Nous aimons tous nous sentir à l'aise. À l'aise dans notre travail, à l'aise dans notre attitude, à l'aise dans notre tenue. Car nous sommes dès lors authentiques, c'est-à-dire nous-mêmes. Et ça, ça nous fait un bien fou. Pas vrai?
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Mais voilà, il y a toujours autour de nous un nombre considérable de contraintes qui nous en empêchent. Surtout au travail : on ne doit pas s'habiller au bureau comme on s'habille à la maison; on ne doit pas être aussi relax avec ses clients qu'on l'est avec ses chums; etc.
Du coup, il nous faut nous plier à tout un tas de règles et de conventions, aussi absurdes soient-elles. Et être faux, par voie de conséquence. Un exemple frappant, qui me fait sourire à chaque fois : combien d'hommes d'affaires portent, été comme hiver, le même type de costume – avec la cravate qui les étrangle à moitié -, envoyant ainsi le signal qu'ils sont incapables de s'adapter à la situation (l'été, quand il fait chaud, on voit les traces de sueur sous leurs aisselles, et l'hiver, quand il gèle, ils filent à grands pas dans la rue pour ne pas tomber malade)? Vous voyez bien…
La question saute aux yeux : cette fausseté imposée par les conventions nuit-elle à la performance des uns et des autres? Oui, nous empêche-t-elle de briller au bureau comme on le pourrait si l'on pouvait plus être nous-mêmes?
Tenez-vous bien, la réponse à cette interrogation existentielle, je l'ai trouvée! Dans une étude intitulée Free to choose: Promoting conservation by relaxing outdoor watering restrictions. Laquelle est signée par : Anita Castledine, économiste au Public Utilities Council du Nevada (États-Unis); Klaus Moeltner, professeur d'économie à Virginia Tech (États-Unis); Michael Price, professeur d'économie à l'Université d'État de Géorgie à Atlanta (États-Unis); et Shawn Stoddard, planificateur à la Truckee Meadows Water Authority (TMWA) à Reno (États-Unis).
Les quatre chercheurs voulaient identifier la meilleure manière de s'y prendre, pour les autorités américaines, pour éviter toute pénurie d'eau durant l'été. C'est que les mesures de restriction d'utilisation de l'eau ne sont pas les mêmes partout : parfois, il est interdit d'arroser sa pelouse un jour par semaine; parfois, il est interdit d'arroser le matin et le soir, deux ou trois jours par semaines; etc.
Pour ce faire, ils ont analysé les données de la TMWA, l'organisme responsable de la gestion de l'eau dans la région métropolitaine Reno-Sparks du Nevada. Plus précisément, les données des étés 2008 et 2010, car les restrictions n'avaient pas été alors les mêmes : en 2008, il n'était autorisé d'arroser que deux jours prédéterminés par semaine; deux années plus tard, la règle avait été assouplie et il avait été ajouté un troisième jour d'arrosage par semaine, que chacun pouvait choisir à sa guise.
À première vue, les règles imposées ont bel et bien permis de diminuer la consommation globale d'eau de la population. Néanmoins, un détail a attiré l'attention des quatre chercheurs :
> De curieuses différences. D'une part, la consommation hebdomadaire d'eau était en moyenne plus élevée en 2008 qu'en 2010; une différence de l'ordre de 20-25%. D'autre part, les pics de consommation étaient, eux aussi, plus élevés en 2008 que deux années plus tard; une différence de 30-40%.
Comment expliquer cela? Mme Castledine ainsi que MM. Moeltner, Price et Stoddard ont concocté un modèle de calcul économétrique visant à y voir plus clair. Ce qui leur a permis de faire une belle trouvaille :
> Des excès dus à la privation forcée. La différence s'expliquait pour une raison toute bête, à savoir qu'elle venait de l'assouplissement des restrictions apporté en 2010. Le simple fait de pouvoir arroser un troisième jour, le jour de son choix, a changé le comportement des gens. Dès lors, chacun a arrêté de surconsommer l'eau le lendemain de chaque journée de restriction imposée : les pics correspondaient justement à ces journées-là. Bref, c'était comme si la privation forcée entraînait l'excès aussitôt après.
Que dégager comme enseignement de tout cela? Ceci, à mon avis :
> Vous gagneriez à vous montrer moins rigide, envers les autres comme envers vous-même. En effet, l'important n'est pas la règle, mais l'intelligence de la règle. Ce qui compte, c'est la raison pour laquelle la règle est nécessaire, et non pas son application stricte et bête, en dépit du bon sens. Et pour que cette intelligence ressorte, l'idéal, comme le montre cette étude, est de faire confiance aux personnes concernées pour l'appliquer à leur guise. Car si cette règle est intelligente, chacun la respectera scrupuleusement; et si elle ne l'est pas, ou plus, chacun finira par la délaisser, avec raison.
En passant, le philosophe français Michel de Montaigne a dit dans ses Essais : «Ne pouvant régler les événements, je me règle moi-même».
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