Enlever la TVQ pour augmenter les mises en chantier

Publié le 07/02/2024 à 12:00

Enlever la TVQ pour augmenter les mises en chantier

Publié le 07/02/2024 à 12:00

Pour les projets types considérés, l’étude démontre que le plein remboursement de la TVQ permettrait de réduire de 7% la mise de fonds requise pour le démarrage de projet. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. L’immobilier n’est pas un produit de luxe. Tout comme on ne paie pas de taxe sur des produits de base tels que l’alimentation, il est déraisonnable de débourser de la TVQ pour se loger. En septembre 2023, Ottawa a décidé d’exempter de la TPS les nouveaux immeubles locatifs dans le but d’augmenter les mises en chantier. 

Si le gouvernement n’agit pas, le Québec va se retrouver avec une fuite de capitaux vers d’autres provinces offrant une meilleure rentabilité. L’Ontario, la Colombie-Britannique, Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse ont imité le fédéral. 

Avec une baisse historique de 32% des mises en chantier au Québec en 2023, il faut prendre une série de mesures pour augmenter l’offre de logements. L’exemption de la TVQ est une mesure efficace. 

L’Association de la construction du Québec (ACQ), l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) et l’Institut de développement urbain du Québec (IDU) ont commandé une étude externe basée sur un échantillon réel, diversifié et représentatif de neuf projets locatifs de différentes tailles et de localisations variées.

La TVQ de 9,975% s’ajoute aux coûts de construction déjà très élevés des projets immobiliers locatifs neufs. Le constructeur doit lui-même effectuer, au moment où l’immeuble s’achève, le paiement de la TVQ sur la juste valeur marchande de chaque logement (incluant le bâtiment et le terrain), comme s’il vendait l’immeuble à lui-même. C’est ce qu’on appelle le principe d’autocotisation. 

Une portion maximale de 36% de la TVQ peut être remboursée. Toutefois, le seuil maximal donnant droit à un remboursement, actuellement de 225 000$ par unité, a été établi en 2011 et n’a jamais été indexé depuis.

Ce plafond ne correspond plus du tout à la réalité d’aujourd’hui puisque les coûts de construction sont considérablement plus élevés qu’à l’époque. Indexé, il serait aujourd’hui d’au moins 325 000$.

 

Offrir des loyers plus abordables

La TVQ contribue à la hausse des loyers. Une diminution de l’autocotisation permettrait donc aux promoteurs d’offrir des loyers plus abordables aux locataires. 

Pour les projets types considérés, l’étude démontre que le plein remboursement de la TVQ permettrait de réduire de 7% la mise de fonds requise pour le démarrage de projet. Cette baisse est considérable si l’on considère qu’un apport initial moindre en capitaux pourrait donner la capacité aux promoteurs de développer d’autres projets en parallèle avec les sommes dégagées, augmentant le nombre d’unités construites. 

Enfin, l’étude a démontré que l’autocotisation peut avoir un effet majeur sur la rentabilité d’un nouvel immeuble locatif. Dans le cas des projets analysés, un remboursement complet de la TVQ influence positivement en moyenne de 7% les taux de rendement internes projetés. L’abolition de la TVQ rendrait plus rentables les projets locatifs en développement. 

Au bout du compte, toute réduction de l’autocotisation pour les nouveaux projets de logements locatifs permettrait de diminuer les mises de fonds requises, de favoriser des loyers économiques et réels plus abordables pour les locataires, et de viabiliser financièrement davantage de projets. 

Cela permettrait d’augmenter l’offre de logements locatifs dans un contexte où il y a présentement une forte pénurie.

En ce qui a trait aux habitations neuves achetées par des propriétaires-occupants, il existe un remboursement partiel de la TVQ de 50% du montant payé lorsque le prix de l’habitation et du terrain ne dépasse pas 200 000$. La proportion du montant remboursé diminue ensuite et devient nulle lorsque le prix dépasse 300 000$. 

Le prix médian d’une maison neuve au Québec en 2023 étant de 460 000$, ces montants sont aujourd’hui complètement dépassés.

Il y a plusieurs autres causes qui expliquent le ralentissement des mises en chantier: les longs délais pour les permis municipaux, les taux d’intérêt élevés, la hausse des coûts de construction, les redevances de développement, le règlement pour une métropole mixte, etc. 

«La baisse marquée des mises en chantier et des demandes de permis de construction, alors que nous vivons actuellement une importante crise du logement, démontre qu’il est urgent de mettre en œuvre des mesures exceptionnelles pour renverser la situation et stimuler la relance de la construction de logements, en créant des conditions de bases gagnantes et l’élan nécessaire à l’émergence de projets immobiliers», souligne Isabelle Melançon PDG de l’IDU. 

Elle ajoute que «l’étude réalisée sur l’autocotisation de la TVQ dans le locatif démontre clairement les impacts positifs de cette mesure sur le déclenchement, ou non, de projets immobiliers.» 

Cette recommandation fait partie des cinq demandes budgétaires de cette étude qui ont le plus grand potentiel de répercussions positives pour loger les Québécois. Je vous invite à consulter leur excellent rapport

On peut y lire des conseils judicieux pour le plan d’action en habitation (qui sera annoncé prochainement par la ministre Duranceau), la création d’un fonds d’infrastructures, la mise en place d’un programme de style Corvée Habitation ainsi que des mesures pour favoriser la rénovation du parc locatif. 

Le plan d’action en habitation et le budget provincial se doivent d’avoir des mesures fortes pour donner un coup de barre pour relancer les mises en chantier.

 

 

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À propos de ce blogue

Étudier, expliquer et proposer. Passionné d'immobilier, fier montréalais, actuaire de formation et courtier immobilier chez KW Urbain, Jean Sasseville vous aide à prendre des décisions plus judicieuses en utilisant des faits. Il n'est pas facile de naviguer dans le marché immobilier et le futur est par définition incertain. Il partage avec vous son interprétation du marché immobilier et des tendances.

Jean Sasseville

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