Le poids de vos péchés sur vos primes d'assurance

Publié le 13/09/2016 à 12:00

Le poids de vos péchés sur vos primes d'assurance

Publié le 13/09/2016 à 12:00

Je ne vous apprends rien en vous disant qu’il n’y a pas d’avantage à fumer. Ça coûte cher, ça ne sent pas bon et ça fait tousser le matin. 

Socialement, ce n'est pas génial non plus. Le tabac ne réduit pas seulement l'espérance de vie, mais le capital de sympathie aussi. On ne dira jamais d'un fumeur qu’il est mort de sa passion, au contraire de celui qui se tue après s’être jeté en bas d’une falaise en wingsuit, une activité pourtant plus périlleuse que de griller une clope sur son balcon.

En assurance, le fumeur est aussi discriminé. Il paiera des primes nettement plus élevées qu’un non-fumeur. En assurance vie, la différence varie de 35% à 50%, selon l’assureur, m’explique Jean Léonard, du cabinet de service financier SFL, de Montérégie. En assurance maladie grave, c’est pire encore. Un fumeur paiera souvent le double. Il n’y a rien d’étonnant ici, le tabagisme cause le cancer et augmente significativement les risques de maladie cardiovasculaire.

Plus le risque est élevé, plus la prime est élevée, c’est une règle élémentaire en assurance. Quoique… il semble que cette règle soit parfois bizarrement appliquée.

Mais qui est considéré comme fumeur? Par exemple, un gros fumeur sera-t-il considéré à risque sa vie durant même s’il a définitivement écrasé? Et le consommateur de cannabis?

Pour l’assureur, il faut peu de chose pour entrer dans la catégorie des fumeurs. Pour passer la ligne, on n'a qu'à déclarer avoir accompagné dehors mononcle Jules pour une petite «cig» lors du party du jour de l’an. En effet, en assurance, il suffit d’avoir fumé une seule cigarette au cours de la dernière année pour être considéré comme fumeur, au même titre que mononcle Jules dont l’affection pour les Gitane sans filtre lui a valu une moustache jaune, des doigts ocre et un effluve permanent de cendrier froid.

Vous avez troqué le tabac pour la cigarette électronique? Vous êtes fumeur, même si votre médecin vous affirme que la vapeur du gadget est moins nocive que la boucane de cigarette. Que vous consommiez trois bouteilles de liquide par semaine ou une par mois, ça ne fait pas de différence aux yeux de l’assureur. Pas plus d’ailleurs que la concentration en nicotine, même si elle se situe à zéro.

«Ces produits ne sont pas encore réglementés et on a déjà trouvé de la nicotine dans des liquides qui n’étaient pas supposés en avoir. Les assureurs ne prennent pas de chance, ils ne savent pas ce qui se trouve dans ces produits», explique Chantal Marquis, directrice principale chez QUS, une entreprise accréditée par la Chambre de sécurité financière pour donner de la formation sur ces questions aux conseillers financiers. QUS mène principalement des tests médicaux pour les compagnies d’assurance.

Dès qu’un client consomme de la nicotine, il passe du côté obscur. C’est aussi simple que ça. Quel est le statut de la personne qui recourt aux timbres de nicotine pour arrêter de fumer? Fumeur! Si elle déclare avoir utilisé le dernier timbre il y a 11 mois et s’est abstenue depuis, il n’y a rien à faire. La personne accroc à la Nicorette, que ce soit en gomme à mâcher ou en vaporisateur, paierait aussi des primes d’assurance plus élevées. Le fumeur de cigarillos avec filtre, même occasionnel, est aussi pénalisé.

La seule exception, étonnante, touche l’amateur de Cohiba et autres barreaux de chaise cubains. À moins de les enchaîner un après l’autre, savourer de gros cigares ne fait pas du consommateur un fumeur aux yeux de la compagnie d’assurance. Le seul spécimen que je connais est un ami qui travaille chez un fabricant de cigarettes qui nous rappelle, non sans ironie, que ses «bons produits» tuent. J'aurais bien aimé le traiter de fumeur... 

S'il peut déclarer fumer des gros cigares sans conséquence auprès de son assureur, mieux vaut pour lui qu'il s'abstienne de son péché mignon plusieurs jours avant de passer l’examen médical, s'il est nécessaire. La prise de sang pourrait révéler de la cotinine, le principal marqueur du tabagisme. La cotinine est le fruit de la métabolisation de la nicotine. Elle peut rester quelque temps dans le sang.

C’est pourquoi le fumeur de marijuana a intérêt à ne pas mélanger son herbe avec du tabac. Oui, on peut fumer de la mari deux ou trois fois par semaine sans basculer du côté dispendieux de l’assurance. Cependant, celui qui a besoin de son joint tous les jours verra ses primes augmenter considérablement. On pourrait même refuser de l’assurer. Sa consommation n’est plus considérée comme récréative, tout comme pour l’alcoolique qui verra ses primes d’assurance augmenter en raison de sa consommation excessive d’alcool.

Cela dit, la prime est déterminée au moment de la signature du contrat en fonction des conditions médicales à ce moment-là. Le fait de changer vos habitudes par la suite n’a pas d’incidence sur les primes, ni sur la validité du contrat, m’explique Jean Léonard.

Vous pourriez donc sans soucis pour votre assurance suivre les traces de Nicolas Cage, dans le film Leaving Las Vegas.

Mais si ça ne vous tue pas, vous allez subir une hausse spectaculaire de votre prime d’assurance au renouvellement.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.