Les consommateurs sont également beaucoup plus à l’affût des bas prix. (Photo: George Bakos pour Unsplash)
COMMERCE DE DÉTAIL. Le commerce de détail a légèrement progresséen 2023 au Québec, malgré certains défis qui compliquent la vie des détaillants. Ceux-ci doivent trouver des manières de se démarquer dans un marché très compétitif.
Les détaillants québécois ont enregistré des ventes de 177,6 G$ en 2023, selon Statistique Canada. Il s’agit d’une hausse de 4,1 % par rapport à 2022, qu’il convient de relativiser. « On doit tenir compte de l’inflation, qui gonfle la valeur des ventes, mais on note tout de même une petite augmentation comparativement à 2022 », souligne Damien Silès, directeur général du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD).
Des défis majeurs
La pénurie de main-d’œuvre continue de se faire sentir, bien que de manière moins intense. L’inflation a ralenti, mais les taux d’intérêt restent élevés. Le coût de certaines taxes, les renouvellements hypothécaires et la hausse des loyers compliquent la vie des commerçants. Ces éléments réduisent aussi le rythme des dépenses des consommateurs. « Les gens hésitent beaucoup plus avant d’acheter », note Damien Silès.
Les consommateurs sont également beaucoup plus à l’affût des bas prix. « Près de 60 % des consommateurs canadiens ont indiqué dans un de nos sondages de 2023 qu’ils modifieraient leur comportement d’achat, et la recherche de rabais était le plus gros facteur, révèle Michel Rochette, président du Conseil canadien du commerce de détail (CCCD). Cela accroît l’importance d’événements comme le Vendredi fou et le Cyberlundi. »
Hausse des vols et de la violence
Par ailleurs, les vols à l’étalage deviennent un vrai fléau. La part moyenne des marchandises volées par rapport aux ventes totales est passée de 0,7 % en 2021 à 0,85 % en 2022, puis à 1 % en 2023, selon le CQCD. Au Québec, cela équivaut à 1,8 milliard de dollars (G$) de ventes par année. Le nombre de vols à l’étalage d’une valeur marchande de plus de 5000 $ au Canada a progressé de 90 % par rapport à 2021, selon Statistique Canada.
La part des commerçants qui signalent des vols avec voie de fait a aussi augmenté en 2023 par rapport à 2022. « Au-delà des pertes financières, c’est un véritable défi psychologique pour les employés qui ont été attaqués ou qui craignent de l’être », déplore Damien Silès.
Le CQCD critiquait d’ailleurs l’absence de subventions pour l’achat de système de sécurité, de soutien à la formation des travailleurs et de développement d’un programme de sensibilisation publique dans le budget québécois pour 2024‑2025. Le CCCD s’était aussi dit déçu qu’il ne prévoie pas de ressources supplémentaires pour les corps policiers afin de mieux prévenir le vol dans les commerces.
L’expérience client pour se démarquer
Dans un tel contexte, les détaillants sont appelés à se démener pour se démarquer de la concurrence. L’élaboration d’un processus d’achat multicanal le plus complet et complémentaire possible constitue une tendance forte. Dans certains cas, on tente de déployer une approche de « commerce unifié », qui permet de maintenir le même panier d’achat en ligne et en magasin, afin que le consommateur puisse effectuer des allers-retours entre les deux avant de conclure la transaction.
En effet, le commerce en ligne est loin d’avoir détrôné le passage en boutique. « Le commerce en magasin est revenu très fort après la pandémie, note Michel Rochette. L’expérience client sur place doit donc être soignée. Mais elle doit s’arrimer au commerce électronique. »
Les gens aiment, par exemple, réaliser un premier tri en ligne avant de se rendre en magasin, ou encore comparer les prix en ligne avec ce qu’ils voient en boutique. Par ailleurs, les sites web, les applications mobiles et les programmes de loyauté, très populaires, ne servent pas qu’à gonfler les ventes.
« Ce sont des moyens d’obtenir des données sur les consommateurs afin de bien cerner leurs comportements d’achat, leurs attentes et leurs préférences, souligne Michel Rochette. Cela aide à adapter l’expérience en magasin. »
Cette expérience en magasin repose désormais en grande partie sur l’automatisation, par la généralisation des caisses automatiques, de la possibilité de numériser ses produits avant d’arriver aux caisses ou même de payer avec son téléphone cellulaire sans passer à une caisse.
Par ailleurs, des commerçants se distinguent d’une manière inattendue : en proposant des produits de seconde main. Ces items autrefois réservés aux friperies, aux boutiques rétro et aux organismes caritatifs gagnent en popularité dans de plus en plus de commerces. « Les consommateurs les apprécient pour des raisons économiques, mais aussi par conviction environnementale, croit Damien Silès. Le commerce circulaire devient de plus en plus une nécessité. »