L'or semble capricieux, mais ce n'est qu'en apparence

Publié le 30/12/2022 à 14:30

L'or semble capricieux, mais ce n'est qu'en apparence

Publié le 30/12/2022 à 14:30

En cette période d’inflation, de chute des actions et d’instabilité géopolitique autour de l’Ukraine, l’or ne devrait-il pas s’envoler? Au contraire, il a perdu 18% entre mars et novembre 2020, ce qui était tout à fait cohérent. 

L’or peut être insaisissable. Craig Basinger, stratège en chef des marchés à Purpose Investments, cite une récente bande dessinée qui parle de l’or. Un personnage, très déprimé, dit à l’autre: «J’ai vu juste quant à l’inflation et à l’augmentation des conflits mondiaux.» L’autre réplique: «Super! Alors, c’est quoi ton problème?» «J’ai acheté de l’or», répond le premier. 

«Ce ne sont pas les investisseurs frustrés qui manquent, reconnaît Craig Basinger. L’année dernière, tout a augmenté, sauf l’or, ce qui en a rendu beaucoup davantage frustrés.» Mais l’inflation désormais débridée devrait être bonne pour l’or, tout comme le conflit exacerbé avec la Russie et la Chine. «L’or devrait mieux faire, et il l’a fait peu après l’invasion de l’Ukraine.» 

En effet, «au premier trimestre de cette année, nous avons vu le prix de l’or atteindre des niveaux presque record, couplés à une envolée des flux de fonds négociés en Bourse adossés à l’or», note Joseph Cavatoni, chef de la stratégie de marché pour l’Amérique du Nord au World Gold Council. «Cette fuite vers l’or en tant que valeur refuge a été principalement motivée par l’incertitude géopolitique.»

 

L’or fait marche arrière

Mais ensuite, contre toute attente, l’or a de nouveau chuté. Un mois avant l’invasion de l’Ukraine, il a entamé une remontée. On l’a vu atteindre 1990 dollars américains ($US) l’once deux semaines après le début des hostilités. Il est resté sous ce plafond pendant environ un mois, puis a entamé une descente qui l’a fait tomber à 1627$US/oz à la fin du mois d’octobre, soit un long plongeon de 18%.

À ce moment-là, l’inflation était en hausse, phénomène que la Réserve fédérale a longtemps qualifié de «transitoire». C’était plutôt positif pour l’or. Toutefois, en mars — mois de l’invasion en Ukraine — la Fed a initié la première de ses hausses de taux, et l’espoir d’un retour de l’inflation a commencé à s’installer. Et l’or a entamé son déclin.

Mais il ne faut pas confondre inflation et hausse de l’or, prévient Robert Cohen, vice-président et gestionnaire de portefeuille des fonds Dynamic Precious Metals Series et Dynamic Strategic Gold Class. Sa hausse est plutôt liée à la forte augmentation de la masse monétaire qui a suivi la distribution somptuaire d’argent pendant la pandémie. 

Au cours de cette période, M2, la mesure de la masse monétaire à laquelle on réfère le plus souvent (qui comprend l’argent en circulation, les comptes chèques, les dépôts d’épargne et les fonds du marché monétaire), a grimpé de 23% en 2020, soit «presque le double de son rythme antérieur le plus rapide de l’ère moderne», indique une note du Manhattan Institute. C’est à ce moment-là que les graines immédiates de l’inflation ont été semées, et que l’or s’est mis à briller, faisant un bond de 39% entre le 20 mars et le 6 août 2020.

 

Le billet vert suprême

Une autre chose s’est produite en mars lorsque les banques centrales ont commencé à hausser les taux d’intérêt: le dollar américain a accéléré sa croissance, qui s’était installée depuis mai 2021. Entre l’annonce de la première hausse des taux par la Fed le 16 mars et la mi-octobre, le billet vert a gagné 15%. «Le truc avec la Fed, c’est qu’elle contribue à faire monter la valeur du dollar», explique Jon Mills, analyste à Morningstar, «puisque la plupart des matières premières, y compris l’or, sont évaluées en dollars. Toutes choses étant par ailleurs égales, un dollar plus fort entraîne une baisse des prix des matières premières, et l’or n’a pas échappé à cette dynamique.» Craig Basinger est d’accord: «La flambée du dollar américain a été négative pour le prix de l’or».

La forte corrélation négative de l’or avec le dollar a été illustrée récemment, à la mi-octobre, lorsque le dollar a fortement chuté, perdant sept sous. En contrepartie, l’or a fait un bond de 9,4%.

Par ailleurs, un autre facteur qui pèse sur l’or est la résurgence des rendements obligataires en réponse aux hausses de taux. «L’avantage de l’or tient à sa valeur qui augmente avec l’inflation en raison de sa rareté, mais son inconvénient est qu’il ne s’agit que d’un caillou et qu’il ne génère aucun revenu, commente Jon Mills. Les bons du Trésor américain, en revanche, génèrent des revenus via leur taux d’intérêt. Ainsi, la politique de relèvement des taux de la Fed pour lutter contre l’inflation a rendu les bons du Trésor relativement plus attrayants que l’or.»

 

L’or réagit à des facteurs externes

En matière de valorisation, l’or est une créature inhabituelle. Au lieu de fixer son propre marché en fonction des bénéfices et des performances de l’entreprise (comme une action), l’or réagit à des facteurs de prix externes dans l’économie. Ces facteurs peuvent être très divers et se combiner de nombreuses façons pour faire monter ou descendre les prix: masse monétaire, taux d’intérêt réels, taux de change du dollar et rendements.

Nous ne devons pas non plus limiter notre perspective sur l’or au seul point de vue du dollar américain, conseille Craig Basinger. Globalement, cette année, l’or affiche un recul net de 5% en dollars américains, «mais au Japon, il est en hausse de 17%, en Europe, de 5%, et même au Canada, il est en hausse de 1,4%», fait-il ressortir. 

De plus, «l’or a bien résisté comparé à d’autres actifs au cours d’une période de volatilité soutenue des marchés — il a surpassé les obligations d’environ 8% depuis le début de l’année, pour ne citer qu’un exemple — ce qui souligne sa valeur à long terme en tant qu’actif refuge», souligne Joseph Cavatoni.

Cette fois-ci, étant donné un fort soutien d’une masse monétaire en hausse, l’ascension des taux et du dollar sont les principaux déterminants de l’or. «Si vous combinez tous les facteurs, je dirais que le marché est assez efficient et que le prix de l’or est tout à fait là où il devrait être», conclut Robert Cohen.

La façon dont s’alignent les moteurs de l’or pourrait être positive pour le métal précieux à moyen terme. «Nous pensons, dit Joseph Cavatoni, que de nouvelles hausses des taux directeurs et la force du dollar américain en tant que valeur refuge pourraient être en déclin après avoir poussé le sentiment du prix de l’or à des extrêmes historiques. Cela pourrait dresser la table pour que la demande d’investissement en or inverse son cours.»

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