jour, mais on n’en demandera pas trop d’un site Web géré par l’appareil fédéral. Un bon site d’information, donc, sauf que…

C’est dans un recoin perdu du site de l’ACFC que l’on peut prendre la mesure des efforts investis pour promouvoir l’éducation financière au pays durant le moins de novembre. Comment dire? Ça fait un peu pic pic!

À moins de faire une recherche par Google, bonne chance pour trouver l’information sur le Mois de la littératie financière en passant par le site de l’ACFC. [Depuis la publication de ce billet, l'information a été mise en évidence en haut du site de l'ACFC] Celui qui fera cet effort (qui?) constatera que dans la version française, on met de l’avant le blogue de la chef du développement de la littératie financière du Canada, Jane Rooney, avec un gros bouton où il est écrit, tout simplement, «Le Blogue». Peut-être que l’ACFC a voulu prêcher par l’exemple en réduisant au maximum ses dépenses de création. Et Mme Rooney d’introduire les Canadiens au Mois de la littératie financière en encourageant les 23 personnes qui auront abouti par erreur sur sa page à faire un budget.

Comme Mme Rooney, on peut nous aussi faire la promotion du Mois de la littératie financière. Par exemple, dans la section «Matériel promotionnel - produit marketing», on nous invite à piger chaque semaine dans une banque de citations préfabriquées de Mme Rooney. Par exemple: «Un budget consiste simplement à faire le suivi de votre revenu et de vos dépenses.» Ou encore: «Un budget est un excellent outil pour vous aider à trouver de l'argent à épargner.»

Cela me rappelle ces poupées qui débitaient un cliché lorsqu’on tirait la ficelle, dans le dos.

Toujours dans la même section, nous sommes invités à repiquer des articles clé en main (il y en a quatre), dont Réduisez le stress de la rentrée: faites un budget. Ce sera plus approprié dans neuf mois, mais on peut encore se rabattre sur Éliminez le stress du temps des Fêtes en gérant efficacement vos dettes. On peut aussi utiliser d’autres informations pré-mâchées, dont des statistiques et des infographies étampées du drapeau canadien.

On ne sait pas trop à qui s’adressent ces informations, franchement. Au public? Aux promoteurs de la littératie financière?

L’internaute trouvera également une liste pêle-mêle de ressources et d’événements qui auront lieu partout au Canada. Tout au long du mois de novembre, des Associations coopératives d’économie familiale(ACEF), des universités et autres organismes d’éducation organisent des séances d’information. Remarquez, ils le font le reste de l’année aussi.

Par contre, je m’interroge sur l’intérêt réel des institutions financières à offrir des formations dans le cadre du Mois de la littératie financière. Un atelier sur les prêts hypothécaires offert par un prêteur hypothécaire? À vue de nez, le tiers au moins des formations inscrites au calendrier sont offertes par des banques qui, d’ordinaire, ont davantage tendance à profiter de l’ignorance de leurs clients. Et quand je vois, dans le tas, parmi les ressources répertoriées, l’«ABC du budget» par Visa, je suis perplexe. Comme si Coca-Cola donnait des conseils en nutrition.

Mais bon, sans la participation des grands acteurs de l’industrie, le menu serait mince.

Mais dites-moi, franchement, si je ne vous en avais pas parlé, vous vous seriez rendus à Noël sans vous en apercevoir, pas vrai? Bah oui! On brasse du vent en haut, mais le thème a bien du mal à atteindre le public cible, en bas.

Quand même, bon Mois de la littératie financière tout le monde!

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.