BLOGUE. Aujourd'hui, tout le monde vante les mérites des médias sociaux, hormis – bien entendu – quelques patrons grincheux qui sont restés ancrés dans le 20e siècle : ils permettent aux entreprises de réseauter facilement, de mieux communiquer avec ses clients et ses partenaires d'affaires, de donner un nouvel élan à ses opérations de marketing, etc. Bref, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais voilà, est-ce si vrai que ça?
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Oui, n'y aurait-il pas anguille sous roche? N'y aurait-il pas des dangers à user à volonté des médias sociaux, sans que l'on s'en rende compte a priori? Vous savez, un peu comme le Titanic qui voguait si fièrement sur l'Atlantique…
Tenez-vous à avoir la réponse à cette terrible interrogation? Vraiment? Sûr, sûr, sûr? Bon. Vous l'aurez voulu. La réponse se trouve dans une étude passionnante intitulée Are close friends the enemy? Online social networks, self-esteem, and self-control et signée par Keith Wilcox, professeur de marketing à Columbia (États-Unis), et Andrew Stephen, professeur de gestion des affaires à l'École de commerce Katz de l'Université de Pittsburgh (États-Unis). Elle indique – tenez-vous bien – qu'il y a de quoi s'inquiéter…
Ainsi, les deux chercheurs ont voulu savoir si les médias sociaux, et en particulier Facebook, avaient un impact sur notre comportement habituel. Pourquoi avoir choisi Facebook? Parce que c'est le média social le plus populaire du monde : Facebook vient tout juste de dépasser le milliard d'utilisateurs actifs ; et les internautes passent globalement plus de 700 milliards de minutes par mois rien que sur Facebook. Pour cela, ils ont procédé à cinq expériences…
1. Facebook a-t-il un impact sur l'estime de soi?
Il a été demandé à 100 utilisateurs de Facebook vivant aux États-Unis de remplir un questionnaire détaillé sur leur utilisation habituelle de ce média social ainsi que sur leurs meilleurs amis Facebook. Ceux-ci devaient notamment fournir des informations précises sur leurs cinq meilleurs amis Facebook.
Puis, une partie des participants ont été invités à lire leur fil de nouvelles sur Facebook, sans faire aucune autre tâche (cliquer sur un "Like", rédiger un commentaire, partager un document, etc.). Et ce, pendant une courte période de cinq minutes, pas plus. Enfin, ils ont répondu à différentes questions ayant trait à leur estime de soi.
Pendant ce temps-là, l'autre partie des participants devaient, au lieu de consulter leur fil de nouvelles, rédiger un texte sur une feuille de papier à propos de ce qu'ils éprouvent en général lorsqu'ils sont sur Facebook.
Résultat? Rien que le fait de parcourir son fil de nouvelles sur Facebook pendant cinq minutes suffit à remonter son estime de soi.
2. Pourquoi Facebook rehausse-t-il l'estime de soi?
Cette fois-ci, 108 utilisateurs de Facebook ont été répartis en deux groupes. Dans le premier, les participants étaient amenés à avoir en tête leur propre personne, c'est-à-dire ce qu'ils ont l'habitude de mettre en avant à leur sujet sur Facebook. Dans le second, ils avaient plutôt en tête leurs meilleurs amis et ce que ceux-ci font quand ils sont sur Facebook. Puis, tous ont pu aller sur Facebook pendant cinq minutes.
Résultat? Facebook fait grimper l'estime de soi dès lors qu'on s'en sert pour donner une bonne image de soi à autrui.
3. Facebook a-t-il un impact sur nos décisions?
Là, 84 utilisateurs de Facebook ont été séparés en deux groupes, l'un étant invité à naviguer sur Facebook pendant cinq minutes, l'autre, sur CNN.com, durant le même laps de temps. Par la suite, chaque participant devait indiquer ce qu'il était tenté de manger : une barre de céréales (le choix "santé") ou des cookies au chocolat (le choix, disons, "moins santé").
À votre avis, que s'est-il passé? Eh bien, ceux qui étaient sur Facebook ont été nettement plus tentés par les cookies au chocolat que par la barre de céréales. Après avoir effectué un test de robustesse sur ces résultats, MM. Wilcox et Stephen ont conclu que consulter brièvement Facebook est suffisant pour nous amener à faire un choix qui n'est pas bon pour notre santé.
4. Facebook rend-il plus impulsif?
Désireux d'en savoir davantage sur cette préférence pour les cookies au chocolat, les deux chercheurs ont réparti 88 étudiants en deux groupes. Dans le premier, ils devaient naviguer un moment sur Facebook, puis résoudre des anagrammes. Dans le second, naviguer sur CNN.com, puis, eux aussi, remettre des lettres dans l'ordre pour former des mots ou des phrases.
En fait, la subtilité était que 90% des anagrammes proposés étaient sans solution. Le but caché des expérimentateurs était de voir au bout de combien de temps les participants finiraient par laisser tomber.
Résultat? Subtil, lui aussi. Le fait de naviguer sur Facebook ou sur CNN.com, voire sur TMZ.com (le test a lui aussi été fait ultérieurement), n'a pas d'impact significatif sur notre patience, et donc sur notre impulsivité. En revanche, aller sur Facebook réduit sensiblement le self-control de ceux qui avaient en tête leurs liens avec leurs meilleurs amis Facebook. Nous sommes dès lors un peu moins concentrés sur ce que nous faisons juste après avoir consulté notre page Facebook.
5. Facebook nous fait-il plus dépenser en ligne?
Dans le même ordre d'idée, il a été demandé à 541 utilisateurs de Facebook de répondre à un sondage. Les questions portaient surtout sur leur utilisation d'Internet, et en particulier de Facebook, ainsi que sur d'autres sujets liés à ce qu'ils font quand ils ne sont pas en ligne, notamment à propos de ce qu'ils consomment et de ce qu'ils font pour être en forme.
La principale trouvaille est la suivante : après avoir été sur Facebook, on est plus porté que d'habitude à se servir de sa carte bancaire pour effectuer des achats en ligne.
«Il semble que passer ne serait-ce que cinq minutes sur Facebook suffise à déclencher un processus mental particulier. L'estime de soi se met à gonfler temporairement, ce qui réduit notre self-control, si bien que nous sommes portés à faire des choix "discutables", comme de manger des choses qui ne sont pas très bonnes pour notre santé ou accroître notre niveau d'endettement personnel», disent les deux chercheurs dans leur étude.
Maintenant, que retenir de tout cela pour votre quotidien au travail? Plusieurs choses, bien sûr, mais pour ma part je n'en indiquerai qu'une seule :
> Si d'aventure vous consultez Facebook au bureau, ayez alors la sagesse de prendre un petit break de cinq minutes immédiatement après, histoire de vous remettre les idées en place. Sans quoi, vous risquez de prendre une décision que vous regretterez fort par la suite.
En passant, l'écrivain américain Arthur Miller aimait à dire : «Peut-être que la seule chose que l'on puisse faire, c'est de finir avec de bons regrets».
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