BLOGUE. Votre patron qui vous met une pression incroyable, votre bébé qui hurle continuellement, votre furieuse envie de dévorer une barre chocolatée, que sais-je encore, votre frustration de ne pas pouvoir vous offrir la voiture de vos rêves… Il semble qu’il y ait mille et une raisons expliquant votre fréquente mauvaise humeur. Pas vrai? Et pourtant, ce ne sont pas là les véritables explications, mais plutôt les symptômes. En vérité, le cœur du problème, c’est… votre self-control!
Découvrez mes précédents posts
Et beaucoup d'autres articles management sur Facebook
C’est ce que j’ai appris en lisant une étude pasionnante intitulée Grapes of Wrath : The Angry Effects of Self Control, cosignée par deux professeurs de marketing, à savoir David Gal, de la Kellogg School of Management, et Wendy Liu, de la Rady School of Management. Ceux-ci ont découvert qu’à force de nous retenir de réagir aux choses qui nous déplaisent ou nous contrarient, nous avons la moutarde que nous monte de plus en plus haut dans le nez, et graduellement notre bonne humeur se dégrade de plus en plus, jusqu’au moment où, en fonction de notre personnalité, l’on saute une coche ou l’on sombre dans la dépression.
Ainsi, les deux chercheurs ont procédé à quatre expériences astucieuses pour voir dans quelle mesure notre self control pouvait influencer l’état de notre humeur. La première est une des plus intéressantes, à mon avis. Ils ont tout d’abord demandé à 239 étudiants d’une grande université américaine (dont 72% étaient des femmes) de choisir entre une pomme (la vertu) et une barre chocolatée (la tentation), et de manger celle-ci tranquillement. Puis, ils leur ont offert des billets de cinéma, avec à chaque fois un choix entre un film relativement violent ou pas du tout (ex. : Anger Management ou Billy Madison).
Résultat? Les personnes qui ont choisi la pomme (4 sur 10) ont largement eu tendance – à hauteur de 64% – à aller voir le film relativement violent (Anger Management), et non pas la comédie (Billy Madison). Curieux, non? On aurait pu croire a priori que les personnes vertueuses auraient poursuivi dans la même lignée, en allant voir une belle histoire au cinéma. Mais non, elles ont préféré un spectacle libérateur pour les nerfs et l’esprit.
Comment expliquer un tel mystère? M. Gal et Mme Liu ont affiné leur trouvaille avec trois autres expériences, don’t il ressort que ce qui est en jeu, c’est notre self control. Si notre société, ou le regard des autres, ou encore notre conscience, comme vous voulez, ne pesait pas sur notre comportement, il y aurait fort à parier qu’à choisir entre une pomme et une barre chocolatée, nous nous ruerions tous sur le chocolat. Sans exception. Mais voilà, nous sommes des animaux sociaux, et autrui nous influence dans chacun de nos gestes et même dans chacune de nos pensées secrètes. Impossible de faire tout ce qu’on veut. D’où le choix vertueux de la pomme, et son corollaire : notre bonne humeur en prend un coup, parce qu’on aurait préféré, au fond de nous-même, prendre la barre chocolatée. Du coup, on se ratrappe en allant voir un film qui va nous permettre de nous défouler un peu.
Vous en avez certainement fait vous-même l’expérience… Par exemple, quand vous avez fini votre journée de travail, et donc fini avec tous ses petits tracas, n’avez-vous pas envie, en sortant du bureau, d’une bonne crème glacée à la vanille ou d’une pinte de bière? N’avez-vous pas le goût de transgresser un petit interdit, comme un petit peu trop de sucre ou d’alcool? Et si la coupe est pleine, de carrément insulter celui qui vous bousculera dans le métro ou de klaxonner celui qui tentera de vous griller la priorité?
Une autre expérience amusante a été menée en ce sens en 2005 par quatre chercheurs en psychologie de la Florida State University, sous la direction de Nathan DeWall. Elle consistait à interdire aux participants de manger la part de gâteau au chocolat qui était posée devant eux pendant de longues minutes, puis – sans prévenir – à les insulter violemment! Que croyez-vous qu’il s’est passé? Ceux qui avaient réussi à résister à la tentation de manger le gâteau au chocolat ont vivement répliqué aux insultes; ils avaient les nerfs à fleur de peau. Et pas vraiment les autres.
Les implications de ces trouvailles sont nombreuses en matière de management, de mon point de vue. Je n’en aborderai qu’une, à savoir qu’il est crucial, quand on pilote une équipe ou une entreprise, d’avoir en tête que les employés accumulent à longueur de journée différentes frustrations qui, à force, minent leur moral.
Certes, ils continueront, comme vous et moi, d’être souriants, polis et serviables. Néanmoins, leur usage répété du self control va nuire à leur humeur réelle, et par suite vraisemblement à leur ego, avancent les deux chercheurs. De fait, une contrariété au travail se traduit, de manière plus ou moins consciente, à une remise en question personnelle : «Si mon boss me met tant de pression, c’est probablement parce que je ne suis pas à la hauteur de ses attentes», peut-on être facilement amené à penser, non?
Par conséquent, mieux vaut être attentif aux petits signes d’impatience de ceux qui vous entourent au travail. Aussi infimes soient-ils, ils en disent long, pour qui sait les capter et les interpréter…
Tiens, une idée, en passant : et si vous offriez des chocolats à votre équipe, de temps en temps?
Découvrez mes précédents posts