BLOGUE. Avez-vous rêvé, un jour, comme moi, d’être capable de lire dans les pensées des autres? Si tel est le cas, j’ai une grande nouvelle pour vous : un homme sait le faire et enseigne comment s’y prendre. Cet homme, c’est Joe Navarro, un ancien agent du FBI qui a passé 25 années à interroger des criminels et autres terroristes, et donc à détecter les moindres signes trahissant le mensonge, ou du moins un certain malaise. Depuis quelques années, il s’est fait un nom dans le milieu du poker, car il a eu la brillante idée d’appliquer ses techniques policières aux joueurs et à leurs fameux tells.
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Les tells? Oui, ces infimes signes envoyés inconsciemment par notre corps pour exprimer le contentement ou son contraire. Vous savez, quand on se gratte le bout du nez, quand on contracte nerveusement les mâchoires, quand on se passe la main dans la nuque, etc. Il y en a une infinité, mais certains d’entre eux sont plus révélateurs que les autres, car même avec la meilleure volonté du monde, il nous est presque impossible de les contrôler. Je vais prendre un exemple lumineux, en m’appuyant sur les propos de Joe Navarro dans son ouvrage intitulé Read’em and reap – A career FBI agent’s guide to decoding poker tells : les yeux.
Ainsi, quand nous apprécions quelque chose (les cartes à jouer qu’on vient d’avoir, la nouvelle que nous apprend un collègue, etc.), la pupille de nos yeux s’agrandit aussitôt. Et inversement, elle se contracte à la moindre contrariété. C’est plus fort que nous, cela se produit sans que notre conscience intervienne dans ce phénomène physique.
Du coup, quand vous vous adressez à un client ou à un subalterne pour lui faire une proposition, prenez le soin de le regarder droit dans les yeux, et plus précisément le petit trou noir au milieu de l’iris d’un œil. Pendant une fraction de seconde, celui-ci réagira, et vous aurez aperçu le fond des pensées de votre interlocuteur.
Bien entendu, cette astuce n’est pas parfaite, et demande surtout beaucoup de pratique pour être bien utilisée. Par exemple, il faut tenir compte de la luminosité de l’endroit où vous êtes, car la pupille y est très sensible : il ne faudrait pas qu’un petit rayon de soleil qui passe sur l’œil vous fasse croire que l’autre est contrarié. D’autres facteurs peuvent aussi jouer, comme le fait qu’une personne droguée – ou qui sort d’un repas d’affaires un peu trop arrosé - n’a pas les mêmes pupilles que d’habitude. Pour atténuer ces bémols, le mieux est alors de bien regarder la pupille de l’autre avant de lui faire votre proposition, afin de détecter tout changement réel et immédiat.
En fait, le principal problème de ce truc, c’est que tout se passe en un clin d’œil. La pupille se contracte sous le coup de l’émotion, puis revient aussitôt à la normale. Si cela vous a échappé, il sera trop tard, car il ne se reproduit pas deux fois de suite.
C’est pourquoi Joe Navarro lui préfère une autre astuce : le blocage des yeux. Lorsque quelque chose nous déplaît, nos paupières se ferment un instant, ou bien nous fermons de nous-mêmes nos paupières avec nos doigts. Là encore, ce réflexe est plus fort que nous : notre inconscient réclame un temps de repos pour le cerveau, et donc le retrait de l’image qui nous dérange, retrait qui s’effectue par l’obturation de la vue. Cela se fait en appuyant le pouce et l’index d’une même main sur les paupières, ou même en mettant carrément toute la main devant les yeux. Et ce, même si l’on porte des lunettes (on prend alors le temps nécessaire pour les ôter).
Peut-être avez-vous du mal à croire que nous faisons tous ça sans nous en rendre compte. Alors, réfléchissez à la dernière fois où quelqu’un vous a annoncé une mauvaise nouvelle : n’avez-vous pas fermé les yeux un petit moment dès que vous avez compris de quoi il s’agissait? Soyez sincère…
L’ex-agent du FBI a une anecdote à ce sujet. Un incendie criminel avait ravagé un hôtel de Puerto Rico et les inspecteurs cherchaient à comprendre comment les incendiaires s’y étaient pris pour pénétrer à l’intérieur en dépit des mesures de sécurité. Les gardiens ont alors été interrogés un par un sur ce qu’ils faisaient au moment du crime : où ils se trouvaient, ce qu’ils faisaient, etc. Joe Navarro posait les questions, de manière routinière, mais en étant tout de même attentif aux personnes interrogées. Et il a noté que l’un des gardiens, quand il lui a demandé où il se trouvait à ce moment-là, a baissé de manière infime le menton et fermé brièvement les yeux avant de répondre le plus naturellement du monde qu’il était à son poste, comme d’habitude. Flairant le mensonge, il est revenu par la suite sur ce point, de façon insistante, et l’homme a fini par avouer qu’en réalité il avait rejoint une cliente de l’hôtel dans sa chambre. Son absence avait permis aux malfaiteurs d’agir.
«Comme l’eye blocking est associé aux images, réelles ou mentales, qui nous déplaisent, on peut considérer qu’une personne qui y a recours ressent un certain malaise. Cette personne est sous le coup d’une vive émotion, et aimerait que celle-ci reste muette. D’où l’intérêt de savoir décoder ce geste inconscient», souligne M. Navarro, en indiquant qu’il s’agit là de «l’un des indicateurs non-verbaux les plus fiables et les plus valables».
Maintenant, vous venez de comprendre pourquoi les champions de poker prisent tant les lunettes de soleil…
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