Systèmes de paie : pas de place à l'erreur


Édition du 10 Septembre 2016

Systèmes de paie : pas de place à l'erreur


Édition du 10 Septembre 2016

Par Benoîte Labrosse

La modernisation d'un système de paie comporte son lot d'imprévus, a fortiori quand il contrôle la rémunération de près de 300 000 employés. Personne n'a donc été très surpris que la mise en place du nouveau logiciel du gouvernement fédéral, baptisé Phénix, se soit soldée par l'inexactitude du salaire versé à plusieurs fonctionnaires - ou à son absence. Sauf qu'il est plus inattendu de constater que, sept mois après le début de son implantation, des dizaines de milliers d'employés ne sont toujours pas payés correctement et que de nouvelles erreurs continuent d'être signalées.

Seuls environ 10 % des quelque 84 000 cas problématiques - liés entre autres à des augmentations salariales, des vacances, des heures supplémentaires et des emplois saisonniers - avaient été réglés au 24 août. Et l'échéance pour tous les résoudre, fixée par Ottawa au 31 octobre, pourrait ne pas être respectée, a alors admis la sous-ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Marie Lemay.

«C'est complètement inacceptable que ce dossier ait autant traîné», déclare Denis Morin, professeur en gestion des ressources humaines à l'ESG UQAM à Montréal. «Il aurait dû être prioritaire, car la rémunération est au coeur même de la relation d'emploi. Une telle situation risque de miner la crédibilité du service des ressources humaines.»

«Le but ultime d'un professionnel de la paie est de s'assurer que les employés soient payés à temps et correctement, en conformité avec les règles et les lois», signale Gaetano Gagliardi, conseiller en conformité de la paie à l'Association canadienne de la paie (ACP). «Si jamais [le professionnel] se rend compte qu'il y a une erreur, celle-ci doit être corrigée très rapidement. Pas seulement pour respecter les normes du travail, mais aussi parce qu'elle peut grandement nuire à la vie personnelle et financière des employés.»

De nombreuses conséquences

Les ratés en matière de rémunération peuvent également avoir des impacts sur l'entreprise. «Cela génère un manque de confiance à l'égard de l'organisation et réduit potentiellement l'engagement au travail, l'efficacité et la productivité, énumère M. Morin. Vous risquez également d'affaiblir la motivation des gens, qui se demanderont pourquoi ils devraient s'investir davantage alors que l'organisation ne fait pas attention à leur paie.»

«Le mécontentement d'un employé, jusqu'où ça peut aller ? Nous ne le savons pas. Il peut se manifester de bien des façons», avertit Marie Lyne Dion, coordonnatrice de la gestion salariale à la Société de transport de Montréal (STM) et ancienne présidente du conseil d'administration de l'ACP. «Il y a aussi des risques monétaires : des pénalités et des intérêts pour des versements en retard ou des calculs faits incorrectement», ajoute M. Gagliardi.

Sans oublier les dépenses relativement à la gestion de crise. Au 24 août, Ottawa avait déjà déboursé 25 millions de dollars pour tenter de remédier aux problèmes de versement des salaires, par exemple en ouvrant quatre «unités de paie temporaires» destinées à accélérer le traitement des dossiers. Le coût de cette mesure d'urgence «continuera assurément de grimper», a noté la sous-ministre Lemay. Entre autres une fois enclenché le processus de réclamation visant les employés lésés, qui devraient bientôt être en mesure de remplir en ligne une demande de remboursement des frais occasionnés par les ratés du système Phénix.

«Une bonne pratique», croit Mme Dion. Il en va de même pour la fréquence des mises à jour faites par le gouvernement. «Plus les employés reçoivent de l'information, moins il y a de place à l'interprétation».

Prendre ses précautions

Bogues informatiques, panne d'électricité, catastrophes naturelles, jours fériés, erreurs humaines... Les types d'incidents qui peuvent nuire à la rémunération sont nombreux. Pour y réagir, une bonne planification en amont est primordiale. «La gestion de la paie doit être la priorité numéro un des ressources humaines, rappelle le professeur Morin. Vous devez avoir un plan A, un plan B et même un plan C.»

«Il faut un plan de contingence, parce que les entreprises ne sont pas à l'abri, renchérit Mme Dion. Les travailleurs du service de la paie ont la responsabilité de distribuer une paie exacte et à temps, donc ça prend des gens qui ne paniqueront pas et qui seront capables de se retourner sur un 10 cents.» Par exemple, en négociant une «avance globale» avec leur institution financière afin de verser une paie identique à la précédente en cas de pépin, avant de la réajuster.

«La meilleure façon de réagir est de s'arrêter pour comprendre où se sont glissées les erreurs, quelles en sont les conséquences, comment faire pour les atténuer et éviter que le problème ne se reproduise», résume M. Gagliardi.

Finalement, de la formation doit impérativement être prévue en amont de l'implantation d'un nouveau système, puis bonifiée au besoin. Ottawa a d'ailleurs annoncé être «en train de mettre au point des outils améliorés et des cours de formation supplémentaires» concernant Phénix. «Selon ce que nous lisons, ils sont sûrement sur la bonne voie, dit Marie Lyne Dion. De toute façon, ça ne peut pas continuer... Personnellement, je trouve cette situation incroyable : je ne pense pas que le métro marcherait si ça faisait six mois que la STM n'avait pas payé ses employés !»

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