BLOGUE. Nous avons tous au fond du cœur des rêves, des projets fous, des idées si généreuses et grandioses que nous préférons les taire. Pourquoi? Pour mille et une mauvaises raisons : par peur d’échouer dans leur réalisation, par peur des changements que cela occasionnerait dans notre petite routine, par peur – que sais-je encore? – du ridicule. Peut-être même parce que nous avons peur qu’une fois le projet mené à bien, nous nous retrouvions sans chimère à cajoler en secret…
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Le hic? Nous risquons tout simplement de frôler la vie, c’est-à-dire de ne pas vivre pleinement ce pour quoi l’on était destiné. Pour ne pas dire, de rater sa vie. Et de se retrouver, durant ses vieux jours, en train de maugréer, tout seul dans son coin, contre nos vieilles lubies toutes ratatinées…
Vous comme moi, nous n’espérons pas en arriver là. Jamais. Et pourtant, nos continuons de caresser nos petites idées, sans jamais passer à l’acte. Que nous manque-t-il? Que nous faudrait-il vraiment pour nous lancer? Eh bien, la réponse à cette interrogation, je l’ai! Et elle n’est pas ce que vous croyez a priori…
Je l’ai trouvée dans une étude très intéressante intitulée Doing good or doing well? Image motivation and monetary incentives in behaving prosocially. Celle-ci est signée par Dan Ariely, professeur de psychologie et d’économie de la Duke University (Etats-Unis) et auteur, entre autres, de The Upside of Irrationality (HarperCollins, 2010), ainsi que par Anat Bracha, professeur de psychologie et d’économie de l’Eitan Berglas School of Economics (Israël), et Stephan Meier, professeur d’économie de la Graduate School of Business de la Columbia University (Etats-Unis). Elle montre que nous n’écoutons notre cœur qu’à certaines conditions très précises…
Les trois chercheurs ont commencé par analyser ce qui nous poussait, en général, à faire preuve de charité, et en particulier à faire un don à un organisme de bienfaisance. Ils ont en trouvé trois :
> Motivation intrinsèque. Nous faisons du bien par pur altruisme.
> Motivation extrinsèque. Nous sommes motivés par le fait de bénéficier nous aussi du geste effectué en faveur d’autrui (remboursement d’impôt, par exemple).
> Motivation d’image. Nous agissons bien parce que cela va donner une belle image de nous auprès des autres.
Bien entendu, une ou plusieurs de ces raisons peuvent jouer a priori dans notre motivation profonde à faire preuve de charité. Ça semble dépendre des cas. De fait, si certains ne donnent de l’argent à un organisme que parce que ce geste va rester anonyme, d’autres vont tout faire pour que leurs proches sachent qu’ils contribuent à la lutte contre le cancer du sein ou de la prostate, et sont bien contents par la même occasion de récupérer l’argent versé au moment de déclarer leurs revenus…
Mais voilà, cette vision colle-t-elle à la réalité? Ces trois types de motivation interviennent-ils réellement lorsque nous nous montrons charitables? Et si oui, comment? Bref, les trois chercheurs en sont venus à se demander : «Écoutons-nous véritablement notre cœur, ou bien agissons-nous de la sorte pour une raison mystérieuse, et peut-être moins reluisante?»
Pour le découvrir, ils ont procédé en deux temps : une expérience en laboratoire et une autre sur le terrain. Dans la première, ils ont demandé à 161 étudiants de Princeton (Etats-Unis) de participer à une expérience liée à la charité, dénommée Click for charity. Ceux-ci étaient placés devant un ordinateur et devaient choisir de donner, ou pas, à ce qui leur était proposé. Tous n’avaient pas les mêmes données de départ pour faire leur choix :
- pour certains, leur décision serait rendue publique, pour d’autres, elle resterait secrète;
- pour certains, la somme versée serait récupérée par le biais de l’impôt, pas pour d’autres;
- pour certains, il était possible de verser l’argent à la Croix-Rouge, pour d’autres, à la National Rifle Association (NRA) (histoire de mesurer l’impact sur l’image du donateur…).
Résultats? Passionnants…
«Le moteur principal des donateurs est l’image qu’ils donnent ainsi d’eux aux autres. Du coup, les incitatifs financiers pour inciter les gens à donner – à l’image des remboursements d’impôt – ne sont que peu efficaces, voire totalement inefficaces, car cela amenuise l’image que les donateurs veulent donner d’eux», notent les chercheurs dans leur étude.
M. Ariely et ses collègues illustrent leur propos par l’exemple des voitures hybrides. Le gouvernement américain – tout comme celui canadien – ont commis une erreur en offrant une prime à toute personne qui achèterait une voiture hybride, car ce que recherchaient avant tout les acheteurs potentiels, c’était envoyer aux autres le signal qu’ils faisaient leur part pour préserver l’environnement, dans une société où un tel geste est généralement bien perçu. Et le fait de laisser croire qu’ils n’auraient agi de la sorte que par calcul, c’est-à-dire dans l’espoir de faire un bon coup financier grâce à la prime gouvernementale, en a sûrement freiné plus d’un de se mettre à «rouler vert»… Oui, mieux aurait valu n’offrir aucune prime!
Dans la seconde expérience, dénommée Bike for Charity, les trois chercheurs ont installé dans le gym du MIT des vélos stationnaires spéciaux : pour chaque dix minutes d’utilisation en continu, 1 dollar était versé pour une bonne cause. Mais voilà, les conditions variaient de manière aléatoire, tout comme dans la première expérience. Par exemple, certains étaient invités à rouler pour la Croix-Rouge, et d’autres pour la NRA; etc. Et sans surprise, les résultats de l’expérience sur le terrain ont confirmé ceux du laboratoire.
«C’est clair et net, les gens veulent être vus des autres lorsqu’ils font preuve de générosité. Sans cela, ils ne passent pas à l’action, ou du moins très rarement», est-il souligné dans l’étude.
Quelles sont les implications de cette trouvaille dans votre quotidien au travail? Elles sont multiples, me semble-t-il, mais je ne vais en retenir qu’une : nous n’écouterons, un jour, notre cœur que si cela nous donne l’espoir de briller aux yeux des autres. Aux yeux de nos collègues. Aux yeux de notre boss. Voire aux yeux de notre dulcinée.
Oui, nous ne nous lancerons dans une aventure incroyable que si cela peut faire l’admiration d’autrui. Et non pas – comme nombre de leaders le croient à tort – dans l’optique de glaner une prime ou une promotion. Bref, nous ne vivrons notre rêve que si cela fait rêver les autres…
Un simple conseil de ma part : trouvez donc autour de vous des yeux aimants, et lancez-vous! Comme aimait à le dire l’écrivain français Antoine de Saint-Exupéry : «Fais de ta vie un rêve, et d’un rêve, une réalité»…
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