«Montréal ne doit pas devenir une succursale de sociétés étrangères» - Robert Bell, cofondateur de l'International Community Forum


Édition du 30 Avril 2016

«Montréal ne doit pas devenir une succursale de sociétés étrangères» - Robert Bell, cofondateur de l'International Community Forum


Édition du 30 Avril 2016

Par Alain McKenna

Robert Bell, cofondateur de l'International Community Forum. [Photo : Eva Blue]

Robert Bell est cofondateur de l'International Community Forum, l'organisme qui supervise le programme des villes intelligentes et qui vient d'inclure Montréal parmi les sept finalistes du titre mondial pour 2016. Les Affaires s'est entretenu avec M. Bell alors qu'il visitait la métropole québécoise en vue de déterminer si elle mérite effectivement de remporter cette distinction.

Les Affaires - Infrastructures vieillissantes, coûts élevés des programmes, système scolaire fatigué, la plupart des Montréalais se demandent encore ce qui fait de Montréal une des sept villes les plus intelligentes du monde. Quelles sont les manifestations concrètes de ce phénomène ?

Robert Bell - Il y a quelques exemples concrets, comme l'application Info Neige. Je vis à New York, et là-bas, le déneigement des rues peut avoir un effet décisif entre un maire réélu et un maire déchu ! Mais au-delà du résultat final, c'est la façon dont la ville a créé cette application qui compte pour nous : une approche communautaire et locale, qui engage autant l'administration que les entreprises et les citoyens. On s'assure aussi que l'économie locale est diversifiée. Vous ne voulez pas que Montréal devienne une simple succursale pour des sociétés étrangères ! Ce qu'on voit, c'est que la ville possède un écosystème de start-ups, de PME et de grandes entreprises, d'universités, d'hôpitaux, qui lui permettent de se développer à long terme.

L.A. - Le concept de ville intelligente remonte à quelques années déjà. Au début, l'expression était surtout utilisée par des multinationales dans des campagnes de promotion pour les produits et services destinés au secteur public. Est-ce que ça a changé ?

R.B. - En effet, l'idée de ville intelligente a d'abord été utilisée par des sociétés comme IBM et Cisco, afin de mettre en valeur leurs systèmes informatiques de pointe. Au début du 20e siècle, Ford a perfectionné la chaîne de montage : ça a entraîné le reste de l'économie et même de la société dans une croissance durable. La même chose se produit aujourd'hui.

L.A. - Au-delà du coup de marketing international, à quel genre de retombées peut-on s'attendre si Montréal est nommée ville intelligente en juin ?

R.B. - Elle y trouvera son compte de différentes façons. Il y a le rayonnement international, qui n'est pas à négliger. Mais on insiste beaucoup pour que les villes participantes appliquent concrètement une approche collaborative et communautaire, et pour qu'elles développent des processus d'affaires axés sur l'innovation à long terme. On ne veut pas de villes qui suivront seulement la ligne dictée par Google. Nous avons lancé le programme des villes intelligentes il y a 15 ans, et l'objectif n'était pas uniquement de remettre un simple prix. On veut voir l'innovation appliquée pour vrai.

L.A. - Que doit posséder la ville intelligente idéale, selon vous ?

R.B. - Il y a six facteurs. L'accès à Internet à très haut débit est essentiel. C'est l'infrastructure la plus importante pour développer une économie axée sur le savoir. Un vaste bassin de travailleurs qualifiés dans l'économie du savoir, capables de prospérer dans ce contexte, est aussi important. Il faut également sentir une dynamique de collaboration. Concrètement : que les entreprises travaillent continuellement avec les universités, les hôpitaux, les centres de recherche, et vice versa. Les entreprises locales doivent pouvoir s'adapter aux changements plutôt que de privilégier d'anciennes méthodes, et l'économie doit être inclusive : que les gens des deux sexes, de toutes origines et de toutes cultures se sentent inclus dans la collectivité. Enfin, la gouvernance doit être transparente afin que les citoyens participent à l'établissement d'une vision pour leur ville. Il n'y a pas de démocratie si les citoyens se sentent exclus du discours public. La ville de Waterloo, en Ontario, est un superbe exemple d'une ville intelligente qui a su développer une économie durable. Elle a été nommée Ville intelligente en 2007. Quand BlackBerry [Research In Motion, à l'époque] s'est ensuite écroulée, des milliers d'emplois ont disparu. Mais la collectivité n'a pas disparu pour autant. D'autres entreprises ont émergé, d'autres encore sont venues s'installer à Waterloo pour profiter d'une expertise locale reconnue mondialement.

L.A. - Outre Montréal, Surrey, en Colombie-Britannique, et Winnipeg, au Manitoba, font partie des sept villes finalistes de votre indice des villes intelligentes pour 2016. C'est une première. Est-ce que ça signifie que le Canada est un des pays les plus intelligents du monde ?

R.B. - Au Canada, on a commencé à parler des principes de la ville intelligente et de l'économie du savoir dès les années 1980. Ça se traduit par un discours public de plus en plus fondé sur l'innovation et le développement d'une économie durable. À l'International Community Forum, notre rôle est de découvrir comment ce mouvement s'est produit, d'en tirer des leçons, et d'aider les autres villes et les autres pays du monde à appliquer les mêmes principes pour qu'ils en bénéficient à leur tour.

Les sept villes finalistes de l'indice des villes les plus intelligentes de 2016, selon l'International Community Forum

Les villes lauréates depuis cinq ans

> 2015 : Colombus, Ohio

> 2014 : Toronto, Ontario

> 2013 : Taichung, Taïwan

> 2012 : Riverside, Californie

> 2011 : Eindhoven, Pays-Bas

Source : International Community Forum

Nombre de projets numériques urbains

> 170 en 2015

> 235 en 2016

> 85 % des villes intelligentes ciblent les secteurs de l'énergie, du transport et du gouvernement

Source : Navigant Research, janvier 2016

Objets connectés, citoyens branchés

Les villes intelligentes sont le haut lieu des objets connectés. En fait, les deux phénomènes sont intimement liés. Dans les villes intelligentes, le nombre d'objets connectés devrait passer de 1,1 milliard en 2015 à 9,7 milliards en 2020. Les principaux secteurs touchés seront :

> La santé ;

> Les services publics ;

> L'immobilier ;

> Le transport ;

> L'énergie.

Source : Gartner

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