L'année 2014 a été fertile en acquisitions pour les entreprises québécoises, dont certaines ont mis la main sur des cibles très convoitées. Cette dynamique confirme leur envie de tirer leur épingle du jeu sur la scène mondiale, en devenant des acteurs majeurs de leur secteur.
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En septembre 2014, WSP confirme les rumeurs, qui couraient depuis quelques semaines, en annonçant officiellement son acquisition de la firme d'ingénierie américaine Parsons Brinckerhoff. Cette acquisition, payée 1, 310 milliard de dollars américains, double la taille de WSP.
Il faut dire que les acquisitions sont dans l'ADN de WSP depuis l'époque où elle opérait sous le nom de Genivar. Depuis le début des années 2000, la firme en a réalisé plus de 100. Plus de 29 000 des 32 000 employés proviennent de fusions et acquisitions. Et 2014 n'a pas fait exception à la règle, avec l'ajout de 10 entreprises au Canada, en Colombie, en France, en Suède, aux États-Unis et en Australie. WSP y a consacré plus de 1,7 G$ CA au total.
«Nous cherchons des cibles nous offrant une synergie de revenus, plutôt que de coûts, précise Isabelle Adjahi, vice-présidente, relations avec les investisseurs et communications d'entreprise de WSP. Notre objectif n'est pas seulement d'augmenter les revenus ou les profits, mais de croître.»
Géographiquement comme sur le plan des services offerts ou du style de gestion, WSP et Parsons Brinckerhoff étaient complémentaires. Aux États-Unis, WSP est fort dans le bâtiment, alors que Parsons y excelle dans les transports. La présence de Parsons au Canada se concentrait à Toronto dans le bâtiment et le transport, ce que WSP souhaitait améliorer. Même en Grande-Bretagne, où les deux entreprises font dans le ferroviaire, WSP se spécialise dans la conception de plateformes et de stations en surface, et Parsons dans la construction de tunnels et de technologie souterraine. «Une alliance parfaite», dit la vice-présidente.
De bonnes occasions
WSP n'a pas été la seule entreprise québécoise à montrer de l'appétit en 2014. Les Affaires a recensé des transactions totalisant plus de 18 G$ CA, réalisées par 23 sociétés. Ces données ont été recueillies auprès de différentes sources et ne sont pas un recensement exhaustif. L'une des plus grosses a été le coup de poker du Groupe de jeux Amaya, de Pointe-Claire, qui a misé 5,6 G$ CA sur PokerStars et Full Tilt Poker. SNC-Lavalin a déboursé 2,3 G$ CA pour le spécialiste britannique de l'industrie pétrolière, Kentz Group. Une transaction importante, qui souffre pour l'instant de la baisse des cours du pétrole.
Couche-Tard a poursuivi son expansion au sud de la frontière en déboursant 1,97 G$ CA pour The Pantry, qui opère 1 512 dépanneurs. Saputo a dû trimer dur, mais a réussi à mettre la main sur l'australienne Warrnambool, quatrième transformateur laitier du pays, pour 449 millions de dollars canadiens. Cela lui ouvre les portes de l'Asie. Agropur n'est pas en reste, avec l'achat de l'américaine Davisco, au coût de 413 M$ CA.
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«Les entreprises québécoises souhaitent se diversifier géographiquement, confirme Miriam Pozza, associée responsable des transactions au Québec pour PricewaterhouseCooper (PwC). De plus, le ralentissement économique aux États-Unis et en Europe a fait diminuer le prix d'achat de certaines entreprises ces dernières années.»
Il faut dire que les raisons de vouloir s'étendre géographiquement ne manquent pas. «Le Québec est un petit marché, donc les entreprises cherchent de nouveaux débouchés, note Mark Anthony Serri, associé et responsable de l'équipe achat, vente, fusion et financement d'entreprises, pour la grande région de Montréal, de Raymond Chabot Grant Thornton. De plus, le Buy American Act a poussé plusieurs entreprises de chez nous à acquérir des actifs au sud de la frontière, pour se donner de meilleures chances d'obtenir des contrats.»
Il constate que les entreprises québécoises se concentrent sur le nord-est des États-Unis, ce qu'il juge normal en raison de la proximité géographique, linguistique et culturelle. «Mais, il y a des opportunités intéressantes ailleurs», rappelle-t-il. Celui qui est membre de la Chambre de commerce italienne au Canada donne l'Italie en exemple. «Des entreprises dotées d'expertises intéressantes dans l'aérospatiale, l'agroalimentaire ou l'équipement peuvent représenter des cibles alléchantes en raison du contexte économique difficile en Italie», dit-il.
Des conditions favorables
Chez Norton Rose Fulbright, l'associé du bureau de Québec, Jean-Philipe Buteau, confie qu'en 2014 les fusions et acquisitions ont donné beaucoup de travail à la firme d'avocats. Norton Rose a notamment participé à l'achat par le fonds de placement immobilier Cominar de 15 immeubles d'Ivanhoé Cambridge, en retour de 1,6 G$ CA.
Norton Rose a aussi assisté SNC-Lavalin lorsque la firme s'est départie d'AltaLink, puis lorsqu'elle a acquis Kentz Group, en plus de représenter Yamana Gold dans les discussions au sujet de l'acquisition, avec Agnico Eagle, de la minière québécoise Osisko.
Selon lui, l'année 2015 devrait être aussi active pour ce qui est des fusions et acquisitions, notamment dans les secteurs des médias et du divertissement, de l'énergie et de la santé. La baisse du prix du pétrole a fragilisé certaines entreprises du secteur pétrolier, lesquelles pourraient devenir les proies d'acheteurs alléchés par une baisse de la capitalisation boursière de ces actifs - et donc du prix d'achat. La faiblesse des taux d'intérêt facilite l'accès au financement pour des entreprises, dont un bon nombre ont accumulé beaucoup de capitaux et d'actifs intéressants depuis 2008.
Seule ombre au tableau, la baisse du dollar canadien augmente légèrement le prix des acquisitions réalisées à l'étranger, notamment aux États-Unis.
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