Ils ont tous un point commun... enfin deux : le tréma. Des commerces de meubles (nüspace), de soins corporels (nuëeva, Koükla), des restos (Nuëvo, NÜVÜ, Mojö), des croisiéristes (belvü), voire des groupes rock (trëma) ou même des architectes (superkül) adoptent les deux petits points horizontaux, créant ainsi un effet de style dans le graphisme.

" Il y a là une volonté de se démarquer, de se donner un genre ", juge Bernard Motulsky, professeur au Département de communication sociale et publique de l'UQAM et spécialiste de l'image. Rarement utilisé en français, le tréma n'en est que plus exotique. " Il a quelque chose d'européen, de scandinave. Une apparence moderne, épurée, raffinée. "

La popularité du très suédois Ikea n'est pas étrangère à cette vague aiguë de trémas. De nombreuses collections du fabricant de meubles portent en effet des noms arborant les deux points, comme bärbar.

Mais si les trémas ont un sens dans les langues nordiques, ce n'est pas le cas en français, dit le professeur de design graphique de l'UQAM, Frédéric Metz. Il qualifie cette mode de " maladie graphique " inutile, issue selon lui du succès du fabricant de crème glacée Häagen-Dazs. Ses fondateurs, deux immigrants polonais du Bronx, avaient inventé de toute pièce un nom qui suintait l'exotisme nordique et justifiait un prix de luxe pour leur produit.

Pour M. Metz, cette mode, qu'il compare à " une mauvaise grippe ", compense pour une pauvreté de contenu. " On essaie de rendre quelque chose inusité, supérieur, mais c'est absolument vide. Cet accent ne signifie rien. Par ailleurs, la règle d'un bon graphisme, c'est la simplicité. "

La bonne nouvelle, ajoute-t-il, c'est que, comme toute mode, celle des trémas devrait être éphémère. " Dès que ça prolifère, c'est le moment d'arrêter. "

Bernard Motulsky abonde dans le même sens. " Le principe reste toujours le même : ça marche pour les premiers ", dit-il, prédisant que la prochaine grosse vague sera, pourquøi pas... le ø barré.