Warwick: une première coop d'énergie renouvelable québécoise

Publié le 20/06/2019 à 10:12

Warwick: une première coop d'énergie renouvelable québécoise

Publié le 20/06/2019 à 10:12

(Photo: Francis Perreault)

Le Québec compte 3 300 coopératives et mutuelles. Elles regroupent 8,8 millions de producteurs, de consommateurs et de travailleurs. On les trouve dans pratiquement tous les secteurs d’activités. Mais elles sont peu présentes dans le secteur de l’énergie. Elles pourraient toutefois jouer un rôle clé dans la transition énergétique qui s’amorce chez nous.

On sait que cette transition énergétique est bien amorcée en Europe. Mais on ignore souvent que les coopératives jouent un rôle central et de pionnières dans cette grande mouvance. En Allemagne, près de 1000 coops ont réalisé des investissements de plus 100 milliards d’euros dans des secteurs aussi variés que l’éolien, le solaire et la biomasse. Au Danemark et en Autriche, ce sont des centaines de coopératives qui ont investi dans la construction de réseaux de chaleur ou dans des projets à partir de la biomasse. En France, Enercoop se distingue avec ses 25 000 membres et ses projets de production d’électricité éolienne et à partir de biométhane.

Après la libéralisation du marché de l’électricité français, certains joueurs du monde coopératif et de la société civile française ont vu une opportunité d’affaires sur des bases nouvelles. L’idée est simple, la réponse est fulgurante.

Un exemple français: Enercoop

Au moment du lancement, Enercoop a offert à ses futurs clients de participer à la transition énergétique française en achetant uniquement des énergies renouvelables. Ses promesses aux clients: produire de l’électricité de façon décentralisée et, ainsi, être en mesure de leur dire d’où vient l’énergie, comment elle est produite et par qui. Il faut préciser que le prix de l’énergie offerte par Enercoop est en moyenne 20% plus élevé que celui du fournisseur historique, dans une logique de commerce équitable.

L’énergie d’Enercoop est produite en circuits courts. Les coopératives membres accompagnent la transition énergétique de leur territoire en soutenant les projets citoyens de production. Elles nouent des contrats d’approvisionnement avec des producteurs de leur région, pour certains sociétaires de la coop. On rapproche ainsi la production et la consommation.

En 2007, ils sont 433 membres-clients à se commettre.

En 2009, la première coopérative régionale est créée.

En 2011, Enercoop compte trois coopératives régionales et franchit le cap des 10 000 clients.

En 2015, Enercoop a 10 ans, 10 coopératives, 100 producteurs et 25 000 clients.

En 2019, Enercoop peut compter sur 11 coopératives et 236 producteurs qui génèrent une moyenne de 245GWh par année, pour servir 70 000 consommateurs

Au Québec: un projet de loi et une première coopérative

En effet, un projet de loi adopté en début d’année par l’Assemblée nationale force maintenant Énergir à un minimum de contenu renouvelable dans le gaz naturel qu’elle distribue. La cible est de 5% en 2025. (En Colombie-Britannique, le gouvernement a établi la cible à 15%.) C’est énorme comme changement. Ça représente environ 300 millions de m3/année, soit 23 fois la production de l’usine de biométhanisation de Saint-Hyacinthe.

Pour atteindre cet objectif, Énergir doit stimuler l’offre. Elle a besoin qu’une filière de producteurs de gaz naturel renouvelable voit le jour. Sa stratégie: attirer des producteurs en leur offrant des prix qui sont jusqu’à cinq fois supérieurs à ce que rapporte la production de gaz naturel d’origine fossile. Évidemment, les prix de vente seront, eux aussi, plus élevés. Malgré tout, Énergir a estimé qu’il existe une clientèle pour cette forme d’énergie. Des clients comme L’Oréal, prêts à payer une prime pour ne pas contribuer à l’enjeu des changements climatiques et assainir leur bilan carbone. Pour l’instant, on ne vise pas nécessairement la clientèle du marché de détail.

Mettre en œuvre un tel projet demeure complexe. Au-delà des réglementations environnementales à respecter et du financement à attacher, il faut être en mesure de bien gérer la matière organique qui ressort du processus.

En s’inspirant du modèle d’Enercoop - et partant du constat que les producteurs agricoles sont essentiels à la mise en œuvre d’un projet de biométhanisation fonctionnel puisqu’ils sont en mesure de fournir des intrants (les fumiers) et de gérer les résidus organiques - des producteurs agricoles de la région de Warwick ont décidé de former la coopérative Agri-énergie de Warwick pour bâtir un premier biodigesteur agricole coopératif au Québec afin de produire du gaz naturel renouvelable qui sera revendu à Énergir.

Les 4 raisons pour lesquelles ce premier projet de coopérative québécoise de production d’énergie renouvelable avance bien

Le projet avance bien parce qu’il participe à la résolution d’enjeux régionaux et qu’il réunit des acteurs clés qui y trouvent leur intérêt :

• Des entreprises de transformation agroalimentaire peuvent y acheminer leurs résidus organiques et ainsi en disposer à moindres coûts;

• La municipalité et la MRC appuient le projet parce qu’elles y voient l’occasion de se positionner comme pionnières sur un enjeu d’actualité tout en favorisant la création d’emplois et une meilleure cohésion sociale;

• Les acteurs socio-économiques régionaux sont favorables au projet (Ville, MRC, UPA, Coop Fédérée) parce qu’ils y voient une forme de développement inclusive allant véritablement dans le sens d’une économie circulaire;

• Plusieurs acteurs financiers (Desjardins, Fondaction, Investissement Québec, Développement économique Canada) collaborent pour financer le projet parce qu’ils voient loin et croient à la possibilité qu’un tel projet fasse des petits.

Ajoutons que les producteurs québécois qui, comme la coopérative de Warwick, joindront la filière du gaz naturel renouvelable ne seront pas limités au marché du Québec. Ils pourront vendre leur production au Canada et aux États-Unis. Énergir détient le monopole de la distribution au Québec, sauf en Outaouais. Toutefois, un producteur québécois peut emprunter son réseau, payer des frais de distribution, et acheminer le gaz à l’extérieur.

Le projet de Warwick avance rondement. Au rythme où vont les choses, on prévoit qu’il sera opérationnel à l’été 2020. Ce sera, peut-être, le premier d’une longue lignée coopérative et un nouvel outil de développement économique à impact positif.

À propos de ce blogue

Jean Nolet est PDG de la Coop Carbone, une coopérative de solidarité qui contribue à la lutte aux changements climatiques en appuyant la mise en œuvre de projets collaboratifs. Chaque mois, la chronique «Climat positif» présentera des initiatives déployées par des entreprises, québécoises et étrangères, pour réduire l’empreinte carbone issue de leurs activités directes et indirectes. Ces initiatives seront choisies pour leur caractère reproductible.

Jean Nolet