Les aliments ultra-transformés sur la sellette

Offert par Les Affaires


Édition du 05 Octobre 2019

Les aliments ultra-transformés sur la sellette

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Édition du 05 Octobre 2019

La dernière mouture du ­«Guide alimentaire canadien» recommande de faire attention aux aliments ultratransformés. (Photo: 123RF)

TRANSFORMATION ALIMENTAIRE. Lancée en janvier dernier, la plus récente version du Guide alimentaire canadien met maintenant en garde contre la consommation d'aliments ultratransformés. Une recommandation qui a fait bondir une partie de l'industrie, mais qui est défendue par les nutritionnistes.

Comment reconnaître ces aliments ? On peut se baser sur la classification NOVA - élaborée en 2009 par des chercheurs à l'Université de São Paulo, au Brésil, et mise à jour en 2016 - pour partager les aliments en quatre catégories :

 

  • Les aliments frais et peu transformés ;
  • Les ingrédients culinaires transformés (sel, sucre, beurre, etc.) ;
  • Les aliments transformés (noix salées, poisson fumé, pain, etc.) ;
  • Les aliments ultratransformés (boissons gazeuses, gâteaux, biscuits, croustilles, etc.).

 

Attention aux calories

Le Guide suggère de faire particulièrement attention à la consommation des produits de la dernière catégorie, jugés nocifs pour la santé, notamment en raison de leur haute teneur en sucre, en gras, en sel et en différents additifs. Selon la Fondation des maladies du coeur et de l'AVC du Canada, près de la moitié des calories consommées par les Canadiens provient d'aliments ultratransformés.

Le Guide propose de choisir des aliments peu transformés et composés d'une courte liste d'ingrédients naturels. Mais la classification NOVA ne fait pas l'unanimité dans l'industrie de la transformation alimentaire. «L'utilisation de la classification NOVA afin de dénoncer les produits transformés n'aide pas les consommateurs, prétend Sylvie Cloutier, PDG du Conseil de la transformation alimentaire du Québec. On ne peut pas résumer la complexité d'un aliment et de ses valeurs nutritionnelles selon le degré de transformation, ni attribuer le qualificatif "transformé" ou "ultratransformé" à des catégories de produits qui n'ont rien en commun.»

C'est bien mal comprendre les nuances de la classification NOVA, rétorque Jean-Claude Moubarac, professeur adjoint au département de nutrition de l'Université de Montréal. «Cette classification ne s'attarde pas seulement au nombre d'étapes de transformation, mais à la nature, au degré et à la fonction de cette transformation», souligne-t-il. Un fromage constitué uniquement de lait et de culture bactérienne est par exemple considéré comme peu transformé. Si on y ajoute du sel, il devient transformé. Mais une tartinade de fromage de type Cheez Whiz est classée ultratransformée.

Le professeur Moubarac rappelle qu'un certain degré de transformation n'est pas nécessairement mauvais. Même qu'il se révèle parfois nécessaire : il faut transformer le blé pour le rendre comestible. Les aliments ultratransformés «nocifs» sont toutefois fabriqués de toutes pièces à partir de substances industrielles et d'additifs qui sont combinés pour créer un produit alléchant prêt à consommer. «Ils sont conçus pour promouvoir leur surconsommation et assurer la croissance des ventes, plutôt que pour nourrir le consommateur, précise le chercheur. Donc, ils sont basés sur le sucre, le sel, le gras, les saveurs, les arômes et les colorants. Non seulement ont-ils une valeur nutritionnelle faible, mais ils modifient le comportement alimentaire et poussent à surconsommer.»

Une étude récente des National Institutes of Health (NIH), aux États-Unis, a comparé deux groupes de gens, dont l'un suivait une diète de produits ultratransformés et l'autre, d'aliments peu transformés pendant deux semaines, avant d'inverser les rôles. Les deux types d'alimentation comptaient le même nombre de calories au départ. Pourtant, tous les utilisateurs de produits ultratransformés ont consommé significativement plus de calories, parce qu'ils mangeaient davantage. Ils ont aussi pris du poids.

D'autres recherches - dont deux études très récentes en France qui utilisent les données de l'enquête NutriNet et une étude espagnole basée sur le suivi de 20 000 personnes pendant plus de 13 ans - tendent à montrer un impact négatif d'une consommation de ces aliments sur la santé, comme une augmentation de l'obésité, du cancer ou des maladies cardiovasculaires.

Travail d'adaptation

L'industrie peut critiquer ces classifications, mais elle peut également travailler à changer ses processus et ses ingrédients. «C'est tout à fait possible et certains le font depuis un bon moment», souligne le nutritionniste Hubert Cormier. Le remplacement d'ingrédients industriels par d'autres, plus naturels, est ainsi une grande tendance. Elle répond du même coup au comportement des consommateurs, qui tendent à délaisser les produits dont ils ne comprennent pas la liste d'ingrédients. Certains transformateurs adaptent aussi leurs processus pour conserver les aliments sans ajout de sodium ou d'autres additifs.

Se faire plaisir

Le nutritionniste comprend pourquoi les consommateurs s'offrent des produits ultratransformés de temps à autre, comme un sac de croustilles. «Manger n'est pas qu'une question de nutrition, c'est aussi un geste de plaisir», rappelle-t-il. Le problème viendrait surtout de la surconsommation. M. Cormier conseille d'accorder une grande importante à la fréquence et à la quantité d'aliments ultratransformés que l'on avale.

Il n'est pas question d'éliminer complètement les produits auxquels sont ajoutés du sucre, du gras ou du sel de son alimentation, mais bien d'en limiter la consommation à une ou deux fois par semaine. Quant aux aliments ultratransformés, ils devraient demeurer des produits d'exception, à ingurgiter pas plus de une à deux fois par mois.

Évidemment, si les consommateurs suivent ces conseils, les ventes risquent de s'en ressentir. Sans compter que, Guide alimentaire ou pas, les consommateurs sont de plus en plus attentifs à ce qu'ils mangent et recherchent des aliments naturels. Une tendance à laquelle l'industrie de la transformation alimentaire cherche à s'adapter, surtout quand il est question d'additifs. Des producteurs de jambon et de charcuterie tels duBreton et Olymel remplacent maintenant les nitrites par des extraits de légumes ou des concentrés d'agrumes, par exemple.

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