Pourquoi je n'aime pas les podiums

Publié le 01/01/2009 à 00:00

Pourquoi je n'aime pas les podiums

Publié le 01/01/2009 à 00:00

Tous les employés ont besoin de reconnaissance. Et nous, les patrons, avons choisi de répondre à ce désir en développant des programmes du type "L'employé du mois". Nous investissons des sommes parfois importantes pour organiser de grandes soirées au cours desquelles les meilleurs d'entre tous montent sur des "podiums". Est-ce la bonne façon de faire les choses ?

Je ne crois pas. J'ai l'impression que ces programmes de reconnaissance sont plutôt des programmes de compensation : ils compensent le fait que nous ne reconnaissons pas l'intelligence de nos employés en leur refusant la possibilité de participer aux décisions qui influent sur leur vie professionnelle. Alors, un soir par an, nous récompensons certains d'entre eux pour ce qu'ils font, plutôt que de reconnaître tous les jours tous nos employés pour ce qu'ils sont.

Il y a deux types de besoins dans la reconnaissance : celui issu de l'ego et celui issu de l'essence. Celui dont nous entendons le plus souvent parler est celui de l'ego, qui aime les applaudissements et les honneurs. Or, l'ego est déjà le plus grand obstacle à la performance dans nos organisations. Il empêche la recherche du bien commun, fragilise la confiance et freine le dialogue.

Certains programmes de reconnaissance accentuent la concurrence à l'interne au lieu de favoriser la synergie. Même les gagnants que nous pensons heureux se sentent parfois mal à l'aise face à leurs collègues. Un chef d'entreprise m'a confié qu'il avait investi plus de 120 000 dollars pour créer 12 perdants. L'entreprise avait mis 18 personnes en nomination pour des prix à l'interne, et 12 d'entre elles sont reparties perdantes.

On nous accuse d'avoir fait de nos jeunes des enfants-rois. Sommes-nous en train de faire de nos collègues des employés-rois ? Doit-on étancher toutes ces soifs de reconnaissance ?

Non. Il faut s'en tenir au besoin de reconnaissance qui vient de l'essence, c'est-à-dire celui d'être considéré comme une personne entière avec son talent, ses rêves, mais aussi ses peurs, ses limites et son envie de ralentir pour réfléchir. Cela nous forcera à revoir notre façon de partager le pouvoir. Tous les employés, sans exception, doivent participer aux grands débats - aussi bien sur la vision de l'entreprise que sur ses activités, chacun selon ses talents et ses intérêts.

Toutefois, pour reconnaître quelqu'un, il faut le connaître. Pour solliciter un employé pour un projet ou une promotion, il faut apprécier ses forces et ses désirs.

Reconnaître, c'est aussi donner du feed-back quotidiennement. Car rien n'est pire que l'indifférence. Savoir demander pardon lorsque l'autre avait raison est aussi une marque de reconnaissance. Tout comme faire place à l'initiative afin que chaque employé puisse oser et se dépasser. La R-D ne devrait jamais être centralisée, mais bien distribuée dans l'entreprise.

La transparence aussi est une forme de reconnaissance. J'ai déjà entendu un contremaître dire pour se justifier que s'il n'avait pas informé ses employés d'un déménagement à venir, c'était pour les protéger et pour éviter de leur causer du stress. Il n'a pas reconnu leur intelligence, leur capacité d'adaptation et leur résilience. La reconnaissance, c'est aussi l'ouverture. Par exemple, face à une demande d'aménagement du temps de travail, cessons d'avoir peur de créer un précédent et acceptons de reconnaître les besoins spécifiques de chacun.

La vraie reconnaissance se manifeste au quotidien dans la relation que nous entretenons avec nos employés. Le jour où les dirigeants auront compris cela, les podiums n'auront plus leur raison d'être. Continuons à célébrer, mais célébrons ce que nous sommes et ce que nous faisons pour changer la vie de nos clients.

Rémi Tremblay a été président d'Adecco Québec et d'Adecco Canada. Il est l'auteur de deux ouvrages : Découvrez le bonheur au boulot et Les fous du rois. Depuis 2004, il accompagne les dirigeants qui souhaitent repousser les frontières de leur leadership.

remi.tremblay@esseleadership.ca

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