Changer le monde par le «compostage numérique»

Offert par Les Affaires


Édition du 06 Août 2015

Changer le monde par le «compostage numérique»

Offert par Les Affaires


Édition du 06 Août 2015

Par Matthieu Charest

Guillaume Langlois, président de Space&Dream

Ce n’est pas comme si Guillaume Langlois avait déjà beaucoup de temps libre. L’entreprise dont il est le président fondateur, Space&Dream, tourne à plein régime. Quand Les Affaires le rencontre dans ses bureaux, dans le nord de Montréal, son équipe s’apprête à mettre la touche finale au parcours Montréal en Histoires.

Mais entre deux voyages d’affaires et quelques conférences téléphoniques, Guillaume Langlois pense déjà à sa prochaine entreprise. Avec le projet GreenStream, il veut changer le monde au moyen du recyclage valorisant (upcycling).

« C’est quand je suis allé au Consumer Electronics Show, à Las Vegas, que ça m’a frappé, raconte-t-il. Je me suis dit : “Tous les produits électroniques qui m’entourent en ce moment vont tous finir dans les poubelles” ». Et ce sera probablement plus tôt que tard. Obsolescence programmée oblige, ce sont des tonnes de produits qui s’accumulent dans les dépotoirs, au tiers-monde, notamment. En 2014, près de 42 millions de tonnes de ces déchets ont été produites, estime un rapport de l’ONU.

Bien sûr, une partie des composants de nos tablettes, cellulaires et autres jouets est récupérée. Mais l’autre partie, étant donné les coûts prohibitifs ou la complexité de l’opération, est gaspillée. Un microprocesseur, par exemple, est un assemblage complexe de métaux empilés sur une galette de silicium. C’est un peu comme chercher à retrouver un grain de sucre dans le mélange à tarte, une fois qu’elle est cuite. Impensable. Mais pour Guillaume Langlois, ce n’est pas impossible pour autant.

Une idée embryonnaire

« Je peux me tromper, mais je crois qu’il est possible de trouver un ensemble de procédés qui travaillent ensemble afin de séparer la matière, puis la purifier. Il existe dans la nature des bactéries qui traitent les minéraux », explique-t-il, avant d’ajouter : « Je ne dis pas que ce sera facile toutefois, loin de là ».

L’idée est embryonnaire, et même si elle s’apparente à la science-fiction, le concept qu’il a imaginé n’en est pas moins fascinant. « D’abord, au lieu d’amener les déchets au dépotoir, on amène le dépotoir aux déchets. On réduit le transport et la pollution qu’il génère. »

Et le « dépotoir » dont il parle est en fait un conteneur automatisé propulsé à l’énergie hydraulique ou solaire. Le produit électronique, une tablette par exemple, est inséré à l’entrée du « robot » duquel, après un processus de digestion, sortent les matières décomposées. Une fois sortis, ces minéraux purifiés (terres rares ou autres) peuvent être réutilisés par l’industrie.

À l’intérieur de ce « robot camion poubelle », imaginez un processus de digestion, explique Guillaume Langlois : « Première étape, une phase de broyage. Puis, la matière transformée en nanoparticules est acheminée [par] des processus bio-inspirés afin de regrouper les éléments entre eux ».

« Ces méthodes existent déjà, plaide l’entrepreneur. Mais elles sont utilisées dans des sphères différentes, comme dans l’ingénierie ou la chimie. Les laboratoires cherchent, trouvent, mais ne s’aperçoivent pas toujours que leurs découvertes, conjuguées avec celles des autres, valent beaucoup plus que la somme de leurs parties. »

Science-fiction ou futur proche ?

Ce type de procédé, le « compostage numérique » ou le recyclage valorisant, existe déjà, à divers degrés, souligne Andrée-Lise Méthot, fondatrice et directrice associée de Cycle Capital Management, un fonds d’investissement de 230 millions de dollars spécialisé dans les technologies propres. « Il y a clairement un intérêt pour ça. Je n’ai pas vu le projet de M. Langlois et ce n’est pas un travail facile, précise-t-elle. Il faut voir si nous disposons de technologies matures et trouver un modèle d’entreprise rentable. Ça prend les bonnes personnes autour de la table. »

Reste que « l’idée a du potentiel. [La revalorisation de la matière], c’est inévitable, à terme. Regardez le cuivre : on ne le recyclait pas avant, et maintenant, c’est un marché. Ou prenez le germanium, ça a beaucoup de valeur ».

Ce n’est pas demain la veille que Guillaume Langlois lancera son « business de scrap du 21e siècle », dit-il en riant. Il se donne d’abord quelques années pour mener à terme ses ambitions pour Space&Dream.

« Mais j’ai une conscience sociale. Et je ne suis pas sûr de pouvoir changer le monde avec mon entreprise actuelle. Avec Greenstream, je pense que je peux faire une différence », pense l’entrepreneur.

« Peut-être que des gens vont me traiter de “charlatan”, mais mon but, c’est de réunir toute une équipe, faire en sorte que les geeks s’asseoient ensemble et tenter de mener ce projet à terme. Si ça ne marche pas, tant pis, on aura essayé. Mais une chose est sûre, on n’a plus de temps à perdre… »

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