Série 2 de 6. Au Québec, il fait froid et l'électricité coule à flots. Autant d'attraits majeurs pour l'implantation de centres de données informatiques. Portrait en six volets de cette industrie en croissance.
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Les centres de données ne sont plus des cavernes d'Ali Baba pleines de merveilles technologiques gardées secrètes. À l'exception de quelques acteurs comme Google et Amazon, de plus en plus d'entreprises technos partagent leur savoir-faire en matière de centres de données. C'est notamment le cas d'IBM, de Facebook et de Goldman Sachs, qui misent sur des solutions ouvertes comme OpenStack ou Open Compute Project (OCP) pour bâtir leurs centres de données.
«Pour arriver à être sur un pied d'égalité avec Microsoft et Amazon, c'était essentiel de se joindre à OpenStack», explique Éric Chouinard, qui était chef de la direction de l'hébergeur iWeb lorsque l'entreprise a adopté OpenStack en 2013. Depuis, iWeb a été acquise par l'américaine Internap, dans un contexte où la consolidation semblait incontournable pour faire face à Amazon.
Créée en 2010 par l'hébergeur américain Rackspace et la NASA, OpenStack est un ensemble de logiciels libres d'automatisation de centres de données. Grâce à eux, IBM, Rackspace et Internap, entre autres, peuvent offrir à leurs clients des services d'hébergement en nuage similaires à ceux qu'offre Amazon.
«Ma perception, c'est que l'industrie était effrayée par la croissance d'Amazon et, comme ils n'avaient pas d'offre d'hébergement en nuage, ils ont sauté dans le bateau de sauvetage d'OpenStack. Ce n'était pas parce qu'il s'agissait d'une technologie géniale, mais parce qu'ils savaient qu'ils avaient plus de chance de réussir en alliant leurs forces», explique Ian Rae, pdg de CloudOps, une entreprise montréalaise spécialisée dans l'informatique en nuage.
La solution libre, qui a fait beaucoup d'adeptes depuis, a l'avantage d'offrir une compatibilité entre les différents centres de données basés sur OpenStack. «Amazon reste un environnement fermé, alors que plusieurs fournisseurs peuvent supporter ce qui a été développé pour OpenStack», explique Christian Primeau, président d'iWeb et vice-président responsable des services d'hébergement en nuage chez Internap.
Un joker nommé Facebook
Introduit par Facebook en 2011, l'Open Compute Project est au matériel ce qu'OpenStack est au logiciel. En rendant publics des plans détaillés d'un de ses centres de données, Facebook a adopté une stratégie opposée à celle d'Amazon et de Google, qui ont toujours bâti leurs centres de données respectifs dans le plus grand secret.
Il faut dire que ces géants bénéficient d'économies d'échelle uniques. Google, par exemple, serait le cinquième fabricant de serveurs en importance dans le monde, même si elle n'en fabrique que pour ses propres besoins.
Depuis 2011, plusieurs poids lourds se sont joints à l'OCP, de Rackspace à IBM en passant par Microsoft. «De gros joueurs comme Facebook et Goldman Sachs se sont réunis pour dire aux fournisseurs qu'ils n'achèteraient pas leurs produits à moins que ceux-ci ne se conforment à leurs spécifications, explique Ian Rae. Leur but était de transformer les équipements de centre de données en commodités [produits de base] interchangeables.»
Grâce à l'OCP, les plus petits acteurs bénéficient d'un pouvoir de négociation accru avec leurs fournisseurs. Ils peuvent de plus construire des centres de données très efficaces avec des ressources limitées. «Réinventer la roue, c'est stupide, explique Éric Mateu, pdg de Vert.com, une entreprise montréalaise qui conçoit des centres de données préfabriqués. Ce sont des spécifications [celles de l'OCP] qu'on reprendra, qu'on adaptera, puis qu'on peaufinera.»
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Des ressources informatiques négociées en Bourse ?
À mesure que les centres de données se standardisent, la possibilité de négocier le traitement de données comme un produit de base gagne en crédibilité. L'idée n'est pas nouvelle, mais elle intéresse maintenant les grandes places boursières. Après la Deutsche Börse en 2013, c'était au tour du Chicago Mercantile Exchange d'annoncer qu'il allait mettre sur pied une plateforme de négociation de services d'hébergement en nuage le 14 avril. Spécialisée dans les produits dérivés et les produits de base, la Bourse américaine bâtira cette plateforme en partenariat avec 6fusion, un éditeur de logiciels pour les centres de données.
De la même manière que le marché de l'énergie ou celui de la publicité en ligne, le coût de location de serveurs pourrait fluctuer en temps réel. Les prix pourraient ainsi varier en fonction de l'heure, du lieu et des tarifs d'électricité, créant de ce fait un marché plus efficace. «C'est clair qu'on s'en va vers ça, estime Éric Chouinard. On ne peut pas continuer à gaspiller autant d'énergie, surtout aux États-Unis, où l'électricité est si coûteuse.»
Ian Rae, pour sa part, doute du succès de ce modèle. «Certaines personnes font le pari que les ressources informatiques seront négociées comme une commodité, mais je ne crois pas qu'on en arrive là, car les géants comme Amazon n'ont pas intérêt à participer.»
Seul l'avenir dira si l'approche ouverte triomphera ou si, au contraire, un géant comme Amazon pourra imposer ses standards.
De plus en plus d'entreprises mettent en commun leurs technologies afin de bâtir des centres de données capables de rivaliser avec ceux d'Amazon, dont les services d'hébergement en nuage connaissent une hausse fulgurante.
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