Dans les coulisses du pari de Microsoft sur l’IA

Publié le 08/05/2023 à 15:24

Dans les coulisses du pari de Microsoft sur l’IA

Publié le 08/05/2023 à 15:24

Par Maxime Johnson

L’édifice 92 du siège social de Microsoft, à Redmond en banlieue de Seattle. (Photo : Maxime Johnson)

TECHNO SANS ANGLES MORTS décortique les technologies du moment, rencontre les cerveaux derrière ces innovations et explore les outils numériques offerts aux entreprises du Québec. Cette rubrique permet de comprendre les tendances d’aujourd’hui afin d’être prêt pour celles de demain.

TECHNO SANS ANGLES MORTS. Pour Microsoft, l’intelligence artificielle est sur le point de transformer la société. Et l’entreprise met tout en œuvre pour être au cœur de cette révolution.

 Si les géants technos se livraient à une partie de poker, Microsoft aurait en ce moment tous ses jetons au centre de la table. «All in», comme le veut l’expression.

«Cette ère d’intelligence artificielle débute une transformation qui sera aussi importante que celles entrainées par les ordinateurs personnels, l’Internet et les téléphones intelligents», lance Eric Boyd, vice-président de Microsoft responsable des plateformes d’intelligence artificielle (IA) de l’entreprise, lors d’une visite du siège social de Microsoft à Redmond aux États-Unis, où j’étais invité avec une vingtaine de journalistes d’autant de pays différents.

Voilà plusieurs années maintenant que l’IA est au goût du jour. Mais quiconque suit un peu l’actualité technologique est forcé de constater que l’intérêt pour cette dernière a récemment atteint de nouveaux sommets. Le PDG de Microsoft Satya Nadella a d’ailleurs qualifié en début d’année notre époque d’«âge d’or de l’IA».

Au cœur de cette transformation : les intelligences artificielles génératives, tout particulièrement les grands modèles de langage (Large Language Model, ou LLM en anglais), comme GPT, de la jeune entreprise américaine OpenAI. Ceux-ci alimentent les robots conversationnels, dont ChatGPT, mais ils servent aussi à générer des images à partir de texte, à synthétiser de longs articles et même, bientôt, à créer une présentation PowerPoint à partir d’un rapport au format PDF.

 

L’IA à toutes les sauces

Microsoft est née avec l’arrivée des ordinateurs personnels, mais l’entreprise a un peu échappé les deux autres grandes transformations de l’industrie, notamment aux mains de Google (l’Internet) et d’Apple (les téléphones intelligents). Après avoir écouté et discuté avec plus d’une trentaine d’employés en deux jours lors de ma visite à la fin avril, il est clair que Microsoft a décidé de ne pas laisser passer l’occasion cette fois-ci.

«Avant, environ le tiers de nos chercheurs travaillait sur l’intelligence artificielle», explique Ece Kamar, partenaire de recherche chez Microsoft Research, la division de l’entreprise consacrée à la recherche. «Maintenant, on pourrait dire que tout le monde est un chercheur en IA», ajoute-t-elle.

Depuis que les ingénieurs de Microsoft ont mis la main sur GPT-4 en septembre dernier, six mois avant tout le monde (les milliards de dollars d’investissements par Microsoft dans OpenAI depuis 2019 ont leurs avantages), ceux-ci s’efforcent d’intégrer des assistants basés sur GPT à tous les produits de l’entreprise.

Et ce n’est pas une exagération. En février et en mars seulement, Microsoft a dévoilé huit de ses logiciels et services auxquels ces assistants seront ajoutés au cours des prochains mois.

L’application de vidéoconférences Teams pourra par exemple résumer le contenu des réunions pour les absents, et l’outil pour médecins Nuance DAX Express pourra rédiger un rapport après les rencontres avec les patients. Un travailleur de retour de vacances pourra quant à lui demander au Copilot (c’est le nom donné aux assistants basés sur GPT) de la suite Microsoft 365 de résumer tous les courriels reçus d’un collègue pendant son absence.

L’assistant Copilot sera intégré aux différents produits de Microsoft, comme PowerPoint. Crédit : Microsoft.

L’assistant Copilot sera intégré aux différents produits de Microsoft, comme PowerPoint. (Crédit: Microsoft)

 

«Et ça ne prend que quelques secondes», se réjouit le vice-président responsable du design et de la recherche de Microsoft Jon Friedman, visiblement heureux que sa démonstration se soit déroulée sans anicroches. Le code de Copilot est après tout encore en développement, et mis à jour tous les jours. «J’avais demandé aux développeurs de ne pas mettre de nouveau code en ligne ce matin, mais on ne sait jamais», lance celui-ci, une anecdote qui illustre bien le rythme effréné auquel l’entreprise avance depuis quelques mois.

Les différents outils Copilot annoncés par Microsoft sont présentement à l’essai dans une vingtaine d’entreprises américaines. On ignore quand ils seront lancés officiellement. Pendant cette période de développement, les produits sont améliorés et leur effet sur la productivité des travailleurs est mesuré.

Déjà, les premiers résultats sont prometteurs. «Avec GitHub Copilot, les développeurs codent 55% plus rapidement», note Walter Sun, vice-président responsable de l’IA pour les applications d’affaires chez Microsoft.

«Notre but n’est toutefois pas seulement d’augmenter la productivité. Nous voulons aussi nous assurer que le temps gagné permette de se concentrer sur les tâches plus importantes», ajoute Jon Friedman.

 

La délicate question de l’IA responsable

Jon Friedman rappelle aussi la nécessité de bien mesurer toutes les conséquences reliées au développement de ces technologies. «On a développé des outils qui aident à lire des courriels, et à écrire des courriels. Mais si le résultat est que tout le monde génère plus de courriels, nous ne serons pas plus avancés», illustre le designer.

L’IA est d’ailleurs un sujet délicat en ce moment. Des sommités comme le chercheur montréalais Yoshua Bengio ont récemment signé une lettre ouverte demandant une pause dans le développement des systèmes d’IA géants, et le «parrain» de l’IA Geoffrey Hinton vient de quitter Google afin de mieux exprimer ses craintes par rapport au futur de l’intelligence artificielle.

 

Le vice-président responsable de l’IA pour les applications d’affaires chez Microsoft Walter Sun. (Photo: Microsoft)

 

Microsoft en est bien consciente. Tout au long de la visite, différents intervenants ont d’ailleurs rappelé les grands principes d’une IA responsable chez l’entreprise, soit l’équité, la fiabilité, la confidentialité, l’inclusivité, la transparence et la responsabilité.

Quand on leur pose des questions sur le sujet, la plupart des employés reconnaissent les risques et les besoins d’un encadrement législatif, mais ils mentionnent également systématiquement le potentiel bénéfique de la technologie.

Cette façon d’aborder la question illustre bien la position délicate dans laquelle Microsoft s’est placée. D’un côté, l’entreprise travaille depuis des années à mettre en place un cadre pour le développement responsable de l’IA. Mais de l’autre, elle a aussi tout avantage à mousser l’intelligence artificielle. Non seulement ses produits pourront vraisemblablement être améliorés avec cette dernière, mais Microsoft est le partenaire infonuagique exclusif d’OpenAI. Si ses concurrents veulent intégrer GPT à leurs produits, ils devront le faire avec son service infonuagique Azure.

Reste à voir si ces deux visions peuvent vraiment coexister

 

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