Le boom des gérontechnologies

Publié le 09/10/2017 à 15:08

Le boom des gérontechnologies

Publié le 09/10/2017 à 15:08

 Les firmes de nouvelles technologies, à l’exception de celles du milieu médical, ne voient pas encore toujours l’intérêt de considérer le marché des aînés. Pourtant, les baby-boomers sont connectés et le champ des applications pouvant s’adresser à eux comme aux plus âgés est très large. Le changement de stratégie émerge peu à peu.

Les baby-boomers sont des grands utilisateurs de Facebook et ont surpris le marché en achetant en grand nombre les liseuses numériques. Virus Santé Communication, une agence de marketing spécialisée dans la santé, l’a bien compris. Tandis que ses clients visent les aînés, « on axe beaucoup nos campagnes sur le web, explique Jeff Proteau, fondateur de Virus Santé Communication et stratège en marketing. Ce n’est pas parce que les personnes âgées n’ont pas de photo de profil et s’expriment peu sur les réseaux sociaux qu’elles ne sont pas présentes. »

Le moyen de communication privilégié de Virus Santé Communication est le blogue pour pouvoir donner de l’information sur l’apnée du sommeil ou les implants dentaires par exemple. Les résultats sont là : « On les mesure par l’augmentation de la fréquentation, de la consommation et de la recommandation qu’ils font des produits de nos clients », indique Jeff Proteau, persuadé que des influenceurs qui s’adressent aux aînés vont également émerger peu à peu.

Aujourd’hui, 8 personnes âgées de 55 à 64 ans sur 10 utilisent internet au moins une fois par semaine; près de la moitié possèdent une tablette et 4 sur 10 un téléphone intelligent, selon les récentes fiches génération du CEFRIO, un organisme de recherche et d’innovation sur le numérique. Si les taux baissent chez les 65 ans et plus, ils sont quand même 63 % à aller sur internet au moins une fois par semaine. Dans cette catégorie d’âge, le taux de pénétration des tablettes (+ 17 points de pourcentage pour passer de 24 à 41 %) et des téléphones intelligents (+ 8 points) est en augmentation.

Manque de produits technologiques adaptés

C’est donc une évidence pour Josée Beaudoin, vice-présidente innovation et transfert du CEFRIO, que ces générations sont « prêtes à utiliser les produits technologiques ». Mais « les services publics et les institutions n’offrent pas assez de possibilités dans ce domaine de la même façon que les applications mobiles destinées aux aînés sont encore rares, regrette-t-elle. Or, dans les domaines de leur vie (loisirs, soins à domicile, solutions pour briser l’isolement, etc.), des produits technologiques adaptés seraient très utiles ». Les proches aidants peuvent aussi être des cibles aux côtés des aînés, venant encore grossir le marché pour ces applications.

Les gérontechnologies, soit toutes les technologies orientées vers les besoins des personnes âgées, sont en croissance. Medipense, par exemple, a mis au point un distributeur de médicaments intelligent. Connecté, il permet aux médecins et proches aidants d’être alertés si les médicaments ne sont pas pris. Des capteurs de fréquence cardiaque et autres permettent également de prévenir l’entourage en cas de problème. Ce produit part du constat que de nombreuses personnes âgées ne prennent pas leurs médicaments correctement tandis qu’une grande majorité veut rester le plus longtemps possible à domicile. « On fait tout ce qu’on peut pour développer des solutions qui vont les y aider, » affirme Graeme Maag, directeur des produits de Medipense.

Mais dans le domaine des technologies médicales, non seulement les processus de recherche et développement et d’agrément sont très longs mais en plus, « l’accès au marché est très difficile », observe Benoît Larose, vice-président pour le Québec du MEDEC, qui regroupe les sociétés canadiennes de technologies médicales. Beaucoup d’entreprises sont contraintes de vendre leurs produits ailleurs qu’au Québec, « là où la portion du privé en santé est plus importante », note Benoît Larose.

Si, dans ce domaine, c’est l’accès au marché qui pose problème, dans d’autres pans du secteur technologique, l’offre visant les personnes âgées est très rare. À quelques exceptions près comme certaines applications qui commencent à apparaître comme Aetonix aTouchAway, une plateforme conçue pour que les personnes âgées puissent entrer, même en urgence, en communication avec des professionnels de la santé et des proches.

Le rôle grandissant des experts en adaptabilité

Des études ont prouvé que les jeux vidéo pouvaient jouer un rôle pour maintenir les capacités cognitives des personnes âgées. Certaines consoles de Nintendo sont utilisées dans des maisons de retraite pour faire faire de l’exercice aux résidents. Quelques jeux plus spécifiques ont été développés, notamment par Nintendo dont le marché japonais est très vieillissant, mais l’offre n’est pas encore très large. 

Stéphane Mailhiot, vice-président stratégie à Havas Montréal, est persuadé que « les aînés sont un marché très important pour les entreprises technologiques mais les séniors sont sévères sur la complexité des interfaces. Ils veulent de la simplicité, ce qui explique d’ailleurs le succès de la pénétration des produits d’Apple dans le marché ».

Le rôle de Stéphanie Levasseur, spécialisée dans l’accessibilité numérique, est justement d’adapter les services numériques et les interfaces dans les différentes entreprises qui font appel à ses compétences. « J’améliore les interfaces en intégrant des codes couleur adéquats pour les personnes qui souffrent de dégénérescence maculaire par exemple comme c’est le cas de nombreuses personnes âgées, en ajoutant la possibilité de grossir le texte à 200 %, etc. La nouvelle tendance est le « design for the extremes  » : en rendant l’interface accessible aux personnes qui ont le plus de difficulté, on ne fait que miser sur la qualité et faciliter encore plus la navigation pour toutes les autres catégories d’utilisateurs », explique-t-elle.

L’avantage économique est évident.  « Pour que les consommateurs utilisent les solutions en ligne, pensées notamment pour réduire les coûts d’exploitation des entreprises, il faut qu’elles soient simples de manière à être utilisées par les aînés, qui représentent une grande partie de la clientèle étant donné le vieillissement de la population. L’adaptation devient un enjeu d’affaires », souligne Stéphanie Levasseur, qui travaille actuellement au Mouvement Desjardins. La Caisse Charles-LeMoyne de Desjardins, à Saint-Lambert, lancera d’ailleurs à l’automne un projet pilote : elle invitera ses usagers qui souffrent d’une baisse d’acuité visuelle à un atelier pendant lequel on leur expliquera comment paramétrer leurs tablettes et téléphones intelligents. Ils pourront ainsi mieux lire sur leurs appareils, ce qui facilitera leur navigation et donc leurs transactions financières sur l’application Accès D de l’institution.

D’importants marchés émergent dans le domaine des technologies pour les aînés. Ils devraient connaître une explosion dans les prochaines années.

 

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