BLOGUE. Bon, soyons francs, vous comme moi, il nous arrive de prendre un break au bureau. En douce. Et bien souvent, celui-ci se traduit par du temps passé à naviguer sur le Web, sans but précis, juste pour nous changer les idées. Pas vrai?
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Un poil de culpabilité nous taraude toujours à ce moment précis, et nous nous posons – sans trop tenir à y répondre – des interrogations du genre : «Ce temps que je m'accorde à moi-même nuit-il à la qualité de mon travail? Plus précisément, m'empêche-t-il de faire des choses essentielles à mon travail?» Certains diront qu'un temps de pause n'est jamais du temps de perdu, car notre corps et notre cerveau en ont besoin et nous forcent quasiment à lever le pied quelques minutes durant. D'autres diront, au contraire, qu'il nous faut combattre sans relâche notre tendance naturelle à la procrastination. Blah blah blah. Bref, qu'il est impossible de trancher.
Et pourtant, si. Il est tout à fait possible de trancher. Grâce à une étude intitulée What are we not doing when we're online, signée par Scott Wallsten, vice-président, recherche, du think tank américain Technology Policy Institute.
Le chercheur s'est plongé dans une base de données fascinante, celle de l'American Time Use Survey, qui permet à l'US Bureau of Labor Statistics et à l'US Census de savoir exactement ce que font les Américains de leurs journées. Une base de données qui permet, entre autres, de découvrir que leurs trois activités principales sont, respectivement : soins personnels, dont le sommeil (en moyenne 565 minutes par jour); loisirs (270 minutes); et travail (208 minutes)?
M. Wallsten s'est intéressé à une donnée particulière, à savoir le temps que nous passons sur le Web pour nos loisirs, et nos loisirs seuls (pas celui consacré à la consultation de nos courriels, ou encore à la lecture de journaux en ligne, par exemple). Un temps qui va croissant d'année en année : il était de 8 minutes par jour en 2007 et de 13 minutes en 2011.
Et là, le chercheur a regardé cette donnée d'un regard neuf et original. Contrairement à ce que font d'habitude nombre d'experts, il ne s'est pas demandé quel était l'impact de ce temps-là sur notre vie, tant en ligne que hors-ligne (ex.: «Le temps passé à se distraire en ligne nuit-il, ou pas, à l'efficacité des étudiants à faire leurs devoirs?»). Non, il s'est plutôt demandé quel était son "coût en potentialités". C'est-à-dire quelles étaient les activités que nous aurions faites si nous n'avions pas passé ce temps à nous amuser en ligne.
Résultats? Pour chaque minute passée à nous distraire en ligne, nous :
> Sortons moins dehors (fêtes entre amis, sorties culturelles, etc.) (0,31 minute);
> Regardons moins la télévision (0,15 minute);
> Vivons moins avec notre entourage (0,05 minute);
> Réfléchissons moins (de manière abstraite) (0,04 minute).
Ce n'est pas tout. De surcroît, nous :
> Travaillons moins (0,27 minute);
> Dormons moins (0,12 minute);
> Voyageons moins (0,10 minute);
> Faisons moins de tâches ménagères (0,07 minute);
> Étudions moins (0,06 minute).
Autrement dit, se distraire en ligne au bureau présente un réel coût pour notre travail :
> Coût direct. Un coût direct évalué à la perte d'environ 4 minutes de travail par jour, soit de quelque 2 heures par mois.
> Coût indirect. Un coût indirect évalué à la perte de périodes de temps utiles à notre efficacité au travail. Comme le temps qu'on partage avec nos collègues, à réfléchir de manière abstraite et à enrichir nos connaissances. Un coût indirect que l'étude n'estime pas pour le temps passé spécifiquement au bureau, mais qui doit tout de même correspondre à une poignée d'heures par mois.
Ce petit moment de distraction que nous nous offrons, ici et là, durant nos journées de travail, présentent donc un coût caché. Oui, un coût que l'on ne soupçonne pas. Ce qui me fait penser, d'ailleurs, à un autre fait, mis en évidence par mon amie Facebook Noreena Hertz, une brillante économiste britannique, dans son dernier livre Eyes wide open – How to make smart decisions in a confusing world : chaque fois que nous consultons notre boîte de courriels, cela nous prend en moyenne 22 minutes pour retrouver le niveau de concentration que nous avions juste auparavant. 22 minutes! Qui aurait avancé un tel chiffre? Hein?
Maintenant, que retenir de tout cela? Qu'il convient de nous distraire moins souvent en ligne au bureau? De travailler sans relâche, minute après minute? Et ce, même si notre corps et notre cerveau n'en peuvent plus? Bien sûr que non!
En fait, c'est très simple. Il ne faut surtout pas s'empêcher de prendre un break, lorsque nous en ressentons vraiment le besoin. Car c'est là une nécessité vitale, si l'on veut éviter le burnout. Le truc, c'est tout bonnement de prendre une pause autrement. Par exemple :
> Hors-ligne. Vous pouvez décider d'arrêter de travailler pendant 5, 10 ou 15 minutes, mais à condition de ne rien faire en ligne tout ce temps-là. Vous pouvez, entre autres, aller marcher dehors. Ça vous changera certainement les idées.
> Compensation. Vous pouvez aussi céder à la tentation de vous distraire en ligne quelques minutes durant, mais à condition de dédier juste après le même temps à une activité importante sur laquelle vous avez ainsi empiété. Vous pouvez, entre autres, consacrer un quart d'heure à l'un de vos collègues, en lui proposant de lui rendre un service ou bien de parler avec lui d'un sujet que vous ne prenez jamais le temps de discuter avec qui que ce soit.
En passant, l'essayiste français Jean-Paul Galibert a dit dans Socrate – Une philosophie du dénuement : «Le bien n'est pas différent de l'utile».
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