Alors que Washington s'enlise, Pékin étend son hégémonie


Édition du 06 Avril 2019

Alors que Washington s'enlise, Pékin étend son hégémonie


Édition du 06 Avril 2019

CHRONIQUE  Alors que les États-Unis de Donald Trump perdent de l'influence, la Chine de Xi Jinping étend méthodiquement son hégémonie.

En témoigne le séjour que vient d'effectuer en Europe le président chinois. Il a notamment rencontré, à Paris, le président français Emmanuel Macron, qui a tenu à ce que le secrétaire général du Parti communiste chinois, qui est aussi le commandant de l'armée chinoise, rencontre en même temps Angela Merkel, chancelière de l'Allemagne, et Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne.

Ce mini-sommet avait pour but de détendre les tensions commerciales causées par le protectionnisme des États-Unis et de renforcer les liens entre l'Europe et la Chine. Alors que la politique commerciale de l'imprévisible et ignorant président américain repose sur l'imposition de tarifs douaniers, il importe que l'Europe cherche à protéger ses marchés de l'expansionnisme économique de l'empire du Milieu et profite de sa croissance économique.

Le 24 mars, le président chinois avait signé à Rome un partenariat officialisant la participation de l'Italie aux nouvelles routes de la soie, un projet gigantesque lancé par Xi Jinping en 2013 dans le but de développer de nouveaux corridors de transport par terre, mer et air touchant quelque 60 pays d'Asie, d'Europe, d'Afrique et d'Océanie, qui demandera des investissements de milliers de milliards de dollars américains. On prévoit aussi aménager des corridors de transport de pétrole, de gaz et d'électricité. Plus de 150 pays, banques et organisations diverses sont invités à participer à cet immense projet.

L'Italie est le premier pays du G7 et le plus important pays de la dizaine de membres de l'Union européenne à participer à cette initiative, ce qui est mal vu par l'Union européenne. On parle d'une trentaine de projets d'infrastructure évalués entre 7,5 G $ et 10 G $ CA, auxquels participeront des entreprises chinoises.

Puisque le déploiement des nouvelles routes de la soie s'accompagne de financement et d'expertises de sociétés d'État de la Chine, cette initiative est très attrayante pour plusieurs pays émergents d'Afrique et d'Asie, mais aussi d'Europe (Grèce, Portugal, etc.), où la Chine peut du même coup exercer son influence géopolitique et étendre sa toile économique.

C'est un secret de polichinelle que la Chine volontariste de Xi Jinping n'est pas celle de Deng Xiaoping, président de 1978 à 1992, qui était guidé par une grande réserve relativement à ses forces et ses ambitions.

La Chine d'aujourd'hui a des visées hégémoniques, comme on peut le voir par plusieurs acquisitions de participations dans des sociétés étrangères (Cirque du Soleil, Volvo, Pirelli, Club Med, Lanvin, Le Pirée, etc.). En Europe seulement, la Chine aurait investi environ 220 G $ CA depuis 2010. En Afrique, les investissements y sont massifs dans un très grand nombre de pays. En plus d'y exploiter des ressources naturelles comme l'on fait les pays occidentaux, la Chine construit dans ces pays des hôpitaux, des écoles, des routes, des ports, des aéroports, etc., ce qui la fait bien paraître et lui permet de faire connaître sa culture et ses valeurs.

Des entreprises chinoises, telles que Huawei, ZTE, Alibaba, Tencent, etc., déploient avec force leurs tentacules à l'étranger, où elles rencontrent souvent de la résistance. Le cas le plus flagrant est celui d'Huawei, qui contrôlerait 40 % du marché mondial des équipements de réseaux de télécom et dont la technologie 5G est la plus avancée. Puisque les États-Unis n'ont rien d'équivalent, Washington l'interdit pour des raisons dites de sécurité et exerce des pressions sur ses partenaires commerciaux pour qu'ils la rejettent également. Le Japon, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, Taïwan et d'autres ont suivi, mais pas le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Inde et la Turquie. Le Canada, qui est l'objet de pressions intenses de part et d'autre, n'a pas encore pris de décision à ce sujet. Grâce à ses nombreux partenaires commerciaux, notamment parmi les non alignés, la Chine exerce maintenant une influence déterminante aux Nations Unies.

En Asie, elle déploie sa présence dans les mers de Chine méridionale et orientale, où ses navires de guerre et son nouveau porte-avions patrouillent dans les mers territoriales de pays voisins, tels le Vietnam, les Philippines, la Malaisie et Brunei. Elle a même développé des installations portuaires et aéroportuaires sur une île qui serait située dans les eaux territoriales du Vietnam. Allié de la Chine et craignant des représailles, celui-ci tolère. Il est à prévoir que la Chine en viendra à expulser les Américains de la région, qu'elle entend dominer.

Alors que les États-Unis manquent de vision et qu'ils sont désorganisés, la Chine possède une vision claire et exécute méthodiquement un plan qui lui permettra de devenir un pôle aussi important que l'Empire américain. Cela représentera un important défi pour nous.

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À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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