Philippe Torres : L'intelligence d'affaires ou l'art de faire parler les données

Publié le 21/10/2008 à 18:41

Philippe Torres : L'intelligence d'affaires ou l'art de faire parler les données

Publié le 21/10/2008 à 18:41

Par lesaffaires.com

Apparu au début des années 1980, le concept d'intelligence d'affaires (Business Intelligence) pénètre depuis une dizaine d'années le marché des PME. Les entreprises québécoises y sont-elles réceptives ? " C'est un secret très bien gardé ", répond Philippe Torres, président de SQLiaison, une entreprise montréalaise experte en gestion de l'information.


Qu'est-ce que l'intelligence d'affaires ?

C'est l'ensemble des processus et des technologies qui permettent à la direction et aux cadres d'une entreprise de prendre des décisions plus éclairées. Par exemple, si je m'appelle Jean Coutu, je veux savoir ce qui se vend bien à tel endroit et à quel moment de l'année. Pour obtenir cette information, je devrai croiser des millions de données portant sur les transactions de vente, sur l'approvisionnement, sur la clientèle, et aussi des données externes comme les prévisions météorologiques. Bref, j'irai chercher toutes ces données et je les ferai parler. C'est l'intelligence d'affaires.

Mais cela reste des données...

L'objectif de l'intelligence d'affaires n'est pas d'accumuler des données, mais de produire de l'information de gestion pour éclairer les décideurs et les aider à prendre de meilleures décisions. La prise de décision devient facile quand on dispose de données bien structurées. Et c'est là que réside la complexité de l'intelligence d'affaires : assembler des millions de données, les structurer, et mettre en place des processus d'interprétation pour produire une information fiable à partir de laquelle on peut agir. Historiquement, les entreprises ont toujours eu des armées d'analystes qui passent 80 % de leur temps à recueillir l'information et 20 % à l'analyser. L'intelligence d'affaires vise à renverser la vapeur et à faire en sorte qu'ils passent 20 % de leur temps à recueillir l'information et 80 % à l'analyser. Donc, l'intelligence d'affaires vise aussi à simplifier le processus de gestion de l'information pour éclairer et accélérer la prise de décision.

Les consommateurs en bénéficient-ils ?

Bien sûr. Des applications très visibles sont le fruit du processus d'intelligence d'affaires. Un exemple significatif : c'est grâce à l'intelligence d'affaires que les services à la clientèle des banques, des compagnies d'assurance, des entreprises de téléphonie, etc., peuvent, d'un clic, obtenir le portrait-client de la personne qui appelle ou qui est assise en face du représentant.

C'est donc également un outil de marketing puissant...

Certains le voient sous l'angle marketing, d'autres sous l'angle service à la clientèle. C'est un système qui permet d'offrir le bon produit ou le bon service au bon moment et au bon client. Par exemple, c'est grâce à l'examen de toutes les données sur les habitudes d'utilisation du cellulaire qu'une compagnie de téléphonie pourra développer tel ou tel programme, voire offrir à un client un programme qui correspond au mieux à son profil. Par exemple, M. Torres appelle souvent ces mêmes numéros au Québec et téléphone souvent à l'étranger. Nous lui offrirons donc un plan en fonction de ces données.

Mais ça, c'est l'aspect le plus visible pour les consommateurs. L'intelligence d'affaires, c'est plus que cela. C'est un outil décisionnel de la plus haute importance.

... un exemple ?

Imaginons que l'un des objectifs généraux du plan stratégique d'une PME soit de maintenir une croissance des ventes de 10 % au cours des 12 prochains mois, et que l'un des plans d'action élaborés pour y parvenir consiste à travailler à la rétention de clientèle. Quelles informations me faut-il pour me faire une idée précise de la situation afin de prendre les mesures adéquates ? On peut imaginer qu'on mettra en place des outils pour mesurer le taux de déchéance des clients et voir qui sont les meilleurs clients, ceux qui sont les plus fidèles et ceux qui paient à temps. Ces informations seront collectées et traitées par le vice-président marketing, qui les transmettra au vice-président aux ventes, qui les croisera probablement avec d'autres données comme les produits les plus vendus et les périodes les plus achalandées. Bref, on crée des îlots de données en vue d'étayer certains objectifs du plan stratégique, et on effectue des croisements pour produire une information " sur mesure ".

Continuons avec notre vice-président marketing. Il a maintenant à sa disposition un système fonctionnel qui sera mis à jour régulièrement et qui lui permettra de répondre à des questions ad hoc du genre : quels sont les nouveaux clients acquis en 2007, toujours présents en 2008, et qui font partie des 10 % de clients les plus profitables à l'entreprise en Ontario ? Il aura sa réponse en un tournemain. Sans l'intelligence d'affaires, ce processus aurait été si long que le vice-président marketing ne se serait probablement jamais posé la question. C'est cela, le competitive hedge : la capacité de répondre vite à ce genre de questions pour prendre des décisions rapides. Pour être concurrentiel, il faut savoir. Pour savoir, il faut de l'information. Et l'information est produite à partir de la collecte et de l'analyse de données. Le circuit est bouclé.

Quand une PME a-t-elle besoin de recourir à l'intelligence d'affaires ?

Je dis toujours qu'à partir du moment où l'on ne peut plus gérer l'entreprise sur une serviette de papier, il est peut-être temps de s'intéresser à l'intelligence d'affaires pour rester concurrentiel. Après tout, les PME ont les mêmes défis que les grandes entreprises, et cela fait appel aux mêmes sources de données. Ce qui les différencie, c'est le volume de ces données. Par exemple, une PME fera 2 000 transactions par mois, alors que la grande entreprise en fera 150 000. La problématique reste la même, mais la complexité du système à instaurer est différente.

Est-ce un concept qui s'étend au Québec ?

C'est une matière qui s'enseigne dans les programmes de gestion sous différentes appellations, comme " Management Information System " ou encore " Gestion informatisée ". C'est un concept auquel les milieux d'affaires s'intéressent beaucoup. Et pour cause : pour de nombreuses entreprises, la différenciation avec la concurrence est de plus en plus difficile à développer. On a besoin d'informations qui permettent d'offrir des produits uniques pour se démarquer. Et c'est bien là un des avantages de l'intelligence d'affaires : augmenter la compétitivité.

Et garder un pas d'avance sur la concurrence...

Exactement, car l'intelligence d'affaires permet aussi de faire des prévisions, de répondre à des questions qu'on ne s'est pas encore posées. Par exemple, on peut prédire que la performance de l'entreprise continuera d'augmenter avec l'ouverture d'un certain nombre de nouveaux magasins et qu'au-delà de ce nombre, on s'expose à une décroissance. Utile en phase d'expansion, non ?

Pourquoi les entreprises sont-elles si discrètes sur le sujet ?

C'est vrai que c'est un secret bien gardé. L'intelligence d'affaires donne un avantage concurrentiel énorme. Je connais des entreprises qui ont obtenu un rendement de leur investissement à peine quatre mois après avoir implanté des systèmes d'intelligence d'affaires. Vous comprenez qu'elles ne dévoileront pas leur secret !

Cet article a été publié dans la revue PME en mai 2008. PME a été discontinuée à l'automne 2008.

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