Une "grosse pointure" qui vend du bonheur

Publié le 18/06/2011 à 00:00, mis à jour le 01/11/2013 à 13:26

Une "grosse pointure" qui vend du bonheur

Publié le 18/06/2011 à 00:00, mis à jour le 01/11/2013 à 13:26

Par Diane Bérard

Crédit: Bloomberg

En juin 2011, 700 cadres venus de 32 pays se sont réunis au Best Buy Theater de Times Square. Parmi les conférenciers, le célébrissime Tony Hsieh, 37 ans, pdg du site d'achats en ligne Zappos, spécialisé en souliers, et auteur de Delivering Happiness.

DIANE BÉRARD - Vous prônez la gestion par le bonheur, mais personne n'est heureux constamment dans sa vie personnelle. Comment pourrait-on l'être toujours au travail ?

Tony Shieh - Je ne garantis absolument pas à mes employés qu'ils seront heureux cinq jours sur les cinq passés au travail. Par contre, je leur permets d'être eux-mêmes 5 jours sur 5. C'est une source de bonheur beaucoup plus durable. Vous ne pouvez pas être heureux au travail si vous laissez une partie de vous à la maison.

D.B. - Vous pensez qu'il faut inspirer ses employés plutôt que chercher à les motiver. Pour quelle raison ?

T.S. - L'inspiration est ancrée plus profondément que la motivation. Elle est liée à la culture de l'entreprise, alors que la motivation repose souvent sur des éléments extérieurs.

D.B. - Zappos ne recrute que des personnes en accord avec sa culture. Comment peut-on juger de cette harmonie ?

T.H. -L'arrimage avec notre culture est une condition d'embauche depuis 2005. Nos recruteurs ont développé des tactiques pour en juger. Nous menons toujours deux entrevues : l'une pour vérifier les compétences, l'autre, pour vérifier les valeurs. Nous avons instauré une période de probation de quatre semaines, dont deux passées avec l'équipe de fidélité-clients [NDLR : C'est ainsi que Zappos a rebaptisé son centre d'appels]. Ces quatre semaines font suite aux deux entrevues. Vous pouvez prétendre être un autre le temps d'une entrevue, mais pas pendant quatre semaines.

D.B. - Vous avez mis un certain temps à trouver le bonheur au travail...

T.H. -Je me suis trompé trois fois. J'ai travaillé cinq mois pour Oracle. Puis, j'ai créé une entreprise dot-com, LinkExchange, avec des copains. Ce fut le paradis jusqu'à ce que nous atteignions 20 employés. Ce jour-là, nous avions embauché tous nos amis ! Nous avons dû recruter en nous fiant uniquement à leurs compétences. Résultat : à 100 employés, me lever le matin est devenu une corvée. J'ai vendu à Microsoft et je me suis transformé en capital-risqueur. Je n'ai pas aimé. Les lignes de côté, ce n'est pas mon truc. Zappos était une des 20 sociétés dans laquelle j'avais investi, j'en suis devenu pdg plutôt qu'actionnaire. Mais en retenant les leçons de ma première entreprise... d'où l'importance de la culture.

D.B. - Qu'est-ce qui vous rend heureux au travail ?

T.H. -Bâtir et créer.

D.B. - Ce qui vous rend malheureux ?

T.H. -M'ennuyer. Pour combattre l'ennui, je change mon environnement ou les personnes autour de moi.

D.B. - Vous affirmez que Zappos vend du " bonheur dans une boîte ". Qu'est-ce que cela signifie ?

T.H. -En fait, tout notre argent va au service à la clientèle. Notre publicité, ce sont nos clients : 75 % de nos ventes viennent d'acheteurs à répétition. D'ailleurs, lors d'une visite guidée de nos locaux, un visiteur s'est éloigné du groupe. Je l'ai trouvé en discussion avec un représentant de notre équipe de fidélité-clients : il exigeait de voir le relevé de transactions de sa femme. Il a appris qu'elle avait dépensé 50 000 $ chez nous ! Qu'il se console, elle n'est pas la seule...

D.B. - Décrivez-nous votre service à la clientèle, pierre angulaire de votre stratégie.

T.H. -Nous offrons la livraison gratuite dans les deux sens : vous pouvez commander 10 paires de souliers, les essayer chez vous et en retourner 9. Vous avez 365 jours pour retourner un article, ce qui vous donne le temps de vous faire une idée. Les membres de notre équipe de fidélité-clients n'ont aucun script préétabli : ils utilisent leur jugement et, surtout, ils connaissent la culture Zappos. Récemment, nous avons battu un record : le plus long appel entre un client et un employé a duré 8 h 23.

D.B. - Pourquoi vous êtes-vous retiré du marché canadien, en mars dernier ?

T.H. -Vos frais de douane trop élévés ne nous permettent pas d'offrir le niveau de service et d'expérience-client qui est la norme chez Zappos.

D.B. - En juillet 2009, vous avez vendu Zappos à Amazon pour 807 millions de dollars. Comment s'est déroulé le passage de patron à employé ?

T.H. -Très bien. Tout ce qui a changé, c'est le CA et la ville où se déroulent les réunions. J'exagère à peine. Zappos n'a pas changé. C'était d'ailleurs une condition de vente. Avant de vendre, j'avais inscrit mes attentes quant à la suite des choses sur une feuille. Et je conseille à tout entrepreneur d'en faire autant. Jusqu'à présent, Amazon nous laisse être ce que nous avons toujours été. Et, si elle se montrait interventionniste, je sortirais ma feuille !

D.B. - Zappos tourne rondement. À quoi comptez-vous occuper votre temps ?

T.H. -Je vais bâtir une nouvelle ville ! Le siège social de Zappos déménage et s'installe dans l'ancien hôtel de ville de Las Vegas. Le quartier a besoin d'être revitalisé, et nous y contribuerons. Nous bâtirons le campus Zappos, une communauté comprenant un volet artistique, une cuisine communautaire, un jardin biologique, etc. Ce sera une version réelle du jeu Sim City, où l'internaute crée une ville (" From Sin City to Sim City "). Ensuite, nous partagerons notre expérience avec d'autres villes.

D.B. - Y a-t-il une entreprise que vous admirez ?

T.H. -Oui, In-N-Out Burger (in-n-out.com), une entreprise familiale de la côte ouest des États-Unis. Elle ne fait aucun compromis sur la qualité de ses aliments et place le service à la clientèle au-dessus de tout. Elle roule grâce au bouche-à-oreille depuis 1948.

D.B. - Quelle entreprise du Fortune 500 admirez-vous le plus ?

T.H. -Aucune.

LE CONTEXTE

Célébrité du monde des affaires, Tony Hsieh a lancé son livre Delivering Happiness en juin 2010 en faisant la tournée de 23 villes à bord de son " autobus du bonheur ". Pendant trois mois et demi, Tony Hsieh, accompagné d'une poignée d'employés, a donné trois conférences par jour portant sur la culture du bonheur et du service à la clientèle. Du livre est née une communauté au sein de laquelle s'échangent anecdotes et conseils.

SAVIEZ-VOUS QUE

Zappos a créé zapposinsights.com, qui organise des visites guidées ainsi que des cours et des sessions intensives (bootcamps) pour gérer autrement.

" Il faut inspirer ses employés plutôt que chercher à les motiver. L'inspiration est ancrée plus profondément que la motivation, qui repose sur des éléments extérieurs. "

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