BLOGUE. Bill George, professeur en management à Harvard, m’a envoyé hier via Facebook un lien on ne peut plus intéressant : un article du New York Times qui résume le contenu du tout nouveau livre d’Adam Bryant, The Corner Office : Indispensable and Unexpected Lessons From CEOs on How to Lead and Succeed. S’y trouvent les 5 caractéristiques des grands leaders d’entreprise, découvertes après l’analyse par l’auteur des quelques 70 entrevues qu’il a affectuées pour le quotidien américain dans le cadre de sa rubrique hebdomadaire «The Corner Office».
Découvrez mes précédents posts
Et beaucoup d’autres articles management sur Facebook
Quelles sont ces caractéristiques? Il s’agit de : la curiosité, l’überconfiance, l’esprit d’équipe, l’efficacité et la bravoure. «La bonne nouvelle, c’est qu’il n’y a là rien de génétique. Pas besoin d’être grand de taille, d’avoir les yeux bleus, ou bien d’être gaucher. Non, ces qualités peuvent être développées au fil des ans, et avec elles, votre carrière, que vous soyez un employé ou un cadre de direction, et ce quel que soit le domaine dans lequel vous travaillez», soutient M. Bryant.
1. La curiosité
Un vilain défaut? Pas quand on a la prétention de devenir un grand leader. Au contraire, c’est un incontournable. C’est du moins ce que considère Alan Mulally, le PDG de Ford, dans son entrevue accordée au New York Times : «On apprend toujours des autres. Moi, j’ai toujours voulu tout savoir, en particulier ce qu’ont en tête ceux avec qui je travaille. Par exemple, j’aime leur demander pourquoi ils pensent telle ou telle chose, pourquoi ils croient que leur idée est la bonne, et inversement pourquoi telle autre idée est vouée à l’échec, etc.».
La curiosité doit ainsi être une véritable passion, voire une manière de vivre. «C’est une qualité indispensable, quel que soit votre job. Un bon leader doit être allumé par ce qui l’environne, il doit être vif d’esprit et toujours chercher à en savoir plus», dit Nell Minow, le cofondateur de Corporate Library.
On considère généralement que les PDG sont payés pour trouver la réponse adéquate aux problèmes rencontrés, mais en réalité, leur plus grande contribution à l’entreprise est de savoir poser les bonnes questions. Les meilleurs d’entre eux ont conscience qu’ils n’ont pas réponse à tout, et pour pouvoir emmener les autres dans la bonne direction, il leur faut interroger tous ceux qui en savent plus qu’eux dans chacun des domaines dans lequel évolue l’entreprise. Oui, il leur faut chercher des renseignements et des avis dans leur entourage proche comme à l’externe (consultants, conseillers, etc.), afin d’enrichir leur réflexion, et par suite leurs décisions. «Le mieux que vous puissiez faire, c’est de remettre en question l’orthodoxie qui prévaut dans votre entreprise. Bousculez les habitudes, il s’ensuivra immanquablement des progrès», estime, quant à lui, Andrew Cosslett, le PDG des Hôtels InterContinental.
Un truc pour poser des questions pertinentes : imaginez que vous êtes un enfant de 5 ans intéressé par un sujet tout nouveau pour lui, et donc forcément très intéressant ; n’hésitez pas à y aller d’une franche naïveté, et à demander aux autres de vous décortiquer leur point de vue comme si vous n’y connaissiez absolument rien.
2. L’überconfiance
L’überconfiance? C’est l’excès de confiance en soi, qui peut se révéler un grand atout dans des situations données, notamment lorsqu’il s’agit d’innover ou quand il faut faire face à une situation de crise. Cette qualité est difficile à appréhender, car sa définition est relativement floue.
Toutefois, il est possible de savoir si on l’a en soi ou pas, en se souvenant de la manière dont on a agi lors de notre dernier échec : soyez honnête, et dîtes-vous maintenant franchement si, en réfléchissant aux raisons de l’échec, vous vous êtes dit que vous aviez une part dans celui-ci, ou bien si vous avez cherché à faire porter le chapeau à des «circonstances exceptionnelles», voire à des «collègues incompétents»…
«En entretien d’embauche, je demande systématiquement aux candidats les plus intéressants comment ils se sont comportés lors de leur dernier ratage professionnel. Je sais que je suis en face d’une personne qui a l’étoffe d’un grand leader quand je vois celle-ci jubiler en me racontant combien le défi était difficile à relever et comment il a suffi d’un rien pour que tout capote, mais surtout d’un rien qui découle en partie d’une erreur qui leur est propre. Je sais que cette personne a retiré quelque chose de son erreur, et que cela ne se reproduira plus», dit Jen-Hsun Huang, cofondateur et PDG de Nvidia.
L’idée ici, c’est que ceux qui sont überconfiants n’ont pas peur de partager avec les autres les enseignements de leurs échecs. Bien au contraire. Ils savent que leur ego n’a pas à en être blessé – qui ne tente rien n’échoue jamais -, et que leur image auprès des autres n’en sera que meilleure, car plus humaine.
3. L’esprit d’équipe
Les grands leaders ne sont pas de simples chefs d’équipe. Non, ils comprennent le fonctionnement intrinsèque d’une équipe, savent en déceler les forces et les faiblesses, et par suite en tirer le maximum possible. En fait, plus que l’esprit d’équipe, ils ont l’intelligence du jeu, un peu comme l’avaient en soccer Éric Cantona, ou encore Zinedine Zidane.
«Sur le terrain, il y a des personnes en qui vous avez entière confiance, au point de les croire infaillibles, à l’image de demi-dieux. Le jeu se fait en fonction d’eux. Chacun agit en fonction d’eux. Ceux-là le savent et en profitent pour jouer mieux que tout le monde», dit Mark Pincus, le PDG de Zynga Game Network, en soulignant qu’il a tout appris en matière de leadership en jouant les fins de semaine au soccer.
L’important alors est d’avoir une «vision périphérique». De quoi s’agit-il? D’une sorte de sixième sens qui permet au leader d’anticiper ce qui va se produire à partir de signaux indicateurs infimes, qui échappent à la plupart d’entre nous. Un muscle qui tressaille chez l’adversaire, qui indique qu’il va se lancer avec la balle vers la gauche. Un mouvement simultané de deux ou trois joueurs adverses d’un même côté du terrain, signe d’une attaque en vue. Une erreur de placement d’un joueur, révélatrice d’une faille dans la défense adverse. Tout cela, les grands leaders le voient avant les autres et en tirent profit.
4. L’efficacité
La plupart des PDG attendent la même chose de leur entourage : d’être concis dans leurs présentations. Ils ont besoin d’informations, pas de justifications alambiquées. Le hic? Très peu d’entre nous en sont capables.
Du coup, Steven Ballmer, le PDG de Microsoft, a bouleversé le déroulement habituel des réunions de travail. «Auparavant, chacun préparait dans son coin sa présentation, puis la présentait aux autres lors d’une réunion, puis une discussion s’ensuivait, sans direction précise. Maintenant, je demande à chacun de m’envoyer sa présentation à l’avance, afin que je puisse m’en imprégner, puis, je commence la réunion avec mes questions. C’est nettement plus efficace», soutient-il.
Cette méthode originale a changé les habitudes : les présentations sont beaucoup plus travaillées, et forcément plus simples, car personne ne veut faire perdre son temps au PDG de Microsoft. Plusieurs trucs existent pour aller à l’essentiel : par exemple, faites l’exercice de résumer votre propos en une seule phrase de 10 mots maximum, pas un de plus (c’est difficile, je sais, mais payant, je vous le promets!).
5. La bravoure
La bravoure, c’est aimer être hors de sa zone de confort, c’est avoir le goût de l’aventure, c’est apprécier prendre des risques, c’est prendre un virage à 180 degrés dans sa carrière. Ce n’est surtout pas rester droit dans ses bottes en pleine adversité, pas plus que de rester fièrement à bord d’un bateau qui coule, par sens du devoir.
«Les braves sont ceux qui voient des opportunités partout, en particulier dans la tourmente. Ils ont alors assez de lucidité pour tenter d’agir adéquatement, là où d’autres baisseraient simplement les bras. Et ce sont aussi ceux qui ont le courage de remettre en question le succès actuel, car ils veulent sans cesse progresser, et donc pensent plus à l’avenir qu’au passé», dit Ursula Burns, la PDG de Xerox.
C’est bien simple, la bravoure est l’une des qualités les plus recherchées lors des entretiens d’embauche menées par les leaders rencontrés par Adam Bryant. Car sans elle, les quatre autres ne peuvent mener bien loin.
Ce qui me fait songer à cette pensée bien connue de Cicéron : «L’arbre est deux fois plus utile que les fruits»…
Découvrez mes précédents posts