BLOGUE. Êtes-vous d’accord pour lever un tabou? Vraiment? OK, c’est parti! Nos sociétés occidentales sont machos, terriblement machos, et nous feignons, nous autres les gars, de ne pas le voir. Nous ne voulons même pas imaginer ce que nos collègues féminines doivent supporter tous les jours au travail, oui, tous les jours de leur carrière. Les piques qui se veulent drôles, les idées reçues sur la gente féminine, les pratiques discriminatoires continuelles, et ce dans l’indifférence générale...
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J’exagère? Pas du tout! J’ai d’ailleurs trouvé le moyen de vous le faire bien comprendre, en vous invitant à vous mettre dans la peau d’une femme qui entre dans un vestiaire de joueurs de football ou de hockey. Et ce, grâce à deux témoignages poignants, qui en disent long sur ce qui se passe à notre insu dans notre propre environnement de travail, à savoir celui de Susan Tose Spencer, la seule femme à avoir dirigé une équipe de la NFL, et celui de Josée Lemieux, une coach en psychologie sportive spécialisée dans le hockey.
Commençons avec Mme Lemieux… Dans son livre Une femme dans le vestiaire des hommes, elle fait part des quelques «subtilités» auxquelles elle a déjà eu droit dans le cadre de son travail de soutien des joueurs agressifs, peu confiants, désespérés ou accablés de toutes sortes de maux. Il y a «Ton programme psychologique me tente, mais toi tu me tentes encore plus», «Combien de GHB [la drogue du viol] dans ton café?», «En toute franchise, si tu étais un gars, on te backerait», et autres «Ça doit changer de faire la vaisselle», «Tu voulais être ici? Alors assume!» et «Psychologie : c’est ça, la manière que tu as trouvée pour te pogner un gars?»…
«On a tenté à maintes reprises de me remettre à ma place, et de bien des façons. Les entraîneurs, surtout les adjoints qui supportent partiellement les joueurs au niveau psychologique, me perçoivent comme une ennemie, un parasite qui ne veut pas décoller, une voleuse de job. Ils ne comprennent pas que je complète le personnel d’entraîneurs», explique-t-elle.
«Pis, très souvent, aucun membre du personnel de l’organisation ne tolère que mon impact psychologique soit plus grand que le sien. On ne supporte pas que j’aie l’exclusivité des confidences des joueurs, alors qu’au départ, c’est pour cette raison qu’on m’a engagée. (…) Les hommes m’insultent non pas parce qu’ils le veulent, mais bien parce qu’ils croient – à tort – qu’ils le peuvent», ajoute-t-elle.
Voilà le point important. Les hommes se comportent mal – sans toujours aller jusqu’à l’insulte directe, bien entendu – envers leurs collègues féminines parce qu’ils sentent qu’ils sont dans leur bon droit. Cela ne devrait pas leur nuire, du moins pas trop parce que les sanctions sont alors minimes voire inexistantes, et cela pourrait même leur profiter, dans le cas où la victime – ou plutôt la concurrente – finit par craquer et s’écarter de son chemin.
Poursuivons maintenant avec Mme Spencer… Dans son livre Briefcase Essentials : Discover Your 12 Natural Talents for Achieving Success in a Male-Dominated Workplace, elle décrit les difficultés qu’elle a dû surmonter tout au long de sa carrière, que ce soit dans la confection de vêtements de sport à la distribution alimentaire, en passant par la direction d’une équipe de la NFL, celle des Eagles de Philadelphie, en Pennsylvanie.
«Les partisans de Philly sont durs. Très durs. D’ailleurs, quand vous prenez un milieu macho, 100% masculin, stéréotypé comme le football, et quand vous y envoyez une femme qui dit «OK, maintenant, c’est moi qui prends les choses en mains», vous pouvez être certain que ça va mal se passer. La colère des partisans éclatait en moins de deux. Chaque match perdu était de ma faute. Chaque petit revers, c’était encore de ma faute. S’offrent alors à vous deux possibilités : vous accrocher ou décrocher. Moi, j’ai tenu, envers et contre tous», raconte-t-elle dans une entrevue accordée à la Wharton University of Pennsylvania.
Le propriétaire des Eagles était à cette époque-là Leonard Tose, son père. «Un père typique de sa génération : il considérait que la place des femmes était au foyer. Il voulait des garçons, il a eu deux filles», résume-t-elle.
L’attitude du paternel a déclenché chez elle l’envie de briller à ses yeux, de lui montrer ce qu’une fille est capable de faire. Elle s’est lancée dans les affaires durant une quinzaine d’années, puis elle est venue à Philadelphie, où elle s’est mise à revoir son père sur une base régulière. Là, elle n’a pu s’empêcher de lui demander comment il se faisait que les Eagles étaient toujours déficitaires, année après année. Elle s’est plongée dans la comptabilité et a découvert que son père payait une fortune à son partenaire d’affaires, si bien qu’elle s’est proposée de le remplacer, pour nettement moins. Il a accepté.
Et elle a fait sa place, en n’acceptant pas de se laisser marcher sur les pieds. Par exemple, quand un homme lui a dit qu’il admirait les femmes parce qu’elles sont capables, elles, de faire du multi-tâches («Elles peuvent nourrir le bébé tout en préparant le repas et en parlant au téléphone»), son sang n’a fait qu’un tour : «Oui, les femmes peuvent faire plein de choses à la fois, c’est vrai. Mais certainement pas que ce cliché du bébé, de la bouffe et du blah-blah!», lui a-t-elle rétorqué, en le regardant comme un arriéré.
On le voit bien, la vie des femmes au travail n’a rien de simple. Les bâtons fusent de toutes parts dans leurs roues. Comment faire pour progresser malgré tout? Les deux femmes se rejoignent sur plusieurs points pour répondre à cette interrogation, mais un de ceux-ci a attiré mon attention : l’idée d’agir comme un outsider.
Un outsider? Oui, car cela peut permettre de manœuvrer en territoire hostile, l’air de rien, sans trop éveiller les soupçons des prédateurs, du moins au départ. «Agir de la sorte me paraît logique, pour une femme évoluant dans un milieu professionnel très masculin, considère Mme Spencer. Quand j’ai commencé à travailler dans le secteur de la distribution de la viande, je me suis mise à poser des questions. Tout le temps, à tout le monde. Je questionnais tout, comme un petit enfant qui découvre quelque chose de terriblement excitant. J’ai ainsi obtenu des réponses très enrichissantes. Les hommes ont pris le temps de me répondre. Et ce, jusqu’à ce que je me sois sentie assez à l’aise pour prendre des décisions éclairées.»
Asticieux, non? Pensez-vous que ce soit applicable dans votre cas? Et vous, messieurs, pensez-vous saisir un peu mieux la réalité du quotidien de vos collègues féminines? Souvenez-vous, en tous cas, de ce que disait l’écrivain français Sébastien Roch Nicolas, dit Chamfort, déjà à la fin du 18e siècle : «Quelque mal qu’un homme puisse penser des femmes, il n’y a pas de femme qui n’en pense encore plus mal que lui»…
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