Un accompagnement adapté à l’investissement au féminin


Édition du 20 Mars 2024

Un accompagnement adapté à l’investissement au féminin


Édition du 20 Mars 2024

Par Catherine Charron

(Photo: 123RF)

Aujourd’hui, plus que jamais, les gestionnaires de patrimoine doivent changer leur discours, en commençant par déceler leurs propres biais inconscients.

«Cessons de croire que les femmes ne sont pas intéressées par ce sujet. Au contraire, soutient Suzanne Tremblay, vice-présidente et cheffe régionale, Québec et Atlantique, Services privés, à Gestion de patrimoine TD. Il faut adapter son approche. Les impliquer dans la discussion, surtout lorsqu’elles sont en présence de leur conjoint; c’est la base.»

Au-delà du lien de confiance, le professionnel doit cultiver cet intérêt en parlant un langage qui raisonnera avec ses clientes, que ce soit en expliquant les retombées que ça aura sur leur confort dans leurs vieux jours ou le legs qu’elles laisseront à leurs enfants, ajoute Caroline Ste-Marie, conseillère en placements à Patrimoine Richardson.

«Elles ne souhaitent généralement pas tant obtenir un rendement excessif ou battre le marché. Elles se demandent plutôt si elles en auront suffisamment», a-t-elle observé au cours des trente dernières années.

«Le portefeuille, c’est une commodité. La vraie valeur dans le conseil, c’est lorsqu’on atteint ce niveau de relation et de conversation difficile à avoir», résume Angela D’Angelo, vice-présidente à l’expansion des affaires et à la croissance Québec à ScotiaMcLeod, Gestion de patrimoine.

Dans la planification familiale, ça se traduit notamment par vérifier si les dépenses sont faites équitablement. «Quand le couple veut des enfants, ça implique un arrêt de travail et moins d’épargne. Il existe des solutions, mais il faut prendre le temps d’en parler», explique Jean-Philippe Vézina, planificateur financier dans l’équipe de conseil de planification financière Jean-Maurice Vézina, affiliée à Valeurs mobilières Groupe Investors.

Selon lui, il est plus judicieux que les membres du couple collaborent avec un même expert, ce qui ne l’empêche pas d’organiser des rencontres individuelles pour que chacun ait la liberté de s’exprimer. «Encore aujourd’hui, c’est souvent l’homme qui essaie de montrer qu’il en connaît un paquet», rapporte-t-il. C’est aussi l’occasion d’entendre les «non-dits»et de s’assurer que chaque client sera en bonne posture si jamais la relation devait prendre fin.

Faisant de même avec sa propre clientèle, Caroline Ste-Marie souligne toutefois que cette pratique est plus difficile à étendre aux personnes plus âgées.

Le gestionnaire ne doit pas non plus présumer que les préférences de l’un s’appliquent aux deux si l’autre membre du couple ne se prononce pas.

C’est aussi leur responsabilité, en quelque sorte, de transmettre les connaissances nécessaires afin que leurs clientes prennent des décisions éclairées et développent leur autonomie financière.

«On doit avoir un bon sens des contraintes et des objectifs, bâtir un climat de confiance et leur donner la possibilité de poser toutes les questions, même celles qu’elles jugent trop simples», ajoute Hadiza Djataou, vice-présidente à la gestion de portefeuille à revenu fixe chez Placements Mackenzie.

Les formulaires qui servent à comprendre son client tiennent rarement compte des spécificités de genre et des considérations supplémentaires des investisseuses, déplore-t-elle.

Toutefois, l’entièreté du poids de la bonne santé financière des femmes ne repose pas que sur les épaules de leur conseiller.

«Les gestionnaires de patrimoine devraient être formés sur ces spécificités, et les femmes devraient être plus représentées dans l’industrie. Les autorités ont elles aussi un rôle à jouer pour s’assurer que l’information est mieux vulgarisée, affirme-t-elle. Investir, et être investi, ça devrait être une responsabilité de chacun.»

 

Prendre la balle au bond

Aux aguets, l’industrie accélère aujourd’hui un virage entamé il y a une quinzaine d’années afin de répondre aux besoins des clientes, observe Angela D’Angelo, qui cumule trente ans d’expérience dans le secteur de la gestion de patrimoine.

En tant que président du comité de formation et de développement professionnel de la Chambre des institutions financières, Jean-Philippe Vézina confirme que «dans un avenir très rapproché, on va mettre l’accent sur ce phénomène. Les inégalités des dépenses dans le couple seront plus abordées, tout comme l’accompagnement des personnes vieillissantes».

De nombreuses institutions financières ont déjà commencé depuis plusieurs années à organiser des journées de formation pour éduquer leurs clientes, mais aussi pour que les experts qui les entourent adaptent leur pratique.

Placements Mackenzie a par exemple conçu des systèmes de soutien pour les conseillers afin qu’ils répondent adéquatement à leurs besoins, mais aussi pour élever le statut des femmes dans le milieu.

Idem pour Gestion de patrimoine TD, qui s’attaque tout particulièrement à gommer les biais inconscients de ses conseillers.

Que les femmes occupent plus de places et campent davantage de rôles de gestionnaires de portefeuille devrait contribuer à constituer cet environnement plus inclusif, croit Caroline Ste-Marie. «Cette meilleure représentation dans le secteur va interpeller les clientes.»

Ça passe notamment par la création d’équipes aux compétences diverses et aux profils différents, soutient Angela D’Angelo. Non seulement les clientes auront-elles un service à la hauteur de leurs attentes, mais cela permettra aussi aux conseillères de s’y tailler une place plus déterminante, ajoute-t-elle. «Les femmes ont plus tendance à être branchées au niveau relationnel», a-t-elle remarqué au cours de sa carrière.

Si certaines expertes ont bel et bien observé que les conseillères avaient plus de facilité à créer ce lien de confiance avec leurs clientes, ces dernières ne cherchent pas coûte que coûte à être accompagnées par des femmes. Seules 11 % des investisseuses sondées y accordaient une importance, d’après les chiffres collectés par ­Gestion de patrimoine ­TD, rapporte Suzanne Tremblay.

Aux sceptiques qui doutent encore de la portée de cette transition, ­Hadiza ­Djataou rappelle tout le potentiel qu’ils pourraient gagner : « ­Leur poids va doubler par rapport à aujourd’hui, c’est un potentiel d’investissement qui est super. Quand les femmes mettent un terme à la relation d’affaires parce qu’elles n’ont pas de lien de confiance, ce sont des fonds que les conseillers perdent. »

 

CONSEILS DE L'EXPERTE

Impliquez les femmes dans vos discussions

Suzanne Tremblay, vice-présidente, cheffe régionale, Québec et Atlantique, Services privés, Gestion de patrimoine TD (Photo: courtoisie)

« ­Cessons de croire que les femmes ne sont pas intéressées par ce sujet. Au contraire. Il faut adapter son approche. Les impliquer dans la discussion, surtout lorsqu’elles sont en présence de leur conjoint ; c’est la base. »

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