L’acquisition annoncée d’Astral par Bell devrait être purement et simplement rejetée, sous peine de marquer un « point de non retour », a fait valoir mardi matin le PDG de Quebecor, Pierre Karl Péladeau.
M. Péladeau et la haute direction de Quebecor ont tenté de convaincre le CRTC qu’autoriser cette transaction créerait un géant « monstrueux » qui dominerait à la fois les marchés francophone et anglophone, un avantage nettement plus important que sa propre position dans le marché francophone.
Selon Quebecor, seul le rejet de la transaction peut empêcher ces conséquences néfastes.
« Quelles que soient les conditions que vous pourriez imposer, elles deviendront la cible des centaines de spécialistes en affaires réglementaires et de lobbyistes que Bell emploie pour contourner la volonté et l’intérêt général des Canadiens », a déclaré M. Péladeau.
Celui-ci a par ailleurs affirmé qu’il n’était pas intéressé à se porter lui-même acquéreur d’Astral, advenant le rejet de la transaction par le CRTC.
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Bien que la transaction emmènerait presque à parité les parts du marché télévisuel francophone de Bell/Astral et Quebecor, elles seraient composées de façon différente, nettement à l’avantage de Bell, a avancé Quebecor.
Selon elle, sa part de marché de 30% est essentiellement attribuable à TVA (23%). Or, la popularité de TVA diminue d’environ 1% chaque année, selon son président, Pierre Dion. Surtout, la chaîne ne perçoit pas de redevances, comme les chaînes spécialisées, et est entièrement dépendante de la publicité.
Selon M. Dion, la domination de Bell sur le marché publicitaire canadien deviendrait si grande qu’elle pourrait se livrer à du « dumping » sur le marché québécois et ainsi assoiffer les chaînes qui en dépendent, comme TVA.
« Le marché québécois va être donné comme un bonus lors de ventes sur le marché anglophone », a prédit M. Dion.
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Quebecor a également fourni quelques exemples de cas où Bell ou Astral ont utilisé leur position dominante pour l’écarter d’un marché.
Ainsi, M. Péladeau a raconté que la chaîne sportive TVA Sports avait perdu les droits de diffusion du tournoi de golf Masters sans même avoir l’occasion de négocier. C’est que TSN, propriété de Bell, a exigé dans ses négociations pour les droits anglophones que la diffusion francophone soit faite par RDS.
M. Dion a quant à lui rappelé que les efforts de TVA pour lancer un concurrent au service Super Écran, d’Astral, avaient été tués dans l’œuf quand Astral avait renégocié ses ententes avec les grands studios américains.
Le président du CRTC, Jean-Pierre Blais, a rappelé à Quebecor qu’elle utilisait elle-même son poids pour y aller de pratiques de la sorte à l’occasion. « J’en conviens », a répondu M. Péladeau, avant de rappeler que l’avantage de Bell s’étendrait à la fois aux marchés anglophone et francophone. En point de presse par la suite, M. Péladeau a complètement nié se livrer à de telles pratiques à l’échelle québécoise.
« Aucunement. Nous sommes une entreprise responsable qui veut être attentive aux obligations qui accompagnent la détention d’une licence dans le domaine de la radiodiffusion ou des télécommunications. »
Quelques exemples anecdotiques ayant fait surface au cours des dernières années ont démontré que Quebecor utilisait aussi, à l’occasion, sa position dominante pour inciter des annonceurs à choisir certaines de ses propriétés. L’entreprise avait notamment refusé au Fonds de solidarité FTQ le droit d’annoncer à TVA s’il refusait de le faire aussi dans le Journal de Montréal, alors en lock-out.
Marché en danger
Finalement, la position dominante de Bell et Astral pourrait en venir à carrément menacer le marché de la télévision spécialisée, a prévenu M. Dion.
« La viabilité de lancements de nouvelles chaînes va être mise en péril », a-t-il estimé, à cause de la difficulté à négocier la distribution de ces chaînes avec Bell, qui pourrait privilégier ses propres chaînes.
Selon Quebecor, les chaînes spécialisées francophones de Bell et Astral récolteraient, lorsque combinées, 72% des redevances et 80% des revenus publicitaires.
« Dorénavant, toute concurrence subira une pression abusive », a estimé M. Péladeau.
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