Avec la génération Y – comprendre les 18-35 ans – qui arrive en force sur le marché de l’emploi, on peut naturellement s’attendre à des changements en milieu de travail. Car, dit-on, ils ont d’autres valeurs que celles des baby-boomers, à savoir ceux qui partent massivement à la retraite, ces temps-ci : par exemple, nous avons tous lu, ici et là, qu’ils prisaient davantage la technologie que les générations précédentes, ou encore qu’ils ne trippaient pas franchement sur la fidélité envers leur employeur. Mais voilà, tout cela est-il si vrai que ça ? Va-t-on véritablement vivre un bouleversement dans notre quotidien au travail ?
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Difficile à dire, pensez-vous sûrement. Pourtant, j’ai réussi à mettre la main sur une réponse qui me semble fort intéressante. Elle est signée Deloitte. Et elle découle d’un sondage que le cabinet-conseil a mené auprès de 502 employés canadiens, dont les résultats – saisissants – sont présentés dans une étude intitulée L’avenir du travail – guide de réorientation.
L’objet de cette étude était simple : identifier les différences entre la génération Y et les autres générations concernant le travail. Les différences significatives, au point d’avoir le potentiel d’entraîner une modification dans la façon de travailler au sein d’une entreprise. Voici l’essentiel de ce qui en ressort :
Qu’est-ce qui fait rêver les Y ?
➢ Travailler pour une entreprise reconnue pour l’excellence de ce qu’elle offre ou produit (69%) ;
➢ Nouer des liens serrés avec leurs collègues (65%) ;
➢ Travailler pour une entreprise capable de changer les choses (58%).
Autrement dit, la grande majorité des Y souhaite avant tout œuvrer au sein d’une entreprise à la fois humaine et à la hauteur de ses ambitions.
Qu’en est-il de la réalité actuelle ?
➢ Là où je suis, je crée de la valeur (62%) ;
➢ Je me sens lié à mes collègues (62%) ;
➢ Je travaille pour une entreprise reconnue pour l’excellence de ce qu’elle offre ou produit (56%) ;
➢ Mon entreprise est capable de changer les choses (47%).
Par conséquent, la plupart des Y trouvent aujourd’hui leur compte sur le plan humain dans l’entreprise dans laquelle ils évoluent, mais n’ont pas le sentiment d’être au sein d’une entreprise trippante.
Qu’est-ce qui ne va pas, au juste ?
La question est directe, mais elle s’impose. Car si une entreprise entend perdurer, il lui faut inévitablement trouver les arguments nécessaires à la rétention des jeunes employés bourrés de talent. C’est évident. Voici, donc, ce qui ne va pas aux yeux des Y :
➢ Seulement 37% des Y considèrent que leur entreprise offre ou produit quelque chose qui a de la valeur ;
➢ Seulement 37% des Y pensent que leur entreprise a une conscience sociale ;
➢ Seulement 39% des Y estiment que leur entreprise est à l’écoute de leurs besoins professionnels ;
➢ Seulement 44% des Y trouvent leur lieu de travail agréable.
C’est clair. La plupart des Y ne saisissent pas le sens de leur travail, ce qui est dramatique à tous points de vue (motivation, productivité, etc.). Ils trouvent que l’ambiance de travail est nulle. Et ils se sentent incompris de leurs bosses. CQFD.
OK, mais alors que faudrait-il améliorer concrètement ?
Pour s’en faire une idée, Karen Pastakia et Stephen Harrington, les auteurs de l’étude, se sont penché sur le quotidien des Y au travail. En particulier sur les moyens utilisés pour communiquer avec les autres – la communication est le socle de l’efficacité au travail –, et ont traqué les différences notables avec les autres générations. Une approche, comme vous allez le voir, qui leur a permis de faire de belles trouvailles :
➢ Au bureau. Les Y adorent discuter avec leurs collègues pendant le lunch (50%) et lors de rencontres décontractées, non planifiées (50%). En revanche, les autres générations prisent davantage les réunions planifiées (55%).
➢ En dehors du bureau. Les Y raffolent des activités d’équipe à l’extérieur du bureau (20%), en comparaison avec les autres générations (12%). Et de manière générale, toute sorte de rencontre à l’extérieur (18%), contrairement aux autres générations (11%).
En conséquence, nombre de Y prisent la spontanéité et la décontraction, ce qui est loin d’être le cas des autres générations. Ils préfèrent les réunions à l’improviste aux réunions planifiées, et «ils tiennent moins au respect de méthodes strictes et de la hiérarchie», indique l’étude de Deloitte.
Ce n’est pas tout :
➢ Rencontres non virtuelles. 43% des Y préfèrent les rencontres en personne à toutes les autres formes de rencontre (téléphone, vidéoconférence, etc.), alors que ce n’est le cas que de 31% des autres générations.
➢ Rencontres virtuelles. 39% des Y préfèrent communiquer à l’aide de courriels, alors que ce n’est le cas que de 30% des autres générations. Pour eux, les messageries instantanées et autres textos ne présentent guère d’intérêt pour communiquer avec des collègues.
«Même si les Y semblent avoir les yeux rivés en permanence à un écran, cela ne les empêche pas de saisir que l’utilisation de différents canaux de communication permettent d’atteindre des objectifs différents. Comme quoi, nous sommes encore et toujours des animaux sociaux, qui privilégient le contact direct à toute autre forme de contact», indiquent Mme Pastakia et M. Harrington dans leur étude.
Que retenir de tout cela ? Trois tendances appelées à changer demain notre quotidien au travail, d’après l’étude de Deloitte :
1. Un univers ultratechnologique
D’ores et déjà, 58% des Y effectuent toutes leurs recherches sur Internet (seulement 36% chez les autres générations) et 41% des Y vérifient «constamment» s’ils ont reçu de nouveaux messages sur leur cellulaire (seulement 24% chez les autres générations). C’est dire si la technologie est partie intégrante du quotidien de la relève !
«Les Y sont nettement plus enclins à compter sur la technologie et à en dépendre que les autres générations, ce qui était prévisible. Et ce qui signifie que la manière dont le travail est conçu, exécuté et évalué va nécessairement se transformer», avance l’étude, en soulignant que les changements en question dépendront de chaque entreprise, en fonction de l’importance que chacune donnera aux lignes directrices à suivre pour évoluer dans le bon sens.
2. Un univers personnalisé
L’avènement des médias sociaux au sein de l’entreprise est une illustration criante des changements à venir dans le quotidien au travail. Un changement qui résulte, en grande partie, de l’arrivée croissante de personnes issues de la génération Y. Bien. Mais Facebook et autres Twitter sont-ils susceptibles de modifier carrément nos petites habitudes au travail ? La réponse est «oui», sans l’ombre d’un doute.
Prenons le cas des sujets de discussion au bureau. Mme Pastakia et M. Harrington ont noté que les Y sont nettement moins réticents à divulguer des informations confidentielles à leur sujet sur les médias sociaux que les autres. Et surtout, que cela se retrouve également sur le lieu de travail. Quelques exemples :
➢ 37% des Y abordent fréquemment le sujet de leurs projets de fin de semaine (seulement 26% chez les autres générations) ;
➢ 29% aiment parler de l’actualité (22% chez les autres générations) ;
➢ 15% n’hésitent pas à parler souvent de leur vie sentimentale (seulement 5% des autres générations).
À l’avenir, les sujets de discussion au bureau vont s’orienter de plus en plus vers des sujets personnels, pour ne pas dire intimes. Et par suite, il va être plus important d’affirmer sa personnalité que de se contenter – comme on le voit si souvent aujourd’hui – d’échanger des informations finalement quelconques et redondantes sur notre vie à l’extérieur du bureau. Bref, le bureau va devenir un lieu où chacun cherchera avant tout à exprimer sa personnalité, et donc, un lieu nettement plus humain qu’il ne l’est actuellement.
3. Un univers de connexions
Certains affirment sans sourciller que l’avenir appartient au télétravail. Et s’appuient sur nombre d’études pour pouvoir se montrer aussi affirmatifs. Mais combien d’études ont demandé ce qu’il en était aux principaux intéressés, à savoir les Y ? Heureusement, l’étude de Deloitte y a pensé, et a ainsi mis au jour une véritable bombe :
➢ À la question du lieu idéal pour travailler, 54% des Y ont dit… dans un bureau fermé ! Et seulement 14% dans un espace à aire ouverte (dépourvue de murs) et 11% à domicile.
Comment expliquer un tel rejet des aires ouvertes et du télétravail, alors que tout le monde semble trouver ceux-ci si trendy ? C’est vraisemblablement parce que ceux-ci brisent plus qu’autre chose les connexions avec les autres. De fait, quand on travaille chez soi, tout contact direct avec les collègues et les clients est impossible ; la seule connexion possible est virtuelle. Et quand on travaille dans un espace à aire ouverte, eh bien, on se met à moins parler avec autrui tout bonnement parce qu’on a peur de déranger tous les autres (notez, pour vous en convaincre, le nombre d’employés qui oeuvrent dès lors avec des écouteurs rivés en permanence aux oreilles pour pouvoir se concentrer sur leur travail, et s’enferment de la sorte dans une bulle virtuelle qui coupe toute communication avec les autres!).
On le voit bien, les Y prisent les espaces de travail où il y a des bureaux fermés parce qu’ils peuvent à la fois être productifs et connectés aux autres. Ce qu’ils désirent, c’est bel et bien la possibilité d’enrichir constamment leur réseau de connexions, via les interactions sociales et le travail d’équipe.
Voilà. Vous en savez maintenant un peu plus sur les attentes des Y à votre égard. Il ne vous reste plus qu’à agir en conséquence, si vous voulez vraiment vous doter d’une relève digne de ce nom.
En passant, le poète français Jean Cocteau a dit dans La Difficulté d’être : «La jeunesse sait ce qu’elle ne veut pas avant de savoir ce qu’elle veut».
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