BLOGUE. Avez-vous déjà entendu parler de Chris Bangle? Si le design, et de manière plus large la créativité, vous intéressent, la réponse est sûrement «oui». Mais ce que vous ne savez vraisemblablement pas, c’est que depuis qu’il a quitté BMW le 3 février 2009, il s’est mis à réfléchir plus que jamais au design et à l’influence que celui-ci peut avoir sur l’être humain. Et qu’il a concocté sa propre version d’un concept passionnant, à mon avis, le Design Leadership.
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Le Design Leadership? Il s’agit d’une évolution du concept de Design Thinking - très à la mode en management depuis quelques années -, lequel considère grosso modo qu’on a tout intérêt à appliquer l’approche des problèmes et la méthode de travail utilisées par les designers au milieu des affaires, surtout lorsqu’il s’agit d’innover. Ainsi, le Design Leadership va un peu plus loin, en estimant qu’il importe de combiner Design Thinking et Acting, si bien que l’idéal est d’intégrer à sa culture d’entreprise la façon de voir et la façon de faire des designers.
«Le Design Leadership ne doit pas être utilisé de manière épisodique, car sinon il ne peut pas fonctionner. Il nécessite de la planification et de l’engagement. Mieux, il faut essayer de le faire entrer dans l’ADN de votre entreprise, pour qu’un prodigieux changement de métabolisme se produise», indique Chris Bangle sur son site Web.
Pour bien comprendre ce qu’il avance, il convient de revenir sur le propre passé de M. Bangle. Au début de sa carrière de designer automobile, il s’est tout de suite fait remarquer par son design de la toute nouvelle Fiat Coupé, jugé à l’époque comme «original» et «osé». Il s’est alors fait recruter par BMW, et est devenu responsable en 1992 du design de toutes les marques du constructeur automobile allemand, à savoir BMW, Mini et Rolls-Royce. Il s’est rapidement distingue, avec le Z9 Gran Turismo, mais aussi par un projet longtemps tenu secret : Gina.
Gina est l’acronyme de Geometry and Functions In «N» Adaptations. Il découle d’un concours interne à BMW qui a débuté en 1999, où chacun était invité à présenter ce à quoi ressembleraient les automobiles de demain. Fernando Pardo, l’un des designers, a alors eu l’idée géniale, d’après M. Bangle, de remettre en question le dogme selon lequel l’habitacle des voitures doit être forcément rigide et souple à la fois (pour résister aux chocs et les atténuer), pour proposer à la place… des vêtements! Oui, et si l’on habillait à son goût sa voiture, comme l’on s’habille nous-mêmes (bien entendu, tout en respectant les critères de sécurité et d’aérodynamisme)…
L’idée a fait son chemin, et a influencé tous les projets de BMW durant les années 2000, par petites touches. C’est elle qui a d’ailleurs permis au constructeur allemand de briller, toutes ces années, par ses lignes magnifiques et ingénieuses. Un prototype en est né, dénommé Gina, servant de matière à réflexion aux designers de la boîte. Jusqu’à ce jour de 2008 où un vidéo du mystérieux véhicule a été mis en ligne sur YouTube, dévoilant le grand secret de BMW. «Il s’agissait beaucoup plus que d’un concept car, mais carrément d’une nouvelle philosophie du design», soutient-il.
Quelques mois plus tard, il a quitté BMW, et du même coup l’industrie automobile, puis a lancé en Italie sa propre société de conseil en design, ainsi qu’en créativité et en innovation. Pouquoi? Parce qu’il avait mûri les enseignements de Gina et fini par en tirer, entre autres, une nouvelle vision du Design Leadership.
«En Design Thinking, on commence par se poser la question «Pourquoi?», puis on aborde le «Comment?», et enfin de «Quoi?». C’est-à-dire l’inverse du raisonnement habituel en entreprise. Doit s’ajouter à cela l’Acting, qui vise à mettre en œuvre les ressources nécessaires pour mener à bien le projet. Ce n’est pas tout! Il faut aussi, à mon avis, faire tout cela dans le cadre d’une pensée globale, d’une philosophie si vous préférez, telle que celle qui sous-tendait Gina», dit-il lors d’une entrevue accordée au magazine Innovation Management.
Une philosophie qui peut se résumer en 5 points :
1. L’innovation, pas le dogme – il ne faut pas tenir compte des «Il faut que…», des habitudes solidement ancrées en nous qui tuent la créativité, mais plutôt du contexte dans lequel on se trouve.
2. Le changement, pas l’habitude – Les outils qu’on a l’habitude d’utiliser peuvent briser la créativité, car on s’en sert toujours de la même manière. Il est plus intéressant de changer d’outils, ne serait-ce que pour être amené à réfléchir autrement.
3. La flexibilité, pas la rigidité – Quand un sculpteur travaille, il tient compte de la matière pour réaliser son œuvre : si la pièce en bois présente un nœud, il ne peut pas l’ignorer, c’est à lui de s’y adapter. Même chose pour nous, dans notre travail quotidien, nous devons faire preuve de souplesse et nous adapter aux difficultés rencontrées.
4. L’émotion, pas la raison – Quand on est passionné, on ne compte plus ses efforts pour que nos rêves se réalisent. On se dépense sans compter. Et cela donne presque toujours des merveilles.
5. L’humain, pas la technique – L’important n’est pas l’avancée technologique ni la prouesse technique représentée par un projet, mais bel et bien ce que celui-ci peut apporter aux êtres humains.
«Cette philosophie est applicable telle quelle à toutes les sortes de défi en design, et peut très bien être déclinée dans d’autres types de projets, selon moi», souligne M. Bangle.
Un conseil, toutefois : «Si le Design Leadership vous intéresse vraiment, soyez prêts à faire beaucoup d’études et de tests avant de lancer quoi que ce soit, sinon vous allez vous planter», prévient-il, en racontant que la BMW X6, qui a été mise en marché en 2008, était née du projet dénommé Deep Blue, lequel avait vu le jour en… 1996.
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