La succession est-elle encore un problème?

Publié le 10/06/2016 à 09:00

La succession est-elle encore un problème?

Publié le 10/06/2016 à 09:00

En 2010, l’Indice Entrepreneurial Québécois a tiré la sonnette d’alarme en affirmant que d’ici 2020, près de 38 000 entreprises allaient passer le relais et qu’on cherchait un nombre équivalent de repreneurs. La réaction du gouvernement, des chambres de commerce, des universités, ainsi que des autres associations et organismes du milieu des affaires ne s’est pas fait attendre. 

Un peu partout, des séminaires, des conférences et des compétitions portant sur cette thématique de repreneuriat ont émergé et ceux qui existaient déjà ont pris de l’envergure. Les universités et les institutions d’enseignement ou d’accompagnement ont mis en place des formations spécialisées sur le sujet. Au sein de notre propre institution, les cours d’entrepreneuriat ont notamment été révisés pour devenir « Entrepreneuriat et repreneuriat ».

De son côté, le milieu financier a lancé des programmes spécifiques pour soutenir la relève et plusieurs fonds ont vu le jour pour aider le repreneuriat. Ce fut particulièrement bénéfique pour les entreprises qui avaient besoin d’une direction nouvelle afin de saisir des opportunités de développement intéressantes. Cela a porté ses fruits, puisque selon des versions plus récentes de l’Indice Entrepreneurial Québécois, la reprise d’entreprises au Québec, comme moyen de se lancer en affaires, est la plus importante du Canada.

Au fur et à mesures de ces formations et programmes donnés ces deux dernières années, des listes de repreneurs potentiels avec beaucoup ou peu d’expérience, et avec ou sans capital pour investir se sont construites. La majorité des banques, des institutions publiques de financement, des cabinets de conseil, des organismes d’accompagnement d’entrepreneurs et même plusieurs universités possèdent de telles listes.

Pour répondre donc à la question initiale et pour expliquer l’état de la situation actuelle, j’ose dire que l’absence de repreneurs n’est plus véritablement un problème, du moins dans la région de Montréal. Il est même très difficile d’y dénicher une bonne opportunité, puisque les PME qu’on peut reprendre sont très convoitées et se font donc de plus en plus rares.

Il faut également noter que la grande majorité (98,2 %) des entreprises au Canada sont des PME et parmi ce lot, plusieurs sont de type « lifestyle », dont la finalité est la subsistance d’une personne ou d’une famille. En effet, 74,9 % des entreprises ont moins de 10 employées et la majeure partie est la propriété d’une seule personne (dépanneurs, cordonniers, serruriers, etc.). Ce sont malheureusement des entreprises difficiles à transmettre en dehors du cadre familial, car l’argent qu’on peut récupérer de leur vente ne peut généralement pas subvenir aux besoins de la retraite du propriétaire. De plus, si jamais une ou plusieurs de ces entreprises ferment leurs portes, par manque de repreneur, celle d’à côté va simplement récupérer ses clients.

Alors sur quoi doit-on donc focaliser en matière de relève de PME ? Selon nos recherches et notre expérience, la phase de sensibilisation des repreneurs est déjà bien avancée. Il faut donc à présent se concentrer sur trois points, soit les prédécesseurs, les équipes repreneuriales et la gestion multigénérationnelle :

1. Les prédécesseurs

Plusieurs dirigeants, bien que sensibilisés à l’importance de transmettre l’entreprise, ont du mal à déclencher le processus de succession. De plus, la majorité d’entre eux n’ont pas d’expérience dans ce domaine. Cependant, les prédécesseurs doivent être conscients de toutes les possibilités qui s’offrent à eux (reprise familiale, management buyout, leveraged buyout, etc.). Il faut donc leur montrer l’importance de se former et/ou de se faire accompagner dans cette étape complexe de l’évolution de la compagnie car le changement de dirigeant est une des étapes les plus cruciales qu’une entreprise aura à affronter au cours de son existence.

2. Les équipes repreneuriales

De nos jours, les entreprises qui réussissent le mieux sont celles qui sont reprises en équipe, un phénomène de plus en plus fréquent. Ces équipes peuvent être formées de membres de la famille propriétaire exclusivement, de membres de la famille avec des cadres de l’entreprise ou encore, de cadres avec des investisseurs externes. Toutefois, il existe à ce jour peu d’information et de formation sur les équipes repreneuriales. 

3. La gestion multigénérationnelle

Ma collègue Denise Paré-Julien dit sans cesse : « arrêtons de parler de relève et parlons de gestion multigénérationnelle! » Elle a raison! Si on analyse les entreprises qui performent le mieux après le changement générationnel, celles dont le prédécesseur décide de rester sont celles qui ont les meilleurs résultats. La présence de ce dernier rassure à la fois les banques, les fournisseurs, les clients et les employés. Il peut aussi aider à catalyser les innovations comme un mentor ou faciliter la gestion du changement avec les employés. Pour cela, bien sûr, il faut que le fondateur (fondatrice) cède graduellement la direction, la propriété, le savoir-faire et le réseau de contacts à la nouvelle génération. Finalement, il (elle) doit surtout accepter son nouveau rôle de conseiller ou d’ambassadeur, plutôt que celui de leader de la compagnie.

 

À propos de ce blogue

Aux missions de recherche théorique et appliquée des universités s’ajoute désormais une mission de création de valeur pour la société. Grâce à nos recherches, nos données sur l’entrepreneuriat, grâce aux histoires des entrepreneurs que nous accompagnons, de même qu’aux voyages que nous réalisons chaque année avec nos étudiants dans les endroits les plus réputés pour leur culture entrepreneuriale, nous offrirons, deux fois par mois, un regard critique sur ce qui se fait ici (et ailleurs) en termes d’entrepreneuriat, repreneuriat et gestion des familles en affaires. Dans cette chronique, nous partagerons au grand public notre point de vue sur l’actualité entrepreneuriale québécoise.