BLOGUE. Et si je lançais un pavé dans la mare, ça vous amuserait? Chiche! Le voici : quand l'enjeu est de taille, les femmes ont plus l’esprit de compétition que les hommes.
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Ah! Je devine d'ici vos oreilles qui rougissent sous le coup de l’indignation (ou du contentement…) et vos neurones tourbillonner en tous sens, en train de chercher des exemples et des contre-exemples. Par exemple, quand il s’agit de décrocher une promotion, les gars sont plus efficaces, et donc plus compétitifs, que les filles. Tous sports confondus, ou presque, il y a plus d’équipes de gars que de filles, signe que les hommes aiment plus la compétition que les femmes. Certes, mais quand on regarde la féroce course aux diplômes universitaires, on note que les filles sont nettement meilleures que les gars. Et puis, dans les compétitions sportives, les participantes veulent tout autant gagner la médaille d’or que les gars, autre signe que les filles aiment se frotter à l’adversité.
Alors? Pourquoi puis-je me permettre d’avancer qu’en réalité les femmes ont, en général, plus l’esprit de compétition que les hommes? Tout simplement parce que j’ai mis la main sur une étude palpitante à ce sujet, qui prend avec brio le contre-pied de nos préjugés machistes…
Cette étude est intitulée Tiger women of chinese universities : An all-pay auction experiment on gender signaling of desire to win. Elle est signée par David Ong, professeur d’économie à la HSBC Business School de la Peking University, et Chen (Charlie) Zhuoqiong, étudiant à la même école de commerce. Elle montre – même si ses résultats sont préliminaires – que les femmes aiment gagner, oui, qu’elles aiment terriblement gagner, et même plus que les hommes…
Ainsi, les deux chercheurs ont procédé à une expérience révélatrice auprès de 582 étudiants – tant des hommes que des femmes – issus de trois grandes universités chinoises. Le principe était très simple. Chaque participant était invité à rester dans la salle de cours dix minutes de plus et, peut-être, à empocher une somme d'argent intéressante. Chacun recevait alors une enveloppe dans laquelle se trouvaient des instructions et un formulaire.
Il s’agissait d’une sorte de jeu de pari. Chaque participant était averti qu’il était mis en compétition avec un autre présent dans la même salle que lui, sans qu’il sache de qui il s’agissait au juste (parfois, un détail était fourni à son sujet, en haut à droite du formulaire, histoire de voir si ce détail influençait ou non le comportement du participant ; par exemple, le fait que son adversaire était un homme ou une femme). Il disposait d’une somme de 10 yuans (pour information, un professeur auxiliaire gagne en moyenne entre 10 et 15 yuans par journée de travail) et devait indiquer sur le formulaire la somme qu’il misait pour battre l’autre. La règle était on ne peut plus simple : celui qui misait la plus forte somme était déclaré vainqueur et empochait ce qui lui restait de son montant de départ, plus un extra de 10 yuans. (En cas d’égalité des paris, les deux se partageaient l’extra de 10 yuans, ainsi que ce qui restait de leur montant de départ.) Chaque participant avait quelques minutes pour réfléchir, puis devait indiquer le montant de sa mise sur le formulaire.
Résultat? Passionnant! Si, si… Les femmes ont parié beaucoup plus gros que les hommes. «Nous considérons que le fait de miser une grosse somme est révélateur d’un désir de gagner. Et nous entendons par «désir de gagner» l’étape supérieure à celle de la simple «volonté de gagner», que nous avons tous plus ou moins quand nous jouons à un jeu ou participons à une compétition sportive», indiquent les deux chercheurs chinois dans leur étude.
Le désir de gagner, c’est quand on veut à tout prix l’emporter sur les autres, c’est quand on est disposé à se battre bec et ongles pour surpasser ses adversaires, c’est quand rien – absolument rien – ne compte plus que la victoire. C’est ce qui distingue le champion du sportif. C’est ce petit plus qui fait toute la différence dès lors qu’il est question de vaincre ou perdre.
Bien entendu, MM. Ong et Zhuoqiong ne se sont pas contentés des résultats bruts, en comparant les mises des hommes et des femmes. Loin de là. Ils ont été les premiers étonnés par leur trouvaille et, de peur d’avoir commis une bourde quelque part, ont scruté à la loupe toutes les données de leur expérience. Ils ont, entre autres, regardé si d’autres facteurs pouvaient expliquer un tel résultat, comme la possibilité que des étudiants d’une université aient plus l’esprit de compétition que ceux des autres. Ils ont également effectué différents calculs économétriques pour vérifier la solidité de leur méthodologie. Et à force de creuser, ils ont fait une autre découverte!
En effet, ils ont constaté que hommes comme femmes pariaient plus gros quand ils savaient qu’ils étaient en compétition contre une femme que contre un homme. C’est-à-dire que leur désir de gagner semblait exacerbé par le simple fait de savoir que leur adversaire était une femme. Impressionnant, n’est-ce pas? Auriez-vous cru cela possible avant cette étude? Pas sûr…
Les deux chercheurs chinois se sont mis à gamberger, songeurs qu’ils étaient face à cette nouvelle trouvaille contre-intuitive. Et des exemples tirés du quotidien leur sont venus en tête : dans le film Le Diable s’habille en Prada (2006), on assiste à la lutte sans merci entre deux femmes ambitieuses, jouées par Meryl Streep et Anne Hathaway ; dans Lolita malgré moi (Mean Girls, 2005), dont l’une des vedettes est Lindsay Lohan, des lycéennes rivalisent de méchanceté pour supplanter les autres ; et dans la télésérie Rome de HBO, où sévissent deux manipulatrices immorales, Atia, la nièce de César, et Servilia, la mère de Brutus et l’amante de César, ennemie jurée d’Atia.
Ce n’est pas tout. Il leur est aussi revenu en mémoire un documentaire de PBS intitulé Heart of the Dragon, dans lequel on voyait une dispute familiale monumentale en Chine, où les hommes s’en envoyaient des vertes et des pas mûres dans l’espoir de pulvériser les arguments des autres, pendant que les femmes se taisaient, comme tétanisées par tant de violence verbale. Toute la subtilité résidait dans les images des femmes prises sans qu’elles s’en rendent compte. Pendant que les hommes rivalisaient de testostérone, elles, elles s’envoyaient les unes les autres, en cachette, des coups d’œil tantôt assassins, tantôt complices. Et le spectateur comprenait que les hommes, dans le fond, n’étaient que les marionnettes de leurs épouses respectives, qui réglaient ainsi des comptes entre elles sans rien dire! Comme quoi, les plus agressifs n’étaient pas ceux que l’on croyait a priori…
Et l'évidence a sauté aux yeux de MM. Ong et Zhuoqiong : en Chine, on considère les mères comme des tigresses, tant elles peuvent faire preuve de furie dès qu'il s'agit de leur enfant. D'ailleurs, nombre d'étudiants leur ont confié, après l'expérience, que la personne de leur famille qui suivait vraiment de près leurs résultats scolaires était… leur mère. Oui, la personne qui les poussait à réussir, pour ne pas dire à faire mieux que les autres, était une femme.
En passant, le dramaturge latin Plaute a écrit : «Il y a des moments où il vaut mieux perdre que gagner»…
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