L’International Copper Alliance évalue à 40% la part de cuivre en circulation actuellement recyclée, laquelle représente «environ un tiers de l’offre annuellement». (Photo: 123RF)
Un «déficit de 5 à 6 millions de tonnes» à moyen terme dans le monde: les tensions entre l’offre et la demande de cuivre inquiètent pour la transition énergétique, tant le métal rouge est central pour l’électrification des usages, levier majeur de réduction des gaz à effet de serre.
Pourquoi le cuivre est important dans la transition énergétique?
«Quand vous voulez transporter de l’énergie, à l’intérieur de la voiture, du bâtiment, ou entre la centrale de production et votre lieu de consommation, vous allez avoir besoin de passer un courant électrique et aujourd’hui on n’a rien trouvé de mieux, dans un ratio acceptable coût/résistance, que le cuivre», explique un industriel.
De quoi attiser les convoitises: le monde est entré dans une électrification à marche forcée afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre. L’Europe, notamment, souhaite réduire ses émissions de CO2 de 55% en 2030 par rapport à 1990. Parallèlement, les pays émergents sont «en cours d’électrification», souligne Vincent Dessale, directeur des opérations du groupe Nexans.
Comment évolue la demande?
Selon l’AIE, qui organise cette semaine un sommet sur les métaux critiques de la transition, le marché du cuivre a augmenté d’environ 50% entre 2017 et 2022, atteignant près de 200 milliards de dollars américains.
«On consommait de l’ordre de 9 à 10 millions de tonnes (Mt) de cuivre dans le monde il y a une vingtaine d’années, aujourd’hui on doit être à 23, 24 Mt, donc on a doublé en 20 ans. (…) On pense que dans dix ans seulement, on sera probablement entre 35 et 40 Mt», précise Vincent Dessale.
Outre le raccordement aux réseaux électriques des éoliennes en mer, très gourmand en câbles, un véhicule électrique nécessite «globalement deux fois plus de cuivre qu’un véhicule thermique», selon lui.
Va-t-on vers une pénurie?
Les modèles statistiques utilisés depuis des années «prédisent toujours un déficit de l’offre», mais celui-ci ne s’est pas produit à ce jour, «pour différentes raisons: évolution des prix, dynamiques de marché diverses et variées, le fait que la substitution parfois intervient», explique Laurent Chokoualé, de l’International Copper Association (entreprises minières et fondeurs), qui représente 50% environ du tonnage du cuivre produit dans le monde.
Mais, étant donné la croissance exponentielle de la demande, «on pourrait effectivement se retrouver avec un problème au début des années 2030, avec un déficit de l’ordre de 5 à 6 Mt», ajoute-t-il.
L’International Copper Study Group, organisme intergouvernemental, évalue à environ 10 Mt les quantités de cuivre «verrouillées» dans des projets miniers en cours d’approbation sur les cinq à dix prochaines années.
«Plus vite on pourra mettre cet outil de production en marche, plus on sera en mesure au moins de réduire les inquiétudes qui pourraient survenir sur l’adéquation de l’offre à la demande», souligne M. Chokoualé.
Mais, souligne l’AIE, «les opérations existantes rencontrent toujours des difficultés», car le Chili, premier producteur mondial, «est confronté à une baisse de la qualité du minerai et à des pénuries d’eau», et les protestations des communautés locales «pourraient perturber les approvisionnements» du Pérou, deuxième producteur.
Y a-t-il des solutions pour l’éviter?
Plusieurs leviers sont évoqués: le recours à l’aluminium, bon conducteur de courant, ne pose pas de problèmes de ressources, mais sa chaîne d’approvisionnement présente des difficultés. Produit à partir de la bauxite pour faire de l’alumine, puis de l’aluminium, il nécessite «trois étapes de production différentes, pas toujours dans les mêmes zones géographiques», souligne M. Dessale.
En outre, sa production est très énergivore (et émettrice de carbone) et son prix est donc très tributaire des coûts de l’énergie. Enfin, «il y a un élément géopolitique, un des plus gros producteurs d’aluminium dans le monde est russe et ça a généré de la contrainte supplémentaire sur ce marché», ajoute-t-il.
Autre levier fréquemment évoqué: le recyclage du cuivre.
L’International Copper Alliance évalue à 40% la part de cuivre en circulation actuellement recyclée, laquelle représente «environ un tiers de l’offre annuellement». Ce levier est d’autant plus important dans les pays industrialisés, qui regorgent de «mines urbaines».
Si un recyclage à terme de 100% du cuivre est difficilement envisageable, compte tenu des difficultés d’accès à cette ressource, souvent enfouie dans le sol ou dans les immeubles, le taux de 40% peut progresser, «par une amélioration générale des systèmes de collecte, et une amélioration des technologies de séparation du cuivre des autres éléments», conclut M. Chokoualé.