Interdiction d'espionner les courriels des employés pour les licencier

Publié le 05/09/2017 à 14:26

Interdiction d'espionner les courriels des employés pour les licencier

Publié le 05/09/2017 à 14:26

Surveillance, oui, espionnage non: les 17 juges de la Grande Chambre, l'instance suprême de la Cour européenne des droits de l'Homme, ont interdit mardi aux employeurs d'espionner les courriels privés de leurs salariés pour les licencier.

Leur décision est appelée à faire jurisprudence pour les 47 pays membres du Conseil de l'Europe et devrait conduire certains d'entre eux à modifier leurs législations pour éviter des recours devant la CEDH.

«Les instructions d'un employeur ne peuvent pas réduire à néant l'exercice de la vie privée sociale sur le lieu de travail», a jugé la Grande Chambre. La décision répond aux préoccupations des citoyens «à l'heure où tout le monde est connecté et où la séparation entre vie privée et professionnelle devient de plus en plus ténue», a-t-on confié au sein du Conseil de l'Europe.

La ténacité d'un ingénieur roumain de 48 ans, Bogdan Mihai Bărbulescu, a permis cette adaptation du droit au respect de la vie privée et de la correspondance défendu par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme au développement de l'internet.

Son employeur l'a licencié le 13 juillet 2007 pour avoir utilisé l'internet de la société à des fins personnelles en contravention du règlement intérieur. Pour prouver cette faute, il a présenté la transcription, sur 45 pages, des communications électroniques de M.Bărbulescu avec son frère et avec sa fiancée entre le 5 et le 12 juillet 2007.

Les tribunaux roumains ont jugé que la conduite de l’employeur avait été raisonnable, et que la surveillance des communications avait constitué le seul moyen d’établir qu'il y avait infraction disciplinaire. La CEDH avait confirmé cette approche en janvier 2016.

M. Bărbulescu avait fait appel et la Cour, basée à Strasbourg, avait accepté de réexaminer sa décision.

Le spectre de Big Brother

La Grande Chambre s'est divisée sur cette affaire. Mais par onze voix contre 6, les juges ont considéré que le droit au respect de la vie privée de M. Bărbulescu a bien été violé par son employeur, contrairement à ce qu'avait dit la CEDH en janvier 2016. 

Ils ont jugé que M. Bărbulescu «n'avait pas été informé de la nature et de l'étendue de la surveillance opérée par son employeur ni de la possibilité que celui-ci ait accès au contenu même de ses messages».

La décision rendue mardi «ne signifie pas que les employeurs ne peuvent pas sous certaines conditions surveiller les communications de leurs salariés ou qu'ils ne peuvent plus les licencier pour avoir utilisé l'internet à des fins personnelles», a souligné la CEDH.

Mais la surveillance doit ménager un «juste équilibre» entre le respect de la vie privée du salarié et le droit de l’employeur de prendre des mesures pour assurer le bon fonctionnement de l’entreprise.

Les juges ont forgé leur réflexion lors d'une audience le 30 novembre 2016: ils ont entendu les arguments exposés par le gouvernement français et la Confédération européenne des syndicats (CES), associés à leur demande en tant que tiers intervenants.

La France avait défendu cet équilibre mis en oeuvre par la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) qui impose une consultation et une information des salariés. La violation du secret des correspondances privées des salariés est en outre considérée comme un délit en France. 

«Sans règles, la surveillance de l'internet sur le lieu de travail risque de voir les employeurs méfiants agir comme Big Brother», avait pour sa part averti la CES.

«C'est une décision très importante qui a été prise par la CEDH», a confié à l'AFP Me Joël Grangé, du cabinet français spécialisé en droit social Flichy Grangé, membre d'une alliance d'avocats actifs dans de nombreux pays européens

«La CEDH cherche à juguler les excès et fixe une méthodologie pour les juges», a-t-il souligné. 

M. Bărbulescu a remporté mardi une victoire morale après 10 années de combat. Mais pas question de dédommagement. «Le constat de violation constitue une satisfaction équitable suffisante», ont estimé les juges de la Grande Chambre.

 

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