Robert Dutton: leadership et valeurs

Publié le 27/11/2008 à 11:55

Robert Dutton: leadership et valeurs

Publié le 27/11/2008 à 11:55

Par lesaffaires.com

Pour que la nouvelle gouvernance soit efficace, le dirigeant doit avoir une vision de l'ensemble des activités de l'entreprise.


Il faut qu'il transcende les règles pour toucher aux valeurs. On doit passer de la gouvernance à l'éthique. En d'autres termes, on doit passer de l'observance par certains à l'engagement par tous.

Clés pour un leadership éthique

D'abord, passer des règles aux valeurs. Je ne parle pas des valeurs qui sont simplement codifiées dans un code d'éthique d'entreprise. Après tout, Enron avait un code d'éthique. Je parle plutôt de valeurs que chaque employé assume pour soi. Pour avoir des chances de déboucher sur l'engagement de tous, il faut que les valeurs d'une organisation satisfassent à trois conditions : la simplicité, l'universalité, la testabilité.

Première condition : la simplicité. Les valeurs doivent être assez simples pour être comprises par tous et pour que tous comprennent la même chose! Une valeur doit pouvoir s'exprimer dans une phrase simple, voire un ou deux mots si possible.

Si j'ai besoin d'un paragraphe entier pour exprimer une valeur, c'est le symptôme d'un problème. Soit je veux noyer le poisson, soit je veux me ménager des portes de sortie.

Deuxième condition : l'universalité. Nous vivons dans une époque de pluralité culturelle. Cela concerne toutes les entreprises, pas seulement les multinationales. Dans une société comme la nôtre, la quasi-totalité des milieux de travail sont multiculturels. Si la diversité culturelle ne vient pas de la diversité ethnique, elle peut provenir de la cohabitation de groupes d'âge, qui sont sociologiquement distincts. Si on veut rassembler une entreprise autour de quelques valeurs phares, on doit lui soumettre des valeurs qui transcendent les cultures et qui soient acceptables par tous. À la limite, on doit proposer des valeurs qui ont quelque chose d'incontestable. Et il y en a!

Troisième condition d'une bonne valeur : la testabilité. Une valeur ne doit pas être un truisme. Elle doit pouvoir se traduire en comportements dans des situations réelles. Elle doit constituer une contrainte véritable pour les comportements.

Exemples de valeurs

Voici des exemples de valeurs qui possèdent ces trois caractéristiques. Ainsi l'enrichissement durable. C'est simple.
C'est universel. C'est testable. Et cela a des implications substantielles. Par exemple, l'entreprise doit créer une valeur économique par ses activités - pas simplement s'approprier la valeur créée par d'autres. Cette valeur doit être durable, ce qui implique que l'entreprise doit articuler sa stratégie autour d'une vision à long terme. On a vu des entreprises maintenir artificiellement le niveau de leur bénéfice avec une stratégie de désinvestissement. Donc, des profits immédiats au détriment de la capacité de croissance. L'enrichissement durable implique également l'innovation et l'investissement, notamment dans les ressources humaines.

La vérité. Voilà une autre valeur simple, une autre valeur testable et incontestable. Chaque culture exprime la vérité de façon différente, en utilisant des codes différents. La façon japonaise de dire la vérité n'a rien à voir avec la façon américaine d'être franc. Mais je ne crois pas me tromper en disant que les deux cultures reposent, autant l'une que l'autre, sur la nécessité de dire la vérité. La vérité constitue d'ailleurs une valeur sous-jacente à toute la reforme actuelle de la gouvernance.

Et pourtant, voilà une valeur qui pose tellement problème! Car adopter comme valeur la vérité, cela implique de ne pas mentir. Ne pas mentir aux actionnaires. Ne pas mentir aux clients. Ne pas mentir aux employés. C'est simple. Mais essayez, vous verrez combien c'est exigeant!

La dignité. Voilà une valeur qui, à elle seule, peut presque tenir lieu de politique de ressources humaines. Cela veut dire qu'on ne donne pas aux travailleurs des tâches ou un environnement qui vont les tuer ou détériorer leur santé. Cela veut dire que la recherche de l'efficacité ne doit pas être faite au détriment de la santé psychique des cadres ou des employés.

La justice. Voilà une autre valeur qui est intéressante au point de vue de l'engagement. Cette valeur se traduit par l'équité salariale, l'équité des chances d'avancement, la répression de toute forme de discrimination. Et, bien sûr, elle entraîne une notion de partage avec le milieu.

Enrichissement durable, vérité, dignité, justice. Seulement cinq mots, mais tout un programme! Pour une entreprise qui arrive à assumer ces valeurs dans sa vie quotidienne, la nouvelle gouvernance cesse d'être un enjeu en soi. Elle est intégrée à ses façons de faire.

La difficulté, c'est justement d'engager l'entreprise dans le respect de ces valeurs et de faire en sorte qu'elles se traduisent dans des comportements quotidiens. On pourrait, bien sûr, écrire un code d'éthique complet en élaborant ces quatre valeurs. Je n'ai rien contre les codes d'éthique. Ils constituent un bon outil de réflexion pendant qu'on les fait. Après, ils demeurent un bon outil de référence, si on se rappelle où on les a rangés. Mais un code d'éthique, ça ne fait pas le travail. Il n'y a qu'une façon efficace, et une seule, de généraliser les comportements éthiques dans l'entreprise. C'est par l'exemple.

Note
1. Extraits d'un discours fait à CIRANO, à l'Université de Montréal, le 29 septembre 2004. Reproduit avec la permission de l'auteur.

Robert Dutton est président et chef de la direction de RONA inc.

Cet article a été publié dans la revue Gestion de HEC Montréal (volume 33 / numéro 3 · Automne 2008). Pour accéder gratuitement à d'autres articles de la revue Gestion, cliquez ici. Simplement entrer le nom d'utilisateur : urgenceleadership et le mot de passe : promotion 

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