Une société en déclin n'est jamais un bon placement


Édition du 30 Novembre 2013

Une société en déclin n'est jamais un bon placement


Édition du 30 Novembre 2013

Un lecteur m'a récemment écrit à propos des problèmes du géant du commerce de détail Reitmans. Selon lui, la chaîne n'a d'autre choix que de fermer son capital, comme il prévoit que cela se produira dès l'an prochain. Cet actionnaire de Reitmans prédit même le prix : au plus 12 $.

Je ne spéculerai jamais sur une privatisation future et je ne recommanderai jamais de le faire. Toutefois, ce lecteur m'a poussé à jeter un coup d'oeil sur ce titre. Ce que j'ai vu n'est pas beau du tout.

Une performance affreuse

Reitmans est un détaillant spécialisé dans les vêtements pour dames et compte 900 établissements au Canada. Il exploite six enseignes, dont les principales sont Reitmans, Smart Set et RW&Co.

La société a toujours été reconnue pour son conservatisme et sa relative fiabilité, nonobstant les cycles économiques. En fait, elle a progressé au fil des ans en faisant preuve de prudence pendant les bonnes années pour ensuite en profiter lorsque les récessions faisaient tomber des concurrents cigales. Ce modèle ne semble plus fonctionner.

Sa performance récente est affreuse.

Comme le lecteur me le mentionnait, le titre a fondu de moitié depuis un an ; il est au même prix qu'il y a 10 ans. Et pas pour rien. Ses revenus sont en baisse et plus encore pour ses bénéfices. Par exemple, à son plus récent trimestre clos le 3 août, ses revenus ont glissé de 9,3 %, tandis que ses ventes comparables ont reculé de 6,8 %.

Pendant cette période, Reitmans a ouvert trois magasins et en a fermé douze.

De son exercice 2009 à celui de 2013 (clos au début de février), ses ventes sont passées de 1,05 milliard de dollars à 1,0 G$, soit aucune croissance en cinq ans. Ses bénéfices sont passés de 85,8 M$ à 26,6 M$, soit une baisse de plus de 68 %. On ne parle pas d'une société qui végète ou fait du surplace, mais bien d'une entreprise en déclin. Ce qui nous est confirmé lorsqu'on constate que son nombre de magasins est passé de 973, en 2009, à 911, à la fin de 2013. Deux trimestres plus tard, au début d'août, il s'établit à 900.

Si ces cinq dernières années étaient des années de récession, il serait plus facile d'être clément. Mais ce n'est pas le cas : la croissance économique est au rendez-vous au Canada.

Une industrie transformée

Que se passe-t-il ? Même si tout l'univers du monde du commerce de détail ne vit pas des heures de gloire, il reste que les femmes continuent de s'habiller et de dépenser pour leur apparence. Elles le font juste moins souvent et en dépensant moins dans les magasins appartenant à Reitmans.

En fait, tout l'univers commercial de la société est en bouleversement.

Reitmans est attaquée sur au moins trois fronts différents. D'abord, il y a la concurrence provenant des géants mondiaux spécialisés, comme H&M et Zara, qui ont pris d'assaut le Canada. Il y a aussi les géants généralistes, comme Walmart et Target, l'effet de cette dernière société ne commençant qu'à se faire sentir. Enfin, la société affronte une nouvelle génération de commerçants actifs uniquement sur le Web, les Beyond the Rack de ce monde. Ces détaillants réduisent les prix au maximum et sont super efficaces.

La réponse de la direction de Reitmans me semble trop timide. Elle ferme les magasins qui sont les moins productifs. Elle a de plus effectué des coupes dans le personnel, une réaction traditionnelle quand une entreprise va mal. La société a commencé à vendre sur Internet, bien maladroitement et tardivement. Ce n'est guère surprenant, car elle craint de cannibaliser les ventes de ses boutiques.

Enfin, Reitmans a réduit considérablement ses dépenses d'investissement prévues en 2014, les faisant passer de plus de 84 M$ l'an dernier à environ 44 M$.

Même si ces mesures peuvent aider à court terme, cela semble à mes yeux davantage une stratégie défensive qui est loin de pouvoir fouetter sa croissance.

La société jouit toutefois d'une situation financière solide, avec en encaisse et des titres négociables de 146 M$ au 3 août par rapport à une dette à long terme de 6,2 M$.

Enfin, mentionnons son dividende qui peut séduire certains investisseurs. Le titre offre un dividende trimestriel de 0,20 $ par action, ce qui représente un rendement de plus de 10 % par rapport au cours actuel. Toutefois, les dividendes versés ont dépassé ses bénéfices en 2012, en 2013 et également lors de ses deux premiers trimestres de l'exercice en cours.

En d'autres termes, le dividende est injustifiable dans le contexte de sa performance des dernières années.

Tout cela pour dire que les perspectives de Reitmans sont obscures, voire inquiétantes.

À mon avis, c'est une grave erreur de miser sur une privatisation, un genre d'événement «sauveur» ; c'est encore plus vrai pour une entreprise contrôlée par ses dirigeants, comme chez Reitmans.

Investir dans une société en déclin est une proposition perdante à long terme. Et tout indique que c'est le cas de Reitmans.

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