Demain, stationner ne sera plus un enfer !


Édition du 14 Janvier 2017

Demain, stationner ne sera plus un enfer !


Édition du 14 Janvier 2017

[Photo : Shutterstock]

Que fait une automobile, 95 % du temps ? Rien, elle est stationnée. Les 5 % restants, elle va d'une place de stationnement à une autre. C'est ce que révèle Donald Shoup, professeur de planification urbaine à l'Université de Californie à Los Angeles (UCLA), dans son livre The High Cost of Free Parking.

Tant mieux, pourrions-nous croire, car pendant ce temps-là, elle ne pollue pas. Le hic, c'est que cette immobilité a un coût : le temps passé à trouver une place de stationnement. À Manhattan, des chercheurs ont effectué un sondage auprès d'automobilistes à l'arrêt au feu rouge : 28 % d'entre eux ont indiqué qu'ils tournaient en rond, à la recherche d'une place où stationner. À Los Angeles, d'autres chercheurs ont évalué que cela prenait en moyenne trois minutes pour trouver une place dans le quartier branché de Westwood, soit le temps de faire deux fois et demi le tour d'un des quinze pâtés de maisons. C'est phénoménal, puisqu'à l'échelle d'une année, les kilomètres ainsi parcourus à tourner en rond correspondent à - tenez-vous bien ! - 36 fois le tour de la Terre !

«La difficulté que nous avons à trouver des stationnements empoisonne littéralement nos villes. Cela entraîne des congestions, produit du CO2 et dégrade l'économie», écrit M. Shoup dans un article, en soulignant que le coût global représente, d'une année à l'autre, entre 1 et 4 points du produit intérieur brut (PIB) des États-Unis, «soit l'équivalent du budget de la Défense».

Comment en finir avec cette aberration économique ? On peut envisager trois hypothèses :

1. Équilibrer l'offre et la demande

Un projet-pilote a été mené par le Département des Transports dans un quartier de San Francisco, afin de tenter d'équilibrer l'offre et la demande. Le principe était simple : faire varier les tarifs en fonction de l'affluence de chaque rue et de la période de la journée. Ainsi, les places les plus prisées devenaient hors de prix aux heures de pointe et abordables le reste du temps.

Résultat ? À la grande surprise du professeur de l'UCLA, les tarifs se sont mis à chuter à peu près partout. Et ce, en raison du fait qu'ils étaient excessifs jusqu'alors. Du coup, la situation s'est aggravée.

Une solution, donc, à prendre avec des pincettes.

2. Partir à la chasse aux fraudeurs

Plus se stationner coûte cher aux automobilistes, plus la tentation de frauder est forte. Et l'imagination n'a dès lors pas de limite, comme a permis de le constater le projet-pilote mené à San Francisco. De fait, il a été ainsi découvert qu'en moyenne, 40 % des automobilistes stationnés ne payaient rien... a priori en toute légalité ! C'est que ceux-ci avaient une vignette de stationnement pour personne handicapée accrochée au rétroviseur intérieur, laquelle permet de stationner gratuitement à n'importe quelle place, des heures durant.

Quarante pour cent. C'est louche... L'État du Michigan a tenu à en avoir le coeur net et a renforcé les exigences d'obtention de la vignette, notamment en imposant une visite médicale en bonne et due forme. En conséquence, seulement 2 % des titulaires de la vignette ont demandé à la renouveler ! Autrement dit, il y a sûrement ici une piste à explorer.

3. Inverser les impératifs municipaux

Zhan Guo, professeur de planification urbaine à l'Université de New York, s'est récemment penché sur le changement de réglementation survenu à Londres en 2004. La Ville n'imposait plus de minimum quant au nombre de places de stationnement accolées à un édifice, mais un maximum. L'idée était de laisser les propriétaires d'édifices gérer eux-mêmes l'offre et la demande.

Que s'est-il produit ? Le nombre de places a chuté de moitié. Ce qui signifie qu'il y avait auparavant deux fois trop de places disponibles par rapport aux besoins. Nombre de gens ont dès lors opté pour les transports en commun. Une solution prometteuse.

Ceci posé, si jamais les véhicules autonomes se généralisent dans un proche avenir, nous n'aurons plus besoin d'avoir chacun une automobile puisqu'il nous suffira d'appeler un véhicule, le plus près déboulant dans la minute. Dès lors, se stationner deviendra inutile, et les places de stationnement avec, ce qui permettra - cerise sur le sundae - de redessiner nos villes grâce à tous ces espaces de chaussée devenus vacants...

Espressonomie

Un rendez-vous hebdomadaire, en alternance dans Les Affaires et sur lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l'actualité économique à la lumière des grands penseurs d'hier et d'aujourd'hui, quitte à renverser quelques idées reçues.