On va appeler un chat, un chat

Publié le 19/01/2024 à 19:33

On va appeler un chat, un chat

Publié le 19/01/2024 à 19:33

«Ainsi, plutôt que de parler de flexibilité, le ministre du Travail, Jean Boulet parle dorénavant de polyvalence. On va appeler un chat un chat, c’est la même maudite affaire!» (Photo: 123RF)

Un texte de Kévyn Gagné, CRIA, M. Sc., directeur des ressources humaines, Franklin Empire

 

COURRIER DES LECTEURS. Champion de la langue de bois; expert des synonymes; maitre de la sémantique et en parfait contrôle de la polysémie des mots: voici un bon politicien. Du moins, un redoutable politicien jouant dans un système avec des règles qui encouragent et récompensent ce genre d’attitude, de comportement, de communication et de rapport avec la population et avec les syndicats.

Peut-être ne le saviez-vous pas, mais une négociation, une bonne négociation collective, débute bien avant l’expiration d’une convention collective. Et pour être prêts, du moins, pour laisser croire que nous sommes prêts, nous préparons le terrain; nous lançons des ballons d’essai; nous prenons la température de l’eau; et nous commençons à tester la résistance de l’élastique.

Nous sommes en 2024, et les quatre conventions collectives dans l’industrie de la construction arrivent à échéance en 2025, plus précisément le 30 avril 2025.

C’est loin me direz-vous. Pas tant que ça dans le merveilleux monde du travail vous répondrais-je!

Saviez-vous que selon l’article 32 de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction, dite Loi R-20, au cours du onzième mois qui précède la date d’expiration d’une convention collective, tout salarié fait connaître à la Commission de la construction du Québec (CCQ, l’organe de régulation), le choix de son allégeance parmi les cinq syndicats reconnus dans l’industrie. La période de vote débute le premier jour ouvrable du onzième mois qui précède la date d’expiration d’une convention collective et se termine 20 jours après.

Donc, nous sommes en période de maraudage!

Période durant laquelle les employés syndiqués peuvent changer de syndicat selon leurs convictions, les intérêts que ces syndicats représentent et surtout selon le poids que les syndicats ont dans la balance des pouvoirs.

Comme je le mentionnais précédemment, une négociation se fait des mois à l’avance, et le gouvernement du Québec, avec le ministre du Travail, Jean Boulet en tête, le sait très bien. Donc, on lance des idées afin de faire passer un message ou bien afin de nous préparer à d’éventuels changements.

Saviez-vous que selon l’article 42 de la Loi R-20, une ou plusieurs associations représentatives syndicales peuvent aviser par écrit une association sectorielle d’employeurs, ou une association sectorielle d’employeurs peut aviser par écrit une ou plusieurs associations représentatives syndicales, que ses représentants sont prêts à négocier pour la conclusion d’une convention collective, et que cet avis peut être donné au plus tard le premier jour du 7e mois qui précède la date d’expiration de la convention collective.

Donc, dès fin septembre/début octobre 2024, soit dans 9 mois, nous entamons les négociations. Mais, puisque nous n’arrivons pas à l’improviste devant l’autre partie à la table de négociation, nous devons nous préparer.

Avec cette phase de préparation, nous sommes donc en négociation.

Le gouvernement ne vous dira pas qu’il a entamé sa négociation, il trouvera une autre terminologie pour expliquer ses propos et ses actions, mais dans les faits, il a entamé sa phase de négociation.

S’il y a bien un terme qui fait craindre les principaux syndicats québécois, c’est celui de la flexibilité. En RH, nous en parlons et en tirons profit depuis de nombreuses années. Les médias et le gouvernement en parlent et «flirtent» avec l’idée depuis près d’une décennie, mais tant le message que les bénéfices et les moyens d’y parvenir ne passent tout simplement pas auprès des syndicats.

Parler de flexibilité numérique, de flexibilité occupationnelle, ou encore, de flexibilité salariale est tout simplement impossible dans le monde syndical. Bien évidemment, les ardents défenseurs me donneront tort, alors que dans les faits, tant une lecture rapide qu’approfondie de différentes conventions collectives et de différents communiqués de presse diffusés sur les sites internet de ces mêmes syndicats, confirment cet énoncé.

Donc, plutôt que de parler de sujets qui font peur ou bien d’utiliser des termes à fortes connotations péjoratives aux yeux de plusieurs syndicats et employés syndiqués, et plutôt que d’utiliser des mots perçut négativement par ces derniers, le gouvernement use de flexibilité mentale et réussit à pondre d’excellents substituts.

Ainsi, plutôt que de parler de flexibilité, le ministre du Travail, Jean Boulet parle dorénavant de polyvalence.

On va appeler un chat un chat, c’est la même maudite affaire!

Pendant que certains dépensent temps, argent et énergie sur des enjeux de surface, d’autres maintiennent une position de résistance. Dans les deux cas, on assiste à un dialogue de sourds voué à l’échec et l’on s’accuse mutuellement de tous les maux, de tous les mots et de tous leurs synonymes.

Encore une fois, ne venez pas me dire que le merveilleux monde du travail n’est pas fascinant! 

 

 

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