Blogue.
Tout était bien calculé.
Mardi le 14 décembre, les dirigeants nord-américains d’Electrolux lancent une bombe en annonçant sans préavis la fermeture prochaine de leur usine de L’Assomption – et la perte éventuelle de 1300 emplois.
Le lendemain, le mercredi 15, on apprend que l'entreprise suédoise se réinstalle à Memphis, au Tennessee, récoltant au passage 132 millions de dollars en subventions de tous ordres.
Si Québec avait connu plus tôt les intentions de l’entreprise, aurait-on pu réagir ? Non. Dans les faits, les dés étaient pipés.
Un article du Daily News, de Memphis, intitulé « Jobs jackpot » (pour nous faire encore plus suer), confirme que la ville négociait depuis plus de deux mois avec Electrolux pour préparer sa venue, empilant concessions et avantages pour la sortir de L’Assomption. Ces discussions, tenues secrètes, portaient même un nom de code : Project Journey.
Le jour où Electrolux a fini par obtenir tout ce qu’elle désirait à Memphis, le sort en était jeté. Elle a annoncé sur le champ la fin de son usine de L’Assomption.
Et ce n’est pas par grandeur d’âme qu’elle conserve à son emploi ses travailleurs québécois jusqu’en 2012 : il lui faut tout ce temps pour construire son usine neuve à Memphis. Lorsqu’elle sera prête, on va déménager.
PLUS : Mobilisation autour des licenciés d'Electrolux
On ne pouvait pas voir venir les événements parce qu’Electrolux se servait encore du fonds de 4 millions de dollars mis à sa disposition par Investissement Québec pour améliorer ses installations de L’Assomption. Elle en avait déjà utilisé la moitié. Quand, apparemment, tu rénoves, ce n’est pas pour déménager. Or, pendant ce temps, elle se faisait faire la cour par Memphis. Beau cas d’hypocrisie, pour ne pas dire plus.
Imaginons le contraire. Imaginons que ce soit le Québec qui ait offert en secret 132 millions de dollars à Electrolux pour l’inciter à relocaliser ici une usine située au Tennessee. Comment auraient réagi les Américains ? Les chars d’assaut n’auraient peut-être pas traversé la frontière, mais tout juste. On les aurait entendu hurler jusqu’aux confins de la galaxie et le représailles économiques auraient été terribles.
De part et d’autre, cette conduite est odieuse.
Les Américains, champions de la libre entreprise et de la non intervention de l’État, sont prêts à tout pour rescaper leur économie, quitte à trahir leurs principes.
Electrolux, elle, sera maintenant connue pour parler des deux côtés de la bouche. Sin on ne peut pas faire confiance à ses dirigeants, comment pourrait-on faire confiance à ses produits ?
Les appels au boycottage ne sont jamais faciles, et tout dépend des circonstances. Je ne suis pas retourné chez Shell depuis l’annonce de la fermeture de sa raffinerie de Montréal, mais j’imagine que si je roule un soir dans un coin perdu en voyant baisser dangereusement la jauge d’essence, je ne prendrai pas le risque de dédaigner la première station-service que je verrai.
Mais on achète rarement un électroménager sur un geste impulsif. C’est vrai qu’avec l'abandon de Montmagny par Whirlpool, il y a six, ans, puis la désertion, annoncée, d’Electrolux, le choix commence à se raréfier. Mais je ne pourrai plus jamais voir le nom d’Electrolux accolé à celui de Frigidaire, sur mon réfrigérateur, sans avoir un pincement au cœur.