Recruter au bout du monde

Publié le 03/09/2009 à 14:48

Recruter au bout du monde

Publié le 03/09/2009 à 14:48

Par lesaffaires.com

Pour trouver des employés, certaines entreprises prennent les grands moyens et vont les chercher à l'étranger. Voici comment.


L'an dernier, le bureau de CGI à Québec a participé à deux missions de recrutement en France. Pour la première, qui a duré une semaine, la direction s'est rendue à Paris, Lyon et Toulouse. Dans chaque ville, c'est le même scénario : la firme de consultants installe son kiosque dans une foire de l'emploi. " Nous nous assurons d'avoir une bonne visibilité, raconte Bernard Labelle, vice-président principal de CGI pour la ville de Québec. Il est surprenant de constater à quel point le nom CGI, accompagné d'une annonce du type "Possibilités de carrières au Québec", peut recueillir facilement beaucoup de bonnes candidatures. " En effet, en une semaine, l'entreprise a recruté vingt spécialistes des technologies de l'information. De quoi l'inciter à participer à une deuxième mission de recrutement.

CGI n'est pas seule à avoir traversé l'océan pour venir à bout de pourvoir ses postes vacants : une dizaine d'entreprises de la région de Québec, dont DMR et Genivar, ont participé à ces missions organisées par le PÔLE Québec-Chaudière-Appalaches, un organisme de développement économique. Ces séjours donnent un bon coup de pouce, certes, et permettent de réaliser un grand nombre d'entrevues sur place. Toutefois, pour l'entreprise qui recrute, le travail ne fait que commencer. Il reste la gestion administrative, qui consiste à obtenir les autorisations nécessaires pour faire venir au Québec les candidats retenus. " Je ne dirais pas que le processus est simple et facile, mais ça se passe plutôt bien. En tout cas, ce n'est pas cela qui nous empêchera de continuer dans cette voie ", affirme Bernard Labelle.

Recruter en pleine récession 

Il peut sembler curieux, en pleine récession, que l'on cherche à recruter de façon aussi active. Mais, comme le souligne la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, Yolande James, " même en période de difficultés économiques, où malheureusement, il y a des mises à pied, certains secteurs et certaines régions connaissent toujours des pénuries de main-d'oeuvre ".

À Québec, CGI fait partie de ces entreprises dont les affaires tournent ronde-ment. Les différents ministères représentent 70 % de la clientèle de cette unité d'affaires, qui compte 1 150 employés. Et le gouvernement provincial a choisi de ne pas réduire ses investissements en technologies de l'information, malgré le contexte économique. CGI Québec se retrouve donc avec un " beau problème " sur les bras : elle a des contrats, mais pas assez d'employés pour les réaliser. Car il faut ajouter que le secteur des technologies de l'information fait face à une pénurie de main-d'oeuvre qui vient s'ajouter à celle dont le Québec souffre présentement.

Prendre l'avion et participer à une foire de l'emploi est une façon de recruter à l'étranger. D'autres sociétés parviennent au même résultat... sans se déplacer, comme l'explique Alexandre Teodoresco. Sa firme, Global Nomad, offre aux entreprises québécoises des services de recrutement à l'international. " Nous agissons comme une firme de chasseurs de têtes traditionnelle. Mais, de plus, nous effectuons toutes les démarches à l'étranger ", explique-t-il. Parmi ses clients, on trouve SNC-Lavalin, Telus et Kruger. À l'automne 2008, Global Nomad a organisé une campagne-éclair de recrutement au Moyen-Orient pour le compte de plusieurs sociétés. Travailleurs recherchés : des ingénieurs civils en infrastructure ou en bâtiment, des techniciens seniors de chantiers ou des mécaniciens de machinerie lourde.

Lors de cette supermission de recrutement, près de 200 candidats se sont présentés à des entrevues préliminaires organisées à Dubaï et à Abu Dhabi, deux des Émirats arabes unis, et au Qatar. Dubaï est particulièrement reconnu comme un centre mondial pour tout ce qui touche au domaine de la construction. À la suite des pré-entrevues réalisées par Global Nomad, les dossiers des candidats retenus sont présentés au client, qui peut alors en sélectionner quelques-uns pour une entrevue au téléphone ou par téléconférence.

Mais comment trouver les candidats étrangers au profil recherché ? Alexandre Teodoresco puise dans la banque de professionnels qui ont déjà amorcé un processus d'immigration et qui ont présenté une demande de résidence permanente pour venir au Canada. Il s'agit alors de candidats intéressés à faire le grand saut. Sur leur formulaire de demande d'immigration, leur profession est indiquée. " Nous accélérons de beaucoup le processus habituel en faisant le maillage entre un poste spécifique et un travailleur apte et désireux de le pourvoir ", explique Alexandre Teodoresco. Pour l'entreprise cliente, l'ensemble du processus peut prendre de deux à trois mois.

Il existe plusieurs manières de faire venir des travailleurs étrangers au Québec et au Canada. La plus rapide consiste sans doute à obtenir un permis de travail temporaire, d'une durée de un à trois ans. Cependant, ce permis est réservé aux métiers ou aux professions touchés par une pénurie de main-d'oeuvre, notamment les informaticiens, les professeurs d'université et plusieurs types d'ingénieurs.

Depuis juin dernier, il y a du nouveau à ce chapitre. Le gouvernement de Jean Charest a en effet annoncé des mesures qui visent à faciliter l'installation permanente au Québec de travailleurs qualifiés (voir l'encadré). L'une d'elles consiste à traiter en priorité les demandes d'immigration des travailleurs actifs dans un domaine où il y a pénurie de main-d'oeuvre. " Auparavant, l'ensemble des demandes étaient traitées selon le principe du premier arrivé, premier servi, explique la ministre Yolande James. Dorénavant, pour un certain nombre de domaines aux prises avec une pénurie, nous repérons dans le système les personnes qui ont le profil recherché, et leur demande est analysée avant celle des autres. " Cette mesure touche les demandeurs qui ne sont pas déjà au Québec. " L'immigration n'est pas la seule solution, mais elle peut jouer un rôle important ", ajoute la ministre.

La firme d'ingénierie CIMA+ est tout à fait d'accord avec cette affirmation. Au fil du temps, elle a embauché plusieurs travailleurs récemment installés au Québec et a pourvu de nombreux postes en se tournant en particulier vers des travailleurs d'origine africaine. Et cela, tant pour des postes d'ingénieur et de technicien que pour du personnel de bureau. En plus de combler ses besoins de main-d'oeuvre, cette stratégie a donné un autre avantage à l'entreprise en lui ouvrant le marché africain. " Nos employés originaires des pays d'Afrique connaissent bien les rouages et les modes de fonctionnement de leur pays, ce qui est particulièrement utile pour les offres de services, souligne Kazimir Olechnowicz, président de CIMA+. Ils sont aussi au fait des différences sur le plan technique, ajoute-t-il. Les contraintes de température pour la construction de routes ne sont pas les mêmes en Afrique et au Québec... "

Cima+, qui compte 1 500 employés, a désormais quatre bureaux dans des pays africains, soit le Niger, la République démocratique du Congo, l'Algérie et le Ni-geria. Certains professionnels font la navette entre les bureaux canadiens et les bureaux à l'étranger. " À quelques exceptions près, nous avons toujours réussi à obtenir les autorisations pour faire ve-nir ici des employés étrangers dans le cadre de formations ou de projets spécifiques ", explique Kazimir Olechnowicz.

Une certaine volonté

Le recrutement de travailleurs à l'étranger ou de nouveaux immigrants exige une certaine volonté et des investissements de la part des entreprises. En plus de participer à des missions de recrutement en Europe, CGI Québec mise sur les immigrants qui arrivent à Montréal. L'entreprise collabore alors avec des organismes d'intégration des nouveaux arrivants. " L'an dernier, nous avons fait venir des professionnels par autobus à Québec pour qu'ils visitent l'entreprise et passent des entrevues ", raconte Bernard Labelle. Résultat de ce type de démarche au cours des dernières années : cette unité d'affaires de CGI compte maintenant des employés de 32 nationalités différentes.

Au-delà du temps et de l'argent à investir pour recruter des travailleurs étrangers, il faut être ouvert à la diversité. Une ouverture que doit montrer la direction, mais aussi le personnel, ce qui n'est pas nécessairement le cas dans toutes les entreprises. " On dit souvent que les Québécois sont ouverts, commente Michael Charest, conseiller principal chez Dolmen Capital humain, mais je ne suis pas convaincu que ce soit exact. Si le taux de chômage au sein des communautés culturelles n'est pas plus élevé, c'est d'abord parce que leurs membres s'entraident et s'embauchent entre eux. " En cas de pénurie de main-d'oeuvre, les entreprises préfèrent souvent rappeler leurs employés à la retraite plutôt que d'embaucher des travailleurs d'origine étrangère, constate le consultant.

Selon Michael Charest, il est temps que les entreprises québécoises mettent en place des processus pour éviter les préjugés culturels lors de l'embauche. Il propose, entre autres, de dissimuler les noms sur les CV avant d'effectuer le premier tri. De plus, les entrevues devraient avoir lieu en présence de plusieurs intervieweurs, ce qui laisserait moins de place aux préjugés individuels. L'immigration constitue une partie de la solution aux problèmes de main-d'oeuvre, mais il faudra que les mentalités évoluent.

Trois nouvelles mesures

1- Les étudiants étrangers qui auront obtenu un diplôme au Québec pourront immigrer de façon permanente. Ils recevront un certificat de sélection du gouvernement provincial, qui mène habituellement à l'obtention de la résidence permanente accordée par le fédéral. Seules certaines catégories de diplômés y sont admissibles.

2- Les travailleurs qui se trouvent déjà au Québec grâce à un permis de travail temporaire pourront immigrer de façon permanente après une certaine période de temps.

3- Certaines demandes d'immigration seront traitées en priorité. Le gouvernement québécois analysera en premier les demandes de travailleurs dont le profil correspond à un type d'emploi où il y a pénurie.

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