J'ai survécu à une crise


Édition du 23 Septembre 2020

J'ai survécu à une crise


Édition du 23 Septembre 2020

Par Claudine Hébert

(Photo: 123RF)

Déluge, verglas, inondations, dumping chinois : bien avant la COVID-19, d'autres crises ont ébranlé des PME. Chaque fois, des entreprises n'ont pas survécu, tandis que d'autres, au contraire, ont su rebondir.

«Bienvenue chez des survivants !» lance d'emblée François Caron, PDG de Trica, rencontré à la fin du mois d'août dans sa salle d'exposition de l'usine de Saint-Jérôme. Même caché derrière son masque noir, le large sourire qu'affiche ce fabricant de meubles haut de gamme est perceptible à travers le matériel.

Depuis la réouverture de l'usine, en mai, à la suite d'un congé forcé de deux mois (confinement oblige), les commandes fusent de partout. Les ventes hors Québec représentent plus de 75 % des revenus de l'entreprise, soulève le dirigeant qui défile fièrement à travers ses collections. Ces lits, ces commodes, ces tables et ces chaises de salle à manger signés Trica font actuellement fureur au Québec, mais surtout à Miami, à New York et à San Francisco. Le trophée reçu dans le cadre de la soirée MercadOr Laurentides à titre de «Leader à l'exportation», en octobre 2019, trône justement à la réception.

Pourtant, les affaires n'ont pas toujours roulé rondement pour Trica. Il suffit de mentionner l'année 2008 pour deviner la grimace qui se dessine sur les lèvres de l'entrepreneur de 54 ans. «Des souvenirs très douloureux», murmure-t-il. Il faut savoir qu'au tournant des années 2000, les tabourets que fabriquaient les frères François et Yves Caron étaient très populaires à la grandeur de l'Amérique du Nord. «Plus de 80 % de nos produits étaient vendus aux États-Unis», se souvient celui qui a cofondé la PME en 1988.

Toutefois, une tempête parfaite s'est abattue sur l'entreprise en 2008. C'est l'année où les Asiatiques ont inondé le marché ; le dollar canadien a grimpé pour atteindre et même dépasser la parité ; le coût des matières a explosé et, pour compléter ce tableau déjà catastrophique, la crise des prêts hypothécaires a éclaté. «En quelques mois, notre chiffre d'affaires qui frôlaient les huit chiffres a fondu de plus de 65 %. Nos détaillants américains fermaient leurs portes un à un. Même leur banque faisait faillite», raconte le fabricant.

Le plus dur se vivait toutefois sous le toit de l'usine de la rue Pasteur. Ils étaient 175 employés au début de l'année 2008. Trois ans plus tard, la PME n'en comptait plus que 60. «Chaque semaine, en fonction des maigres rentrées, je devais établir quels étaient les cinq prochains noms sur la liste des licenciements. Parmi ces employés, plusieurs comptaient plus de 15 ans d'ancienneté. Ç'a été une période crève-coeur !» confie François Caron.

Des finances en béton

Comment Trica a-t-elle réussi à s'en sortir ? «Si nous n'avions pas eu de solides finances, l'entreprise serait plus qu'un triste souvenir aujourd'hui», répond l'entrepreneur. Il précise que son frère Yves, économiste de formation, a toujours tenu serrés les cordons de la bourse. Les parts d'Yves, parti à la retraite, ont d'ailleurs été rachetées par un comptable agréé, Alexandre Paquette, devenu aujourd'hui le nouvel associé de François Caron.

Une saine santé financière a également valu une fière chandelle à Clément Gaudreault, qui dirige la plomberie J. Oscar Gaudreault, à Saguenay, une entreprise familiale fondée par son grand-père en 1904. En juillet 1996, les deux bâtiments de l'entreprise, situés sur la rue Price, à Chicoutimi, ont été endommagés par le déluge qui a causé une inondation de plus de deux mètres d'eau. «Si j'avais attendu l'aide gouvernementale, l'entreprise n'existerait plus en 2020», soutient le plombier qui a dû relocaliser sa PME un pâté de maisons plus loin.

En plus des bâtiments, deux des cinq camionnettes de la PME d'une douzaine d'employés ont été déclarées pertes totales. «Bien que la Croix-Rouge nous ait offert 30 000 $ pour racheter de l'équipement, c'est une somme de plus de 300 000 $ que j'ai dû sortir de ma poche pour que l'entreprise puisse reprendre ses activités au retour des vacances de la construction», souligne le septuagénaire qui a même fait un infarctus un an après le déluge.

Le plombier Gaudreault, qui est maintenant coactionnaire de la PME avec ses deux fils Patrick et Daniel, dit avoir reçu une compensation gouvernementale il y a trois ans. Une somme, dit-il, qui couvrait à peine 20 % des frais que lui a coûté cette tragédie.

Diversifier ses activités

Outre des finances en béton, le bijoutier Juan Labrecque, à Sainte-Marie, mise aussi sur la diversification des activités pour être plus agile par rapport aux crises. Fondée par son père Clermont en 1979, la bijouterie familiale a subi quatre inondations majeures (1987, 1991, 2014 et 2019) en 40 ans dues aux crues de la rivière Chaudière. La toute dernière inondation a entraîné la fermeture du commerce pendant neuf jours, en avril 2019. «L'équivalent, dit-il, de la perte d'un mois de revenus.»

La dernière crue a également forcé la Bijouterie Clermont Labrecque à devoir quitter le coeur de la ville, comme plus d'une centaine de résidents et d'autres commerces, eux aussi chassés de la zone inondable. Une dépense qui frôle les 200 000 $.

Heureusement, soutient le bijoutier de 34 ans, le site web du commerce est à jour depuis deux ans. De plus, dit-il, la bijouterie a investi quelque 30 000 $ en 2008 dans un équipement au laser qui permet la réparation de bijoux et de lunettes sur place. Un service très populaire qui représente aujourd'hui près du quart des revenus de l'entreprise. «Reste à voir maintenant comment se comportera le prix de l'or», ajoute le bijoutier. Un autre facteur sur lequel la PME de cinq employés n'a aucun contrôle.

 

François Caron PDG de ­Trica (Photo: courtoisie)

 

Chez Trica, la diversification de la fabrication a également constitué une des bouées de sauvetage. «J'avais beau établir de nouvelles stratégies pour la vente de nos tabourets, rien ne fonctionnait. Je me sentais comme un boxeur pris dans les cordes qui se fait bombarder de coups de poing», se rappelle François Caron.

Jusqu'au jour où le fabricant a compris que sa PME pouvait changer son modèle d'affaires sans en affecter son ADN. «Nous étions reconnus pour notre innovation, notre qualité, notre service et notre expertise à introduire l'acier dans la composition de nos tabourets. Nous allions désormais transposer ces forces dans la fabrication du mobilier haut de gamme.»

Du jour au lendemain, l'entrepreneur a délaissé les Home Depot, Brick et Brault & Martineau pour cogner à la porte de Maison Corbeil, au Québec, ScanDesign, en Floride et ABC Carpet & Home, à New York. Au cours d'un de ses voyages d'affaires à chercher de nouveaux clients, le fabricant a d'ailleurs fait une découverte, devenue un des éléments signatures des meubles Trica. «J'ai réalisé que l'intérieur de ma valise protégeait mieux mes vêtements que le fond de mes commodes en bois. Depuis, tous les tiroirs de nos meubles pour chambre à coucher sont recouverts d'un tissu, de vinyle ou encore de cuir.»

Au bout du compte, le nouveau modèle d'affaires a été bénéfique pour relancer la PME qui compte à nouveau plus de 150 employés. Grâce à ce changement, qui a ramené l'entreprise en terrain profitable, Trica exporte aujourd'hui près de 5 % de sa production dans un pays qui a bien failli lui coûter sa perte : la Chine.

 

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