Les Y - nés entre le début des années 1980 et le début des années 2000 - savent ce qu'ils veulent, et ils l'obtiennent habituellement. Reste qu'il est «difficile d'arrimer l'offre à la demande», lance Stéphane Côté, président de DevMcGill. En immobilier, «ce sont des cycles de trois ou quatre ans» qui prévalent. Impossible de répondre aux demandes des Y en claquant des doigts, sachant que la réalisation d'un projet d'envergure peut prendre plusieurs années. Les promoteurs doivent donc prévoir les tendances futures.
À lire aussi:
Montréal: concilier vision urbaine et croissance économique
Une ville intelligente, au-delà des technologies
Mais qu'est-ce qui attire les Y ? «La qualité de vie», répond de but en blanc Anik Shooner, associée chez Menkès Shooner Dagenais LeTourneux Architectes. «Ils ont une vie très active, axée sur "s'occuper d'eux", ajoute Stéphane Côté. Ils vont voir des amis, sortent, vont courir. Ils ne sont pas souvent chez eux.»
S'ils ne sont pas souvent à la maison, c'est aussi parce que la taille des copropriétés acquises par les Y, souvent de premiers acheteurs, tend à rapetisser au fil du temps. Il n'est pas rare de voir des studios au centre-ville, dont la superficie est en deçà de 300 pieds carrés, soit à peu près la taille d'une grande chambre à coucher dans une maison unifamiliale de banlieue. Ces petits studios conservent toute leur pertinence, selon l'analyse de Jacques Vincent, coprésident du Groupe Prével. «Avec 37 ans d'expérience, je peux vous dire que c'est la mensualité qui a un impact. Quand les taux baissent, le logement tend à agrandir. C'est sûr qu'un [logement de] 350 pi2, ce n'est pas le rêve de nos clients, concède- t-il. Mais un petit logement, c'est ça qui leur permet de rester en ville, et d'accéder à la propriété !»
Plus petits, et plus chers
La prolifération de petits logements dans un même projet coûte plus cher, car plus il y en a, plus il y a d'électroménagers, de plomberie, etc. «Dans le YUL [grand projet de deux tours de 38 étages au centre-ville], ça coûte plus cher qu'au Roccabella, par exemple», explique Anik Shooner, dont la firme a entre autres conçu le YUL. «Et de petits logements, ce n'est pas vrai que ça se vend si facilement, même si la Tour des Canadiens [dont les logements se sont vendus très rapidement], pourrait amener à penser le contraire», ajoute-t-elle.
Les promoteurs sont bien conscients des coûts plus élevés de la miniaturisation des logements : «Un promoteur qui vend un logement de 700 pi2 au même prix au pied carré qu'un logement de 350 pi2 sera vite rattrapé par la réalité, croit Jacques Vincent. Nous [le Groupe Prével], on en a fait un paquet d'unités à 550 pi2 [notamment à L'Impérial, dans l'arrondissement du Sud-Ouest]. Mais maintenant, il y en a plein. Si l'on continue à ne faire que ça, on va "sécher"«, illustre le coprésident, qui souligne l'importance de s'adapter rapidement.
Question de se doter des outils nécessaires pour démontrer une agilité à toute épreuve, «il est possible de dessiner des plans où l'on explique aux clients que l'on peut fusionner des unités au besoin», précise Richard Hylands, président de Kevric. Du même souffle, M. Hylands souligne que, dorénavant, «la mathématique fonctionne pour faire des condos en location ; la demande est là, ça émerge».
Ce qui ne signifie pas nécessairement que la tendance au «petit» s'est essoufflée. Mais si une copropriété est trop petite, les propriétaires auront tendance à sortir davantage. «Si tu peux visiter le condo à partir du tapis d'entrée, tu sors !» lance Claude Sirois, cochef de l'exploitation et vice-président exécutif Québec, chez Ivanhoé Cambridge.
Créer des milieux de vie éprouvette
Avec la fin du cocooning [tendance à rester dans le confort de son foyer], «c'est le projet en soi qui devient un milieu de vie, affirme Mme Shooner. On dirait que la vie de quartier manque aux gens. C'est peut-être un retour à une vie en communauté».
Et afin de pallier le confinement des petits logements, les promoteurs ont pris conscience de leur rôle dans la création de milieux de vie. Par exemple, autour de ces projets naissent des cafés, des bars, des épiceries fines. Des lieux de rencontre se multiplient, au point où des couples s'y forment.
«Je connais un couple qui s'est formé au Lowney, explique Jacques Vincent. Ils se sont rencontrés sur la terrasse commune. Quand ils attendaient leur premier enfant, ils sont revenus me voir pour acheter une plus grande unité. Ils venaient de la banlieue, on a créé des Montréalais.»
À lire aussi:
Montréal: concilier vision urbaine et croissance économique
Une ville intelligente, au-delà des technologies
Nouvelle relation spatiale
L'arrivée massive des Y bouscule bien plus que le secteur résidentiel. Les espaces de travail et les commerces subissent également leur influence. «C'est un peu agaçant de remettre en question la pertinence d'ajouter de nouveaux produits [nouvelles constructions] sur le marché [du bureau]», pense Claude Sirois, d'Ivanhoé Cambridge, qui est derrière la nouvelle Maison Manuvie.
Une situation similaire pour les commerçants, affirme l'expert. «Il y a de nouveaux détaillants qui arrivent, malgré les boutiques virtuelles, qui ont compris l'importance d'un cycle complet.» Au-delà du Web, les Frank & Oak et BonLook de ce monde ont aussi besoin de «brique et de mortier» pour loger leurs équipes ou concevoir leurs produits.
«Si on veut attirer des sociétés, des entreprises de la nouvelle économie, il faut leur offrir des locaux adaptés à leurs besoins. Ça force l'ensemble des acteurs à revoir leur offre. Pour attirer le capital humain, les gens sont prêts à payer plus cher.»
Payer plus cher, notamment pour obtenir un espace moderne et central, afin d'attirer les meilleurs. «Les Y ne veulent pas voyager une heure et demie pour aller travailler», juge Richard Hylands.
À l'instar des copropriétés, les espaces de travail tendent à se miniaturiser. Et le calcul ne s'effectue plus «au pied carré», mais bien «au coût par employé», explique-t-il. D'abord, parce que les locaux haut de gamme sont onéreux, et surtout, parce que les Y n'ont pas la même relation que leurs prédécesseurs avec les espaces de travail. «Maintenant, ils n'ont besoin que d'un ordinateur portable, précise M. Hylands. La mentalité où "tout le monde a un bureau" a changé. Aujourd'hui, on peut travailler de partout.»
Des bureaux «tout inclus»
«Les postes de travail homogènes tendent à disparaître, constate Anik Shooner. Il faut offrir différentes atmosphères. Les jeunes veulent bouger. Il y a des espaces plus "formels", plus tranquilles, et d'autres plus occupés.»
Au-delà de cette nouvelle relation à l'espace, ces jeunes Y «mouvants» ne «calculent plus leurs heures de la même façon, affirme M. Hylands. Ils se basent sur les tâches plutôt que sur le nombre d'heures».
Certains employeurs se sont rendu compte qu'en réaménageant les bureaux, ils pouvaient garder leurs employés plus longtemps au travail et les attirer chez eux. «Certains aménagent une cuisine commune, avec des chefs qui viennent cuisiner au travail ou des traiteurs qui livrent des repas. Certains payent même des équipes pour faire le ménage chez leurs employés», dit le président de Kevric.
> Seulement 44 % des Y trouvent leur lieu de travail agréable. Source : Deloitte, « L’avenir du travail : guide de réorientation »
Immobilier et urbanisme
Série 2 de 3. Comment garantir un développement urbain qui répond aux multiples besoins de la population ? Nous avons réuni promoteurs et autres experts du secteur pour réfléchir à la question.
À lire aussi:
Montréal: concilier vision urbaine et croissance économique
Une ville intelligente, au-delà des technologies