Trois mois pour vous imposer

Publié le 03/10/2008 à 21:18

Trois mois pour vous imposer

Publié le 03/10/2008 à 21:18

Par lesaffaires.com
Vous venez de décrocher le poste que vous convoitiez ? Félicitations ! Mais vous n'êtes pas sorti de l'auberge : vous avez trois mois pour faire vos preuves.

Oubliez la lune de miel : à l'instar des politiciens, dont les faits et gestes sont analysés après 100 jours au pouvoir, les premières semaines d'un gestionnaire à un nouveau poste sont cruciales. En fait, cette période déterminera probablement son avenir au sein de l'entreprise. "Quatre dirigeants sur dix démissionnent ou sont congédiés dans les 18 mois suivant leur nomination, constate Richard Joly, associé principal de la firme de recrutement de cadres Korn/Ferry International. Dans la plupart des cas, cet échec s'est manifesté au cours des trois premiers mois."

Cela n'a rien à voir avec la formation, les connaissances et les compétences tangibles du nouveau promu. Le problème se situe plutôt du côté des relations interpersonnelles et de la culture de l'organisation. Ainsi, les principales erreurs consistent à mal définir les priorités stratégiques, à adopter des comportements contraires à la culture organisationnelle et à consacrer trop peu de temps aux membres de l'équipe, d'après un sondage de Korn/Ferry mené en 2004 auprès des 100 plus grandes entreprises de Montréal. "Quand vous accédez à un nouveau poste, votre priorité devrait être de comprendre l'entreprise et de bâtir des relations avec vos collègues, affirme Richard Joly. C'est ce qui vous permettra de survivre." C'est tellement vrai que certaines firmes, dont Knightsbridge Talents stratégiques, une boîte de gestion du capital humain, proposent même un programme de coaching d'intégration des nouveaux cadres. "L'employeur s'attend à ce que tout gestionnaire soit fonctionnel rapidement, dit Louise Macdonald, associée. Or, celui-ci monte à bord d'un train en marche. Son défi consiste à s'accrocher sans faire de manoeuvres qui risquent de le faire tomber."

Ouvrez grand les yeux et les oreilles

Les recettes qui vous ont réussi dans votre emploi précédent ne sont pas nécessairement appropriées à vos nouvelles fonctions. "Avant d'instaurer des changements, il faut connaître l'état de santé de l'entreprise, c'est-à-dire comprendre ses rouages, ses marchés, sa culture, ses forces et ses faiblesses", souligne Yves Gosselin, président et chef de la direction d'Emco Matériaux de construction depuis deux ans. L'observation est une étape essentielle. Quand Yves Gosselin est entré en fonction, il a passé beaucoup de temps dans ses bagages. Il a fait la tournée des quatre usines, situées à LaSalle, Joliette, Pont-Rouge et Edmonton. Il a effectué des visites de courtoisie aux principaux clients et fournisseurs d'un bout à l'autre du Canada. Il a aussi assisté à des présentations de chacun des services de cette entreprise de 1000 employés. "Vous devez écouter beaucoup et parler très peu", conseille-t-il. À cette étape, non seulement vous recueillez de l'information, mais vous bâtissez une relation de confiance avec les employés et les partenaires.

L'arrivée d'un nouveau patron suscite de l'insécurité. Certaines personnes cherchent son approbation pour des détails. D'autres voudraient qu'il se mouille rapidement dans des dossiers importants. "Ayez une attitude rassurante, mais résistez aux pressions, recommande Yves Gosselin. Ne vous avancez pas sans avoir une idée claire de la situation." Prenez soin, cependant, de communiquer votre philosophie de gestion, vos attentes et votre mode de leadership.

Cadre à la société pharmaceutique Pfizer, Theresa Firestone s'est elle aussi mise en mode d'apprentissage quand, en mai 2005, elle a troqué son poste de vice-présidente aux affaires gouvernementales et publiques pour celui de vice-présidente aux ventes. Elle connaissait l'entreprise, et le niveau hiérarchique était le même. Elle n'avait toutefois aucune connaissance des ventes. Sa première démarche a donc été de parcourir le pays pour rencontrer le plus de représentants possible. Elle les conviait au restaurant par groupes de cinq ou six. "Vendre dans une zone urbaine au Québec est bien différent de vendre dans une région rurale du Manitoba. Je voulais bien saisir les particularités de chaque territoire et connaître les enjeux et les défis qui y sont liés."

Pendant cette période, la nouvelle vice-présidente aux ventes a posé une foule de questions aux représentants. Comment évolue la demande? Y a-t-il des difficultés particulières associées au territoire que vous couvrez? Qu'aimez-vous dans votre travail? Quels sont les facteurs d'irritation? Comment ceux-ci nuisent-ils à vos tâches? Que feriez-vous de différemment? Qui sont les concurrents? Si vous étiez à ma place, quelles seraient vos priorités? "Les réponses à ces questions m'ont aidée à établir mes priorités, notamment en ce qui concerne les dossiers sur lesquels je devais prendre une décision dans de brefs délais."

Ne craignez pas de poser des questions qui peuvent paraître simplistes. "Je n'hésitais jamais à demander des explications sur tel ou tel aspect, dit Theresa Firestone. Les gens étaient très ouverts à cela. Après tout, si on ne s'assure pas de bien comprendre, on risque de commettre des erreurs." Louise Macdonald estime que l'arrivée à un nouveau poste est l'occasion idéale de questionner les gens sur la raison d'être ou la valeur ajoutée d'une méthode ou d'un mode de fonctionnement. "Quand on fonctionne depuis longtemps d'une certaine façon, on agit un peu sur le pilote automatique. En tant que nouveau venu, vous avez un regard neuf. C'est en posant des questions que vous découvrirez des aspects à améliorer."

Dans les premiers jours suivant votre arrivée, allez dîner en tête-à-tête avec chacun de vos proches collaborateurs. Posez des questions semblables à celles énumérées plus haut, mais tentez aussi d'en savoir plus sur la personne elle-même. A-t-elle des enfants? Quels sont ses intérêts? Ses loisirs? "L'essentiel de la conversation doit porter sur le travail, mais vous voulez aussi mieux connaître la personne qui occupe la fonction", rappelle Richard Joly.

"Vous devez également élargir votre réseau et établir des alliances à l'extérieur de votre division", estime pour sa part Patrice Borreman, conseiller chez Belle Isle, Djandji Recherche de cadres. Au cours des premières semaines, réservez quelques petits-déjeuners pour discuter avec les autres directeurs et vice-présidents. Assurez-les de votre entière collaboration.

Lors de ces rencontres, résistez à la tentation d'étaler vos faits d'armes. Vous n'êtes plus en entrevue d'embauche. Pour vous faire apprécier, l'humilité est préférable à la vantardise. Enfin, soyez attentif aux règles informelles qui constituent la culture de l'entreprise: la façon de régler les conflits, l'importance accordée à la hiérarchie, les interactions entre les paliers hiérarchiques, les valeurs et les attitudes valorisées, les manières de prendre des décisions, les leaders informels, etc.

Clarifiez votre rôle

Tout n'a pas été dit lors des entrevues de recrutement. Le poste pour lequel vous avez été embauché peut être très différent d'une entreprise à l'autre. C'est pourquoi il est impératif de valider avec votre patron ou avec le conseil d'administration les attentes nourries à votre égard. Qu'attendez-vous de moi? Que j'augmente les ventes? Comment? Par des acquisitions ou par le lancement de nouveaux produits?

Bref, définissez votre mandat et vos responsabilités. D'après le sondage de Korn/Ferry sur l'intégration des cadres supérieurs, le nouvel arrivant devrait déterminer les priorités du président et du conseil d'administration et les faire siennes. C'est ce qui le guidera ensuite dans les orientations à prendre.

"Clarifiez aussi votre marge de manoeuvre et les indicateurs de performance qui serviront à vous évaluer", indique Louise Macdonald. Informez-vous du type de suivi souhaité par votre supérieur. S'attend-il à recevoir un compte rendu à chaque étape? Préfère-t-il des rapports écrits? Une rencontre à l'heure du lunch?

Après avoir observé, vous devez agir. Au cours des premières semaines, vous pouvez mettre en oeuvre des changements mineurs. "Pour établir votre crédibilité, vous devez remporter des victoires rapidement, affirme Patrice Borreman. Vous pouvez adopter des mesures simples qui donnent des résultats tangibles en faisant, par exemple, des ajustements dans les méthodes de travail." Toutefois, pour les aspects plus stratégiques, la fin du premier trimestre constitue une échéance raisonnable. Ainsi, Yves Gosselin a présenté son plan d'action au conseil d'administration environ trois mois et demi après son entrée en fonction.

Envie d'aller plus loin? Lisez l'un des meilleurs livres sur le sujet : The First 90 Days, par Michael Watkins, Harvard Business School Press, 2003, 253 p.

Les faux pas à éviter

- Faire des changements trop rapides. À moins que votre mandat ne consiste à redresser une entreprise, modérez vos ardeurs. Faites-vous une image claire de la situation avant d'agir. Sinon, vous risquez de prendre des décisions ne concordant pas avec les valeurs de l'entreprise. Comme le dit si bien Yves Gosselin, pdg d'Emco Matériaux de construction, "la plupart du temps, on attend une évolution, pas une révolution".

- Déprécier les façons de faire. Évitez d'émettre des critiques du style "tout ce qui se faisait avant mon arrivée n'était pas bon". Vous vous feriez détester.

- Écouter les ragots. Ne procédez pas à des changements ou à des rétrogradations sur la foi de racontars. Donnez-vous le temps de juger par vous-même. "Et si ce qu'on vous a dit sur un collaborateur est vrai, vous lui aurez au moins donné l'occasion de prouver son incompétence!" lance Louise Macdonald, associée chez Knightsbridge Talents stratégiques.

- S'isoler. "Il y a tant d'informations à assimiler que certains gestionnaires négligent les relations interpersonnelles, alors que c'est justement la clé de la réussite", constate Patrice Borreman, conseiller chez Belle Isle, Djandji Recherche de cadres. Ne tardez pas à dîner avec vos collaborateurs et les personnes clés de l'entreprise. Allez sur le terrain. Visitez les usines, piquez une jasette avec les employés, rencontrez les principaux clients et fournisseurs. C'est votre meilleur investissement.

Cet article a été publié dans la revue Affaires Plus en janvier 2007.

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