Cinq pistes pour un Québec champion de l'intelligence artificielle

Publié le 06/02/2017 à 13:52

Cinq pistes pour un Québec champion de l'intelligence artificielle

Publié le 06/02/2017 à 13:52

Une mine robotisée imaginée par Komatsu. (Photo: Youtube)

Alors, Montréal est un centre vital des technologies de l’intelligence artificielle? Maintenant, il faudrait peut-être que le Québec suive le mouvement… Ou mieux, qu’il adopte un rôle de champion. Voici quelques pistes à envisager.

Du commerce de détail au transport à l'énergie, tous les secteurs sont concernés. Les pistes qui suivent reposent sur des technologies déjà existantes, ou très près de l'être. On ne fait ici que relier les points afin de former une image globale de ce que pourrait être un Québec chef de file en matière des technologies numériques. Accessoirement, ça pourrait aider à amoindrir les risques de la pénurie de main-d'oeuvre qui guette le Québec. Pénurie qui expliquerait en partie le taux d'emploi remarquable dans la province en ce moment.

Agriculture 2.0

Vous croyez que les champs et la technologie ne font pas bon ménage? C’est que vous n’avez pas visité un agriculteur (ou un producteur laitier, ou tout autre producteur agroalimentaire) ces derniers temps. L’automatisation a déjà commencé dans ce secteur mais il se bute à différents problèmes. Le premier : l’accès à l’Internet n’est pas toujours très bon. Le second : la technologie n’est pas encore tout à fait au point.

Dans le premier cas, on sait que les gouvernements annoncent, année après année, l’allocation de sommes importantes afin d’élargir l’accès à large bande aux réseaux informatiques. Sans doute que d’ici 5 ans, ce ne sera plus un problème aussi criant que ce l’est actuellement.

D’ailleurs, ce ne sera pas que l’affaire des fournisseurs de services internet (FSI). Pour couvrir les champs d’un réseau informatique potable, de nouvelles technologes devront être déployées. Une de celles-là est mise de l’avant par IoT Montréal : les réseaux sans fil LoRaWan.

À ce moment, on pourra voir émerger des véhicules robotisés pouvant analyser l’état du sol et des pousses, afin d’optimiser une foule de processus, de l’irrigation à la récolte. C’est la promesse d’une agriculture bio plus accessible pouvant subvenir à la demande d’une population croissante. À la ferme, les robots se chargent déjà de traire les vaches, et peuvent prédire l’émergence de maladies, d’infections, etc. La promesse est double : une amélioration notable du rendement, et une optimisation des ressources.

Rendre l’agriculture high-tech, c’est peut-être aussi une façon d’attirer la relève dans ce secteur, et de le renforcer face à la concurrence étrangère…



Démonstration d'une ferme ayant robotisé une partie de ses opérations. (Vidéo: RHEA)

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Plan Nord 2.0

Une version mise à niveau du Plan Nord pourrait être une occasion de jumeler ressources naturelles et haute technologie. Une formule qui apporterait une valeur ajoutée bien plus enrichissante pour les communautés locales et pour le Québec de façon plus globale, que la simple liquidation du sous-sol québécois.

Imaginez un réseau de véhicules autonomes qui va récupérer la matière brute, puis qui l’achemine à une usine de traitement. Une fois à l’usine, la matière est triée, épurée et transformée en un produit prêt à l’exportation ou à la production de produits et de biens en tout genre.

Ça fait des mois déjà qu’on entend parler des véhicules autonomes et de leur impact sur le monde du transport. Un tel projet permettrait d’en tester le potentiel dans un contexte où les conditions de travail des camionneurs ne sont pas les plus faciles. Et déjà, Komatsu, Volvo, et d’autres travaillent avec des géants du secteur minier comme Rio Tinto, BHP et Barrick Gold afin de mettre au point des drones capables d’effectuer ce boulot.

Le Québec souhaite-t-il participer à cette transformation technologique, ou sera-t-il une des victimes de changements qui pourraient éradiquer des centaines de milliers d’emplois partout sur la planète?


Le camion-benne automatisé de. Komatsu. (Vidéo: Komatsu)

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Montréal 2.0

On a fait grand cas de la teinte bleutée des DELs qui équiperont quelque 135 000 luminaires à Montréal, sous peu. Ce qui a jeté de l’ombre (!) sur les autres aspects technologiques de ce lumineux projet de modernisation du mobilier urbain. Ce qui, en fait, met en doute la capacité de Montréal de se transformer, réellement, en ville intelligente. 

Car ces nouveaux luminaires auront la capacité de communiquer entre eux, puis à un centre de commande où l’administration municipale pourra collecter des données sur l’état de son réseau et sur son utilisation. Elle pourra en outre automatiser certaines décisions (ajuster l’éclairage au bon moment pour satisfaire à des besoins particuliers, notamment). Ils pourront clignoter afin d’aider les services d’urgence à porter secours à des gens en détresse.

Ça pourrait aller plus loin. Certaines villes ont déjà mis en place des feux de circulation connectés indiquant leur état en temps réel (et le rythme de leur cycle vert-jaune-rouge) aux voitures dotées de systèmes compatibles. Celles-ci peuvent alors juger des meilleurs itinéraires pour sauver du temps et du carburant. Au feu rouge, elles peuvent indiquer au conducteur combien de temps il lui reste à attendre que ça tourne au vert.

On a vu un tel système en place à Las Vegas le mois dernier, dans le cadre du Consumer Electronics Show. Ça s’en vient donc rapidement, surtout que certains fabricants, dont BMW et General Motors, comptent mettre en marché dès l’automne prochain des véhicules prêts à communiquer non seulement avec le mobilier urbain, mais avec les autres voitures à proximité.

Montréal, qui a l’ambition d’être une des villes les plus intelligentes sur la planète, a intérêt à améliorer sa communication avec ses citoyens si elle ne souhaite pas voir toutes ces mises à niveau de son réseau de transport remises en question pour des détails qu’elle n’a pas su gérer convenablement.

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Hydro-Québec 2.0

Hydro-Québec est une entreprise tentaculaire : le secteur énergétique est en ébullition de plein de façons, à l’heure actuelle, et la société d’État ne veut évidemment pas rater les occasions qui se présentent à elle. Mais à l’heure des mégadonnées, une société qui compte des millions de clients, qu’elle le veuille ou non, c’est aussi une société à caractère technologique.

Déjà, Hydro-Québec permet d’attirer les centres de données informatiques au Québec. Ils sont très énergivores et l’hydroélectricité produite ici leur est abordable. Mais ça pourrait aller plus loin : le producteur énergétique québécois pourrait se positionner comme un leader de la recherche en automatisation de l’offre et de la demande énergétique.

Compte tenu de ses obligations en matière de gestion de la demande patrimoniale, l’entreprise doit prévoir une production excessive à peu près permanente. Un déploiement des bons appareils connectés, puis l’intégration des bons algorithmes d’analyse et de prédiction de cette demande, éviteraient un certain gaspillage des ressources, ce qui réduirait les coûts du producteur, et du consommateur.

Mieux : les appareils connectés en question existent déjà. Certains sont en train d’être développés au Québec même. Mailler tout ce beau monde pour créer un pôle de R-D en énergétique connectée et intelligente serait une avenue prometteuse pour la province…

Le chauffe-eau connecté de Giant et CaSA.

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SAQ 2.0

Alors, la SAQ, on privatise? On ne privatise pas? Voilà un débat qui tourne en rond depuis au moins 20 ans. Autre piste de réflexion : pourquoi ne pas en faire un centre de R-D pour aider les détaillants québécois dans leur virage numérique?

Car le commerce électronique, en 2017, a évolué au point où un simple site transactionnel ne suffit plus. Le meilleur exemple sur le continent est Amazon : le site de vente en ligne a su créer un point de vente centralisé regroupant des commerçants de tous les horizons.

Avec Alexa, Amazon se prépare au commerce électronique de demain. Celui-ci reposera sur la reconnaissance vocale et des algorithmes de recherche et de recommandation de produits et services. Plus besoin de chercher pour une ampoule DEL de 9 watts sur Google ou sur Amazon, puis de comparer les 200 choix offerts. Il suffira de demander à Alexa (l’assistante vocale d’Amazon) de commander elle-même cette fameuse ampoule, et tout le boulot sera fait en arrière-plan, de façon invisible.

Inutile de dire que si votre site de vente en ligne n’est pas compatible avec les outils vocaux d’Amazon, Apple, Google, Microsoft, il ne pourra profiter de cette technologie qui, selon plusieurs, connaîtra son heure de gloire aussitôt qu’en 2017.

Au Québec, on a une occasion en or de faire des essais et erreurs avec un détaillant qui ne demande qu’à servir le bien public : la SAQ. En prime, on développe à Montréal même une assistante vocale qui est probablement plus répandue, dans le monde, qu’Alexa, Siri et Cortana mises ensemble. Nina, de Dragon Communication.

Ce serait facile, de créer un place marchande en ligne reposant sur les produits de la SAQ et permettant de développer des outils transactionnels libres d’usage, reposant sur les mégadonnées et l’IA, pour le commerce en ligne de demain. Puis, de recourir à l’expertise locale afin d’assurer un rayonnement international aux fabricants et marchands locaux.

S’inspirant d’Amazon, un tel site pourrait proposer des recommandations d’achat connexes aux acheteurs de vins et spiritueux : des produits de la table d’origine locale, pourquoi pas.

En se réinventant comme un pôle d’expertise dans les technologies de commerce de demain, la SAQ ajouterait une nouvelle dimension à sa mission de base qui la placerait au cœur de l’économie de demain. Dans ce contexte, plus personne ne voudrait la privatiser!



Acheter en ligne sans toucher à un clavier? C'est possible... (Vidéo: Youtube)

À propos de ce blogue

Autrefois, on appelait ça de l'électronique mais de nos jours, les nouvelles technologies vont bien au-delà des transistors et des circuits imprimés. Des transactions bancaires à l'écoute en rafale d'émissions de télé les plus populaires, la technologie est omniprésente. Et elle comporte son lot de questionnements. Journaliste spécialiste des technologies depuis bien avant l'avénement du premier téléphone intelligent, Alain McKenna a observé cette évolution sous tous ses angles et livre ici ses impressions sur le sujet.

Alain McKenna
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