Le gouvernement Legault mise sur la prudence

Publié le 07/11/2023 à 17:43

Le gouvernement Legault mise sur la prudence

Publié le 07/11/2023 à 17:43

Malgré le ralentissement de la croissance des dépenses publiques prévu, ce n’est qu’en 2027-2028 que le gouvernement du Québec prévoit atteindre l’équilibre budgétaire. (Photo: La Presse canadienne)

EXPERT INVITÉ. Devant opérer sous le nuage de l’incertitude économique à l’horizon, le gouvernement Legault nous présente une mise à jour budgétaire à saveur de prudence et de rétablissement de certaines priorités.

En effet, avec l’inflation encore au-delà de la cible de 2% de la Banque du Canada malgré le ralentissement en cours, le gouvernement se devait de prioriser certaines mesures ciblées pour venir en aide en la population – programmes pour contrer l’itinérance, indexation des prestations sociales et autres dépenses publiques semblables.

Toutefois, avec un déficit budgétaire de 5,7 milliards de dollars (G$) pour l’exercice 2022-2023 et une prévision de croissance économique revue à la baisse de moitié (croissance du PIB réel du Québec de 1,4% à 0,7% pour 2024), le gouvernement se doit de faire preuve d’une grande prudence et d’une certaine rigueur budgétaire.

 

Un endettement public à ralentir

Avec la récente sortie du gouverneur de la Banque du Canada appelant les gouvernements fédéral et provinciaux à ralentir la croissance de leurs dépenses pour contribuer aux efforts anti-inflation de son organisation, le gouvernement Legault nous propose un budget allant de pair – ou presque – avec le travail de la banque centrale.

En effet, la croissance des dépenses publiques ralentit pour atteindre une moyenne de 2,3% d’augmentation pour les cinq prochains exercices – la croissance ayant été de 8,1% pour 2022-2023.

Le gouverneur de la Banque du Canada appelait les gouvernements à ne pas dépasser 2% en croissance des dépenses, et ce, afin de ne pas aller en direction contraire du resserrement monétaire en cours, une cible près de celle établie par le gouvernement québécois actuel.

Il est toutefois à noter que si des dépenses additionnelles s’ajoutent au budget proposé, l’effet serait plus inflationniste que prévu.

Malgré le ralentissement de la croissance des dépenses publiques prévu, ce n’est qu’en 2027-2028 que le gouvernement du Québec prévoit atteindre l’équilibre budgétaire.

En d’autres mots, tous les exercices entre aujourd’hui et ce moment seront déficitaires.

Après ajustements et versements au Fonds des générations, ce seront près de 27 G$ qui s’ajouteront à la dette nette provinciale durant cette période – celle-ci étant de 210 G$ actuellement.

Bien que la plupart des conversations du commun des mortels soient concentrées sur les dépenses de programmes et les orientations principales du gouvernement – et avec raison -, il n’en demeure pas moins qu’un grand oublié est trop souvent négligé: le service de la dette.

En 2022-2023, ce sont plus de 10 G$ qui ont été consentis aux intérêts sur la dette publique québécoise, soit une augmentation de 16,4% par rapport à l’exercice précédent.

Cette hausse drastique est en grande partie due à l’augmentation des taux d’intérêt.

À titre comparatif, le montant déboursé pour le service de la dette est 4 fois plus élevé que les dépenses de portefeuille en «Environnement, Lutte contre les changements climatiques, Faune et Parcs», 2,5 fois plus élevé que celles pour l’«Économie, Innovation et Énergie» et 2 fois supérieur à celle pour l’«Emploi et Solidarité sociale».

Le dicton veut que lorsque l’on se compare on se console, mais cela ne s’applique visiblement pas ici!

L’endettement public est en partie nécessaire pour financer plusieurs dépenses et investissements, pensons aux infrastructures.

Cependant, il est aussi crucial de se rappeler que les milliards en service de la dette ne peuvent être investies en réduction d’impôts ou dans certains programmes importants – on parle ici du coût d’opportunité.

 

Comment ralentir la croissance des dépenses sans nuire?

Bien que les coupes budgétaires ne soient généralement pas perçues du bon œil par la population, l’histoire récente nous démontre qu’il est habituellement possible de réduire les dépenses publiques sans sabrer les programmes à la population.

En 2008-2009, le gouvernement fédéral avait mis en place un comité d'examen des dépenses dans le but de réduire le déficit et de surmonter la crise économique qui sévissait dans notre pays et dans le monde entier.

Semblable à notre sortie de la pandémie, le gouvernement évaluait ses possibilités quant à la réduction des déficits causés par la crise.

Chaque ministère devait élaborer des propositions visant à identifier des économies de 5% à 10% à intégrer dans le budget annuel suivant.

Les divers ministères étaient tenus d’accroître l’efficacité de leurs programmes afin d’optimiser le rendement pour chaque dollar dépensé.

Ce comité a engendré des économies récurrentes de plus de 5 G$, contribuant de manière significative à la capacité du gouvernement à équilibrer le budget.

En outre, 70% de ces économies provenaient de la réduction des dépenses de fonctionnement et des procédures administratives, et non des programmes eux-mêmes ni des services proposés à la population.

Avec la croissance économique incertaine actuelle et les sommes importantes versées en service de la dette, il serait tout à l’avantage du gouvernement provincial – et des contribuables – de veiller à atteindre l’équilibre budgétaire plus rapidement et sans nuire à la population.

Le gouvernement nous a présenté une mise à jour budgétaire prudente et réaliste.

Toutefois, comme dans toute bonne organisation, il y a toujours moyen d’optimiser ses dépenses et ses méthodes de gouvernance afin de maximiser le rendement de chaque dollar dépensé et investi.

 

À propos de ce blogue

Passionné de l’analyse des politiques publiques et habile vulgarisateur n’ayant pas la langue dans sa poche, l’économiste Miguel Ouellette offre à travers son blogue sa vision décomplexée de l’actualité économique et politique. En passant par les finances publiques et le rôle des entrepreneurs dans les différentes réformes gouvernementales, il ira jusqu’à déboulonner certains mythes économiques bien répandus. C’est un rendez-vous, tous les jeudis, à ne pas manquer! Miguel Ouellette est détenteur d’une maîtrise en économie de l’Université de Toronto, et d’un baccalauréat «honours» en sciences économiques de l’Université de Montréal. Il travaille actuellement pour la firme Mallette comme directeur en services-conseils, où il accompagne les entreprises et organisations gouvernementales notamment dans leurs plans de développement économique, leurs études de retombées économiques et leurs stratégies d'affaires. Il enseigne aussi l'économie à HEC Montréal.

Miguel Ouellette
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