Recettes de gestion

Publié le 16/04/2012 à 10:53, mis à jour le 18/04/2012 à 10:56

Recettes de gestion

Publié le 16/04/2012 à 10:53, mis à jour le 18/04/2012 à 10:56

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Appliquer de nouvelles méthodes de gestion sans courir le risque de provoquer l’explosion (ou l’implosion) de l’entreprise, est-ce possible ?

Auteur : Jules Goddard - BUSINESS STRATEGY REVIEW

W. Edwards Deming, sans doute le théoricien du management le plus influent du XXe siècle, s’est taillé une réputation en prouvant notamment que c’est le système, et non l’individu, qu’il faut remettre en cause quand rien ne va plus dans un univers artificiel. Par exemple, l’erreur humaine est une explication presque toujours inadéquate dans le cas d’un accident d’avion. Partant de ce principe, il a déduit que le contexte organisationnel est un élément bien plus déterminant pour la performance d’une entreprise que les compétences individuelles des employés. En effet, il disait toujours que la performance est le fait du système à 90 %, et de l’individu à 10 %. Les entreprises les plus florissantes sont celles qui créent un environnement de travail dans lequel des groupes d’employés peu supervisés mettent librement et naturellement leurs talents en commun afin de fournir collectivement les meilleurs résultats.###

W. Edwards Deming était particulièrement critique à l’égard de certaines pratiques de gestion prisées qui, selon lui, nuisaient autant à la performance de l’individu qu’à celle du groupe. Parmi celles-ci se trouvaient les pratiques courantes de fixer des objectifs, d’offrir des gratifications financières, de stimuler les employés à coups de slogans et de choisir les fournisseurs qui offrent les prix les plus bas.

Dans un même ordre d’idées, le spécialiste du comportement organisationnel Jeffrey Pfeffer a noté que rien ne prouvait que les meilleures entreprises étaient celles qui comptaient les employés les plus talentueux. Au contraire, les gens ordinaires au service d’entreprises extraordinaires sont plus performants que les individus extraordinaires dans les entreprises ordinaires. Ainsi, l’idée selon laquelle les entreprises se livrent une lutte féroce pour recruter les meilleurs candidats est un leurre. La réussite est davantage une affaire de culture d’entreprise, capable de stimuler ce qu’il y a de meilleur chez les individus, que de recrutement. Autrement dit, nous avons tendance à exagérer l’importance du talent et à sous-estimer celle de l’environnement de travail.

Concevoir l’environnement

Si l’environnement est le moteur de la performance, alors la conception de l’environnement est, par définition, la principale fonction de la gestion. Le défi est de saisir l’étendue d’un problème et les principes qui sous-tendent le positionnement de l’entreprise dans cet espace dimensionnel.

Toute entreprise affronte un nombre limité de dilemmes ou de compromis liés à la façon dont elle a été conçue pour atteindre ses objectifs. Ces choix se rapportent à la manière dont le savoir est abordé, le pouvoir, exercé, et l’énergie humaine, déployée.

Le savoir est à la source de la compétence organisationnelle. La direction d’une entreprise a la responsabilité d’accumuler et d’uti­liser des actifs intellectuels, ce qui inclut le savoir-faire et l’expertise des employés, mais également les formes plus codifiées du capital intellectuel qu’elle détient.

Le pouvoir est l’outil de la gestion. Il représente l’exercice de l’autorité et l’imputabilité des dirigeants. Ceux-ci ont la responsabilité de définir les stratégies et de prendre des décisions pour les mettre en œuvre.

L’énergie est le facteur vital de la bonne santé d’une organisation et de sa résilience. Il revient aux dirigeants d’une entreprise de motiver les salariés et de coordonner les efforts et l’enthousiasme de chacun.

Par analogie, si le savoir représente l’esprit d’une entreprise, alors le pouvoir est ses jambes, et son énergie, son cœur. Toute organisation, par nécessité, est confrontée à la question épineuse du savoir, du pouvoir et de l’énergie. Cependant, la façon d’aborder ces trois composantes diffère. Chaque dirigeant a sa propre approche, et chaque entreprise, ses formules.

Propositions d’expériences

Pour créer de la valeur, le dirigeant moderne aura avantage à repenser l’équilibre des forces sur les six spectres de la conception organisationnelle. Il devra explorer de nouveaux territoires, faire preuve d’audace et adopter une vision plus ouverte. Voici six exemples d’expériences innovantes qui pourraient transformer le domaine de la gestion, et qui correspondent chacun à l’un des spectres décisionnels.

Expérience 1

Améliorer la visibilité

Objectif principal : limiter le rôle des spécialistes, apprendre à se fier au sens commun

Changement de position sur le spectre : d’individuel à collectif

Mode d’emploi et argument : Avoir recours aux nouvelles technologies pour permettre aux dirigeants d’observer les actions de chacun et leurs conséquences. Cela aurait pour effet de faire tomber les barrières et les frontières dans l’entreprise, de créer un environnement de travail favorable, de stimuler l’apprentissage collectif et de miser sur le capital social. La visibilité (le fait que les stocks ou d’autres coûts soient connus de tous) est un des principaux ingrédients de la production Lean. Permettre aux dirigeants de connaître les comportements, la réussite et les échecs de tous les employés faciliterait le changement, en leur donnant la possibilité de tirer profit d’une plus grande somme d’expériences. Rien n’est plus stimulant que d’apprendre d’une réussite attribuable à un comportement différent du nôtre. Parallèlement, cette expérience permet de mettre en lumière les véritables talents de chacun. Les entreprises font rarement l’effort de connaître ce que leurs employés font le mieux. La plupart du temps, elles présument que les aptitudes d’un individu sont définies par l’emploi ou le poste qu’il occupe. Sur le Web, les choses sont bien différentes. Les gens sont connus pour leur véritable talent, et non pour leur CV, leur réputation en entreprise ou le poste qu’ils occupent. En ligne, la réputation se bâtit par la reconnaissance des pairs, comme le montre l’existence des votes, des commentaires et des évaluations. Le Web permet l’émergence de l’identité véritable.

Expérience 2

S’éloigner du centre

Objectif principal : se libérer des processus, faire confiance au jugement de chacun

Changement de position sur le spectre : d’institutionnalisé à souple

Mode d’emploi et argument : Prendre conscience que le changement apparaît généralement en marge des organisations, en périphérie du paradigme dominant. Reconnaître que la complaisance et l’aveuglement sont généralement plus importants au centre d’une entreprise, où la réussite commerciale s’est d’abord établie. Ainsi, en renforçant les mécanismes d’organisation individuelle et en ayant confiance en l’émergence de nouveaux degrés d’organisation plus efficaces que ce que les experts ou l’élite auraient pu imaginer, on évite la stagnation. La fin d’une entreprise débute par la croyance qu’elle détient la formule de l’éternelle prospérité, que ce soit pour son modèle d’affaires, un brevet ou une occasion de croissance. Pourtant, un jour ou l’autre, toute formule devient caduque, parfois même plus tôt que prévu. C’est pourquoi il faut instaurer un mécanisme permettant de combattre la tendance naturelle à toujours suivre un même plan et créer des poches d’entrepreneuriat, en s’éloignant du centre, pour venir à bout de l’orthodoxie et expérimenter.

Expérience 3

La parole au plus grand nombre

Objectif principal : se libérer des structures officielles, faire confiance aux réseaux informels

Changement de position sur le spectre : de hiérarchique à démocratique

Mode d’emploi et argument : Reconnaître que les meilleures décisions sont généralement prises par la collectivité et non par les experts, et s’en remettre aux marchés internes et aux réseaux étendus, c’est donner la parole au plus grand nombre dans la conception et la mise en œuvre de stratégies concurrentielles. Parce que le pouvoir est trop souvent concentré dans les mains d’un petit nombre d’individus, il importe d’étendre la prise de décision à l’intelligence collective. Lorsqu’il était PDG de Hewlett-Packard, Lou Platt disait : « Si HP avait su ce qu’elle sait à présent, nous aurions mieux réussi ». La structure hiérarchique constitue souvent un obstacle à la circulation de l’information, tant vers le haut que vers le bas. C’est pourquoi les cadres supérieurs sont rarement suffisamment informés pour prendre des décisions éclairées. Il importe donc de trouver des outils (des marchés de prédiction, par exemple) pour rassembler la somme des connaissances de tous et pour les mettre en application, surtout en ce qui a trait à la valeur escomptée d’options futures qui s’offrent à l’entreprise.

Parallèlement, on peut faire appel à des capital-risqueurs privés dans l’entreprise et trouver ainsi des sources de capitaux destinés à la recherche pour concrétiser les idées de gestion innovantes proposées par des employés. Une autre solution consiste à donner à ceux qui décident des budgets le droit de consacrer un certain pourcentage de ceux-ci à des projets de leur choix ou à des collaborations avec d’autres décideurs, afin de former des associations de prêteurs. En matière de répartition des ressources, les méthodes traditionnelles (le choix des dépenses par l’équipe dirigeante) présentent des ressemblances curieuses et peu enviables avec les méthodes de gestion de l’ancienne URSS.

Expérience 4

Faire preuve d’audace

Objectif principal : en finir avec la centralisation de la prise de décision et favoriser l’improvisation locale

Changement de position sur le spectre : de stratégique à opportuniste

Mode d’emploi et argument : Résoudre les différences d’opinions en testant les idées proposées plutôt qu’en demandant l’arbitrage de la direction. Cette expérience stimulera l’esprit entrepreneurial et favorisera l’expérimentation fréquente et libre d’idées plus audacieuses et moins traditionnelles. Hal Varian, professeur à UC Berkeley, soutient que les entreprises n’expérimentent pas suffisamment, et que plus de décisions devraient découler de la mise en pratique d’idées nouvelles, et non des délibérations des dirigeants.

Expérience 5

Établir la communication

Objectif principal : ne pas compter seulement sur les gratifications financières, mais plutôt sur le plaisir que procure le travail bien fait

Changement de position sur le spectre : d’extrinsèque à intrinsèque

Mode d’emploi et argument : En misant sur l’enthousiasme naturel que procure la partici­pation à des activités collectives, non pas pour une rétribution financière, mais pour le plaisir et la fierté que le personnel en tire ou pour la reconnaissance des pairs, on ouvre une porte sur le monde jusque-là inaccessible de la connaissance, de l’intuition et de l’optimisme. Cela permet de vérifier que les gens n’ont pas besoin d’être soudoyés pour donner le meilleur d’eux-mêmes. Le mouvement du logiciel libre et la vitalité de la contribution volontaire montrent d’ailleurs à quel point les mesures incitatives autres que financières sont stimulantes. Dans l’entreprise traditionnelle, les tâches à accomplir sont au cœur de son organisation. Dans les entreprises qui ont compris le potentiel des réseaux sociaux, l’activité est centrée autour de l’individu qui veut se démarquer. Les médias sociaux sont mis à sa disposition pour l’aider à entrer en contact avec d’autres individus, à former des communautés thématiques et à coordonner leurs activités. La performance n’est alors pas limitée par l’accès au capital, mais par la capacité de collaboration, c’est-à-dire la possibilité de regrouper des informations et des compétences dispersées. Il est nécessaire de redéfinir l’organisation de l’entreprise, et d’inclure la clientèle, les partenaires et d’autres acteurs encore dans la recherche de nouvelles occa­sions d’affaires. Procter & Gamble a d’ailleurs innové en ce sens avec son programme de recherche Connect and Develop, qui a connu un franc succès.

Expérience 5

Protéger la propriété intellectuelle

Objectif principal : accorder plus d’importance à la liberté d’action individuelle qu’à la direction

Changement de position sur le spectre : d’instrumentalisé à éthique

Mode d’emploi et argument : Reconnaître le problème de représentation inhérent au mode de gestion capitaliste des entreprises et tenter de le résoudre en trouvant de nouveaux moyens de garantir les droits de propriété ou la protection des brevets aux employés dont les idées se traduisent par des réalisations commerciales concrètes. Le défi de cette expérience est d’inventer des structures qui encouragent les employés à penser et à se comporter comme des propriétaires et des partenaires.

En conclusion

Les recherches ont montré que les personnes intelligentes ont de la difficulté à être dirigées. Ce qu’elles désirent avant toute chose, et ce à quoi elle s’attendent de leurs supérieurs hiérarchiques, c’est de pouvoir mettre à profit leur talent, de développer leurs compétences, de mener des activités à la hauteur de leurs capa­cités, d’être libérées des tâches administratives, d’avoir le droit d’échouer, d’être reconnues pour leur savoir-faire et d’avoir le temps de prendre des initiatives individuelles. Aujourd’hui, rares sont les entreprises qui satisfont ces desiderata. C’est le défi que les entreprises de l’avenir devront relever.

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