Entrevue n°281 : Jon Hoerauf, directeur général, Arc'teryx


Édition du 19 Mars 2016

Entrevue n°281 : Jon Hoerauf, directeur général, Arc'teryx


Édition du 19 Mars 2016

Par Diane Bérard

«Nous résistons à la mode, mais nous sommes au fait des tendances» - Jon Hoerauf, directeur général, Arc'teryx.

À partir de Vancouver, le fabricant de matériel de plein air Arc'teryx exporte 85 % de sa production. En Amérique du Nord, en Europe et aussi en Asie. Son nouveau directeur général, Jon Hoerauf, explique pourquoi, malgré une marque forte, Arc'teryx résiste à la diversification à tout vent. Et comment le fabricant compte se rapprocher de ses clients.

Diane Bérard - Arc'teryx fabrique de l'équipement de plein air. À qui le vendez-vous ?

JON HOERAUF - Nous avons trois cibles. D'abord les pros du plein air. Ces gens très actifs pratiquent une variété de sports allant de l'escalade à la course en sentier, en passant par le ski. L'urbain actif, quant à lui, mène un style de vie actif sans nécessairement être très sportif. Il passe beaucoup de temps à l'extérieur pour se déplacer d'un lieu à l'autre. Nous avons créé pour lui - ce sont surtout des hommes - la gamme Veilance. Elle intègre toutes les caractéristiques techniques de nos vêtements de sport. Le dernier groupe comprend les policiers et les militaires. Ils ont besoin de vêtements adaptés aux conditions extrêmes.

D.B. - Le secteur du plein air semble surpeuplé...

J.H. - Le consommateur a beaucoup de choix. C'est pourquoi nous nous en tenons à notre positionnement haut de gamme. Il y a plus de clients pour les produits de milieu de gamme, mais il y a aussi plus de concurrents.

D.B. - Le consommateur fait-il vraiment la différence entre votre marque et les marques concurrentes ?

J.H. - Cela dépend de la distance à laquelle il se trouve du coeur de notre cible. Les pros du plein air passent beaucoup de temps en ligne. Ils connaissent les dernières innovations proposées par chacun des fabricants ainsi que les avantages et les limites de chacun. Plus on s'éloigne de ce groupe de purs et durs, plus les clients ont un comportement «aspirationnel». Ils s'intéressent moins à la description technique du produit qu'à son aspect ou à son confort.

D.B. - Quelle est la proposition de valeur d'Arc'teryx ?

J.H. - Nous offrons des produits minimalistes qui défient le passage du temps. Nous n'incluons que les pièces requises, rien de superflu. Et nous ne fabriquons que les produits pertinents à notre positionnement. Si nous n'arrivons pas à justifier la raison pour laquelle nous nous lancerions dans un nouveau marché, nous ne le faisons pas. Ainsi, nous avons attendu 2012 avant de créer un manteau en duvet. Nos concurrents en proposaient depuis longtemps. En outre, nous avons produit nos premières chaussures au printemps 2015. Nous avons opté pour l'allure et le design d'un bas plutôt que ceux d'un soulier. Aussi, nous avons misé sur la légèreté en optant pour des matériaux synthétiques. De plus, il n'y a pas de coutures, pour éviter les trous et les infiltrations.

D.B. - Il semble bien que toutes les marques de sport adoptent les mêmes innovations en même temps. Comment se démarquer ?

J.H. - Arc'teryx a une politique très stricte de propriété intellectuelle. Nos innovations sont réalisées dans un environnement très contrôlé. Notre centre de design se trouve au siège social, à Vancouver. Une équipe se consacre uniquement aux innovations alors qu'une autre se concentre sur les produits saisonniers. Nous avons aussi une usine sur place pour tester et documenter la fabrication de nos nouveaux produits.

D.B. - Vous affirmez qu'Arc'teryx est imperméable aux tendances...

J.H. - Je dirais plutôt que nous résistons à la mode, mais que nous sommes très au fait des tendances. Par exemple, on assiste à un mouvement de réurbanisation. Dans ces villes plus peuplées, la circulation devient de plus en plus difficile. Cette réalité, combinée au désir d'être plus actif pour bénéficier d'une meilleure qualité de vie, entraîne la montée de l'auto-locomotion [human powered travel]. Les gens vont au bureau à la course, par exemple. Cela crée des occasions d'affaires pour les entreprises comme la nôtre.

D.B. - Avec toutes ces campagnes sur les bienfaits de l'exercice, votre secteur doit être en croissance...

J.H. - Pas nécessairement. Le bassin total de consommateurs stagne. Cela nous oblige à procéder à une analyse fine pour déceler les niches prometteuses. La course à pied est stable, mais la course en sentier affiche une croissance. Le ski de fond est stable, mais le ski de patin gagne des adeptes.

D.B. - Le comportement des sportifs change ; comment ?

J.H. - Ils ne veulent plus d'étiquette. Ce ne sont pas des skieurs, des cyclistes ou des grimpeurs. Ce sont des adeptes du plein air. Et ils veulent des produits plus polyvalents qui peuvent les accompagner dans plusieurs activités.

D.B. - Les hommes et les femmes consomment-ils leurs vêtements de sport différemment ?

J.H. - En fait, chacun attribue un rôle différent à sa garde-robe sportive. Pour les hommes, les vêtements constituent une pièce d'équipement au même titre que leur vélo ou leurs skis. Les femmes y voient un accessoire facilitateur plutôt qu'un équipement. Elles exigent donc davantage de polyvalence que les hommes.

D.B. - Quelles sont les conséquences des changements climatiques sur vos affaires ?

J.H. - Tout ce qu'on peut dire du temps, c'est qu'il sera imprévisible. Il faut se concentrer sur ce que l'on contrôle, c'est-à-dire nos produits. Le climat capricieux nous force à développer un portefeuille de produits plus diversifié et polyvalent. Notre gamme Les essentiels, par exemple, navigue aisément d'un sport à l'autre.

D.B. - Le vieillissement de la population, il vous sert ou il vous nuit ?

J.H. - Je crois qu'il nous sert. Nos produits étant plus chers que la moyenne, nos consommateurs sont généralement mieux nantis et souvent plus âgés. Nous croyons qu'ils peuvent nous aider à rejoindre des clients plus jeunes. Si votre grand frère, votre oncle ou votre père sportif fait confiance à Arc'teryx, vous pourriez être tenté d'essayer notre marque.

D.B. - Arc'teryx appartient à la finlandaise Amer Sports après être passée entre les mains d'Adidas Salomon. Votre secteur est-il en consolidation ?

J.H. - Il se consolide des deux côtés : celui des fabricants et celui des détaillants. La consolidation chez les détaillants me préoccupe. Nous vendons peu dans les grandes chaînes, nous préférons les boutiques spécialisées. Mais il y a beaucoup de mouvement dans ces petits commerces. Il faut donc régulièrement revoir nos partenariats afin de nous assurer que nos associations sont pertinentes.

D.B. - Vous amorcez un virage qui rappelle la stratégie d'une autre entreprise de la côte ouest, le fabricant de vêtements de sport Lululemon. Expliquez-nous.

J.H. - Arc'teryx se rapprochera de sa communauté. Nous voulons établir une relation plus directe avec nos clients et les mettre davantage en contact entre eux. Cela se fera, entre autres, grâce à des activités sportives. Nos boutiques, comme celles de Chamonix (France), Jackson Hole (Wyoming) et Squamish (Colombie-Britannique) deviendront davantage des lieux d'échange et de ralliement. Pour y arriver, nous nous appuierons sur des ambassadeurs et des ambassadrices locaux. Ce sont eux qui stimuleront nos activités.

D.B. - Quel est votre plus grand défi de la prochaine année ?

J.H. - Gérer l'impact des fluctuations des devises sur notre rentabilité. C'est l'envers de la médaille d'une stratégie fondée sur l'exportation.

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