BLOGUE. Malade, Steve Jobs a démissionné de la haute direction d’Apple. Il n’était tout simplement plus en mesure d’innover comme il le faisait depuis des années, après avoir piloté les naissances du iPod, iPhone et autres iPad. Et il a préféré se retirer. Un acte d’une grande sagesse…
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Pourquoi? Parce qu’il ne peut plus utiliser à leur plein potentiel les aptitudes nécessaires à l’innovation. Quelles aptitudes, me direz-vous? Celles qui caractérisent les grands génies, à l’image de Léonard de Vinci, vraisemblablement l’un des plus grands créatifs de tous les temps.
Je l’ai réalisé en parcourant le dossier estival sur la super-créativité du magazine Le Monde de l’intelligence, lequel a eu l’heureuse idée de reparler d’un livre qui avait défrayé la chronique peu après le tournant du millénaire, Pensez comme Léonard de Vinci de Michael J. Gelb (Éditions de l’Homme, 2004). Un best-seller qui invitait à s’inspirer de la façon d’innover du génie italien, et ainsi à développer six facultés particulières…
1. La curiosité. Tout petit, Léonard de Vinci étaut curieux de tout : les mystères de la nature, les secrets des mathématiques, etc. Il notait tout dans des carnets, habitude qu’il a conservée toute sa vie. «J’ai parcouru la campagne pour trouver des explications à ce que je ne comprenais pas. Pourquoi l’on trouve des coquillages sur la crête des montagnes. Comment se forment les ronds dans l’eau tout autour du point de contact d’un caillou. Pourquoi l’oiseau peut rester suspendu dans les airs. Tous ces mystères et bien d’autres phénomènes occupent mon esprit tout le temps», a-t-il écrit un jour.
Ainsi, la créativité découle de l’observation et de la réflexion sur des idées que d’autres ne considèrent même pas. Elle consiste à faire des associations d’idées surprenantes, pour ne pas dire saugrenues, pour en arriver à des concepts inédiats.
Michael J. Gelb, un expert en innovation, propose dans son livre de faire différents exercices pratiques pour devenir curieux comme l’était Léonard de Vinci. Par exemple, avoir toujours sur soi un carnet dans lequel on inscrit ses observations et ses idées, en privilégiant un sujet par jour. Autre exemple : faire la liste des questions qui nous tiennent à cœur, en sélectionner une et se concentrer sur elle pendant une dizaine de minutes.
2. L’expérimentation. «L’expérience ne trompe jamais. Seuls nos jugements errent», estimait le génie italien. D’où son goût immodéré pour les expériences en tous genres, qui l’ont mené à inventer une machine volante, un hélicoptère, un parachute, une échelle extensible, et autres bicyclette et scaphandrier. Cela étant, toutes ses expériences n’ont pas été couronnées de succès. Ses tentatives pour détourner le fleuve Arno, ou encore pour automatiser les cuisines, ont été des échecs, mais des échecs dont il a tiré des leçons pour la suite de ses recherches.
Maintenant, M. Gelb propose un exercice visant à faire de vous un bon expérimentateur. Celui-ci consiste à noter trois affirmations personnelles sur la nature humaine (ex. : «L’homme est fondamentalement bon»); puis à décortiquer chacune d’elles (ex. : Pourquoi est-ce que je pense ça? D’où me vient cette idée? Est-ce que je peux en changer?); enfin, songez à tout ce qui influence vos convictions.
3. La stimulation. Nous avons la fâcheuse tendance à ne nous servir, dans la plupart des situations, que d’un sens : la vue pour la conduite, l’ouïe pour les concerts de musique, etc. De Vinci, lui, veillait à utiliser le plus de sens possible à chaque expérience sensorielle, histoire de s’ouvrir davantage au monde : il aimait à regarder et toucher des étoffes rares, avant de chercher à les peindre.
D’où la suggestion de M. Gelb, d’intégrer volontairement un deuxième sens dans le cadre de différents exercices sensoriels. Par exemple, écouter de la musique et traduire en même temps ses émotions par un dessin.
4. Le goût du bizarre. Au lieu d’éviter les situations paradoxales ou ambiguës, Léonard de Vinci les recherchait. Pourquoi? Parce que la surprise qui en résultait lui procurait des associations d’idées souvent fructueuses. Si la quête de la beauté est toujours présente dans ses œuvres, il s’intéressait aussi à la laideur. Un jour, il a donné un banquet pour les personnes les plus difformes de la ville, et a passé le reste de la nuit à dessiner de mémoire leurs traits…
À vous de vous mettre dans des situations bizarres, ou du moins à avoir des réflexions paradoxales. Par exemple, songez à la joie et la peine : le moment le plus triste de votre vie avait-il un lien avec le moment le plus heureux? Réfléchissez-y bien avant de dire «non». En effet, Léonard de Vinci considérait que «le bonheur suprême est la plus grande cause de misère»…
5. Le mariage de la logique et de l’imagination. À ses disciples, de Vinci recommandait d’attacher une grande importance aux menus détails, et ce en ayant sans cesse une approche analytique de tout ce qui les environne. L’important était d’être toujours logique. Toutefois, il se distinguait de nombre d’autres maîtres italiens par un autre conseil, complémentaire selon lui : usez d’imagination. Il prêchait par l’exemple, avec ses carnets couverts de croquis et autres griffonnages qui matérialisaient les idées qui traversaient son esprit.
Aujourd’hui, cette technique de créativité est redevenue à la mode, avec ce que le psychologue anglais Tony Buzan dénomme le mind mapping (la cartographie heuristique, en français). Cela consiste grosso modo à représenter sur une feuille les liens qui existent entre différentes idées, sous forme d’arborescence de données. Et ce, en jetant sur les papiers les idées les plus diverses pour voir ce que ça donne, une fois qu’on essaie de leur donner un ordre. Une méthode qui, vous le verrez à l’usage, donne parfois des résultats surprenants!
6. Le bien-être. Pas de bon travail si l’on n’est pas en pleine forme. C’est une évidence (mais en même temps, on l’oublie si souvent, n’est-ce pas?). Léonard de Vinci était, là encore, amplement en avance sur son temps, puisque, convaincu qu’une saine alimentation permettait d’être en bonne santé, il était devenu végétarien. Et il pratiquait régulièrement différents sports, dont la marche, la natation, l’équitation et l’escrime. Rien de moins. Un modèle à suivre…
Voilà les six aptitudes à cultiver pour améliorer sa créativité, si l’on tient à s’inspirer de ce que faisait Léonard de Vinci. Le lien avec la démission de Steve Jobs? La toute dernière aptitide, à savoir le bien-être. La maladie a ruiné sa santé, il n’est malheureusement plus assez en forme pour être au top, pour exploiter au mieux les cinq autres aptitudes. Eh oui, une faiblesse majeure dans une seule des six aptitudes, et il devient impossible d’exceller.
Vous êtes donc prévenu : il ne vous suffira pas de vous contenter de vous montrer plus curieux que d’habitude, ou de faire davantage d’expériences, ou encore de stimuler plus que jamais votre odorat, pour avoir subitement des idées géniales. Non, il vous faudra travailler ces six facultés de front, sans relâche, à chaque instant de votre vie, pour pouvoir espérer, un beau jour, avec un flash extraordinaire.
Découragé? J’espère bien que non. Le défi est de taille, certes, mais il vaut la peine d’être relevé, car le chemin ainsi suivi vous fera découvrir des merveilles que vous ne soupçonnés même pas l’existence. J’en suis persuadé.
Léonard de Vinci aimait d’ailleurs à dire : «Qui ne doute pas acquiert peu»…
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