Passez à l'attaque avec Garry Kasparov

Publié le 06/11/2008 à 14:24

Passez à l'attaque avec Garry Kasparov

Publié le 06/11/2008 à 14:24

Par lesaffaires.com
Après avoir mis un terme à sa carrière échiquéenne en 2005, Garry Kasparov s'est demandé pourquoi il était devenu l'un des plus grands joueurs d'échecs de tous les temps. Il partage avec Lesaffaires.com le fruit de ses réflexions. Consultez notre dossier.

Q. Vous considérez que l'on apprend de ses défaites, pourvu qu'on ait le courage de se pencher dessus. Qu'avez-vous appris de la perte de votre titre de champion du monde face à Vladimir Kramnik à Londres en 2000?

R. J'ai beaucoup appris de cette cuisante défaite. Certaines des leçons que j'en ai tirées sont venues immédiatement après le match, alors que d'autres m'ont demandé des années à déceler et intégrer.

En premier lieu, j'ai appris qu'être prêt à se battre sur 95% du terrain d'affrontement est insuffisant, car votre adversaire va tout faire pour vous amener sur les 5% restants, sur lesquels il sera justement le plus fort. Et comme être prêt à 100% est impossible, on se doit de faire preuve de flexiibilité, d'être prêt à s'adapter à n'importe quoi.

Par la suite, j'ai surtout découvert ce que j'appelle la gravité des succès passés. Quand je me suis rendu au match de Londres en 2000, j'étais au meilleur de ma forme et allais de victoire en victioire, tournoi après tournoi. Perdre ne m'effleurait même pas l'esprit.

En fait, je ne pêchais pas par une confiance outrancière, mais plutôt par une forme de rigidité. Même quand le match prenait une mauvaise tournure pour moi, je n'en croyais pas mes yeux. Vers la fin, j'étais complètement démoralisé.

Du coup, j'ai compris que le succès passé est l'ennemi du succès futur. Quand on gagne, on se plaît à croire que c'est grâce à notre talent, et quand on gagne beaucoup, on finit par se croire invincible. Cela nous fait oublier que ceux qu'on a battu fourbissent leurs armes pour demain et, à travers leurs défaites, analysent vos propres faiblesses pour vous surprendre plus tard.

Le mieux est donc d'étudier sans relâche ses propres faiblesses, que l'on peut déceler même dans ses victoires.

Q. Vous considérez qu'aux échecs l'attaquant a toujours un avantage sur son adversaire. Est-ce aussi vrai dans le milieu des affaires?

R. Il n'y a pas de «toujours» aux échecs, dans le milieu des affaires ou dans la vie de tous les jours. Ce qui d'ailleurs rend la vie intéressante...

S'il commet une erreur, un attaquant, qu'il soit joueur d'échecs ou entrepreneur, peut tout perdre. Cela étant, faire preuve d'agressivité permet de mettre beaucoup de pression sur son adversaire, qui peut finir par commettre une bévue irréparable.

On apprend aussi davantage quand on se montre actif dans une situation que quand on se contente de rester passif. Parfois, la passivité permet de survivre, mais une telle attitude ne vous permettra pas de tirer des enseignements de ce que vous venez de traverser comme difficulté.

Q. Peut-on utiliser votre méthode MTQ (pour Matériel, Temps, Qualité) pour évaluer une situation dans la vie quotidienne?

R. Absolument! D'ailleurs, j'ai découvert ce concept non pas en réfléchissant sur les échecs, mais en lisant une biographie de Napoléon, et en particulier un passage décrivant une de ses batailles. Il m'est soudain apparu que ces trois blocs - le matériel, le temps et la qualité - sont les fondations de toute activité.

En fait, nous nous en servons constamment, mais de manière inconsciente. Quand nous effectuons une action, nous gérons au mieux deux données, à savoir les biens matériels et le temps, dans l'optique de gagner en qualité.

Je m'explique. Un entrepreneur doit faire des choix pour la réalisation d'un projet : par exemple, embaucher pour renforcer son équipe et voir ainsi le projet mené à bien plus vite? Ou bien accorder davantage de temps à l'équipe sur ce projet, au détriment d'autres projets? Le but est de réaliser en gain en qualité, laquelle peut se traduire par une marque plus forte, une meilleure réputation de l'entrepreneur auprès de ses employés ou encore une équipe plus compétente.

Une fois que vous êtes conscient de la méthode MTQ, l'important est d'y recourir le plus souvent possible.

Q. Peut-on dresser un plan d'affaires comme on dresse un plan stratégique au jeu d'échecs?

R. Dans les grandes lignes, oui. Aux échecs comme en affaires, votre adversaire ou vos concurrents vont toujours tenter de contrer vos plans.

Pour surmonter cette adversité, il vous faut évaluer la situation avec la méthode MTQ, puis vous fixer des objectifs à court et moyen termes sans perdre de vue vos objectifs à long terme. Et avant de vous lancer franchement, il faut vous assurer que vous avez une bonne compréhension de tout ce qu'il vous faudra faire pour atteindre chacun de ces buts.

Q. Pour réussir, les gens d'affaires doivent-ils impérativement innover comme vous vous avez innové aux échecs?

R. Être créatif est essentiel pour réussir, quel que soit le domaine. Mais, innover ne signifie pas être un génie de l'invention, contrairement à ce que croient beaucoup de gens.

Un entrepreneur peut, par exemple, trouver une petite amélioration dans la manière dont son équipe travaille depuis toujours. En fait, tout le monde peut améliorer la qualité de sa vie au travail en réfléchissant un peu sur ce qu'il doit faire quotidiennement et sur la manière dont il pourrait le faire mieux ou plus vite.

Cherchez à innover, vous y prendrez un grand plaisir. Un mot d'odre : brisez la routine!

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